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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

« Les ennemis de la République » : le feuilleton de la France islamophobe (Philippe Marlière)

10 Novembre 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Islamophobie

Face aux attaques islamistes, le gouvernement tente de construire une union nationale qui repose sur l’identification « d’ennemis de l’intérieur » : les musulmans et leurs « alliés », les « islamogauchistes ». Cette stratégie nationaliste participe d’une attaque sans précédent contre la liberté d’expression

Depuis les attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, le gouvernement français parle d’unité nationale, entendue comme une union contre les « ennemis de la République ». Il rejoue l’éternelle pièce de la patrie en danger, en guerre contre les terroristes islamistes.

Des bouc-émissaires ont vite été identifiés. Leurs noms avaient déjà été jetés en pâture dans les débats publics depuis quelque temps. Il s’agit, en premier lieu, des musulmans sui generis.

Pour le gouvernement, les médias et une grande partie de la classe politique, il va de soi qu’islamisme « djihadiste » et islam sont les deux faces d’une même pièce. Cet amalgame est aussi pertinent que de suggérer que chez tout communiste sommeille un Staline ou un Pol Pot.

Les musulmans en général sont l’éternelle cinquième colonne qui risque à tout moment de faire vaciller la paix sociale en France. Le gouvernement prépare d’ailleurs une loi sur le « séparatisme » qui cible les fidèles de l’islam, toujours soupçonnés de ne pas adhérer aux « valeurs de la république » ou de rejeter la laïcité. Personne ne pose jamais la question de savoir sur quelles bases réelles reposent de tels soupçons.

La recherche de boucs-émissaires

Un séparatisme existe pourtant en France. Depuis plus de 30 ans, les gouvernements successifs traitent comme citoyens de deuxième catégorie les musulmans pour la plupart issus des anciennes colonies du Maghreb : racialisation des populations musulmanes lors de contrôles au faciès (dans une république pourtant réputée colour-blind), discriminations à l’embauche et au logement, ou encore « ghettoïsation » de ces populations dans des zones urbaines pauvres aux services publics défaillants.

Mais il est plus simple d’incriminer les mœurs d’une population, d’expliquer de manière condescendante aux musulmanes pourquoi elles ne devraient pas porter le hijab, que de mettre en œuvre des politiques publiques justes et de lutter contre l’islamophobie, le racisme antimusulman.

Les intellectuels et universitaires critiques sont les nouveaux « ennemis de l’intérieur ». Ils font eux aussi partie de la cinquième colonne aux côtés des musulmans. Jean-Christophe Blanquer, ministre de l’Éducation, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, les ont tour à tour qualifiés d’« islamogauchistes ». Ce terme était jusqu’alors réservé aux trolleries d’extrême droite sur les réseaux sociaux.

Le néologisme « islamogauchisme » n’est pas un concept scientifique cohérent et étoffé. Il s’agit d’une notion polémique et creuse comme celle de « communautarisme ».

Ce terme flou autorise un amalgame politicien : « islamo » fait référence à l’islamisme fondamentaliste violent (c’est-à-dire à une idéologie politico-religieuse radicale issue du wahhabisme), mais renvoie aussi implicitement à l’islam pacifique de la très grande majorité des pratiquants. L’idée est d’ancrer dans les esprits que l’islam est, par essence, une religion dangereuse, voire criminelle.

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