"Maus", histoire de famille (Martin Winckler)
2 Février 2011 , Rédigé par Revue de web Publié dans #Mémoire Seconde guerre mondiale
Article du 9 novembre 2003
Cet article m’a été suggéré par Didier Pasamonik, éditeur et critique, en vue de l’insérer dans son ouvrage critique collectif - La diaspora des bulles - consacré à l’image des Juifs, mais aussi à l’apport des écrivains et artistes juifs à la bande dessinée mondiale. Il devrait paraître fin 2004 aux éditions Glénat.
Fils de sépharades algérois, je n’ai eu à subir ni la réalité de la Shoah, ni son poids symbolique. Un de mes oncles maternels a été prisonnier, mais dans un camp militaire, pas dans un camp de concentration. Et il en est revenu.
Mon père, dont le père avait été tué pendant la guerre de 14, est devenu médecin parce que sa mère pensait que ça lui éviterait la conscription. Elle avait tort. Il est parti pendant la drôle de guerre, a failli être envoyé quelque part au-dessus du cercle polaire, a été démobilisé avant, est rentré en Algérie.
Comme il était fils de tué, l’abrogation des décrets Crémieux (qui avaient autrefois donné la nationalité française aux Juifs d’Algérie) ne l’a pas empêché d’exercer la médecine pendant les années d’Occupation. On m’a rapporté qu’un jour, alors qu’il servait d’aide opératoire, un chirurgien lui a demandé, assez méchamment, comment il se faisait que lui, Juif, il puisse encore pratiquer. Mon père a répondu : " Mon père est mort au champ d’honneur en 1915. Quelle chance, hein ? "
Ma famille a été protégée de la Shoah par la mer Méditerranée mais nous n’en sommes pas moins devenus, un temps, des Juifs errants. Mes parents, mon frère, ma s ?ur et moi-même avons quitté l’Algérie fin 1961, transité moins d’un an en Israël, puis sommes allés nous installer en France, où mes parents ont fini leur vie. L’ironie de l’histoire c’est que nous nous sommes installés à Pithiviers, où entre 1942 et 1944, un camp de transit servit à parquer des hommes, femmes et enfants juifs voués à l’extermination.
Il a fallu longtemps avant que mes parents ne l’apprennent ; il en a fallu encore plus avant que cela ne devienne un fait historique reconnu, au début des années 90, grâce à une poignée d’associations. Le silence de plomb, peut-être coupable, qui régnait sur la ville m’a permis, pendant mon enfance, de ne pas souffrir de l’antisémitisme. Ça n’a pas empêché mon père d’en souffrir.
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