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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Front populaire et mythologie politique: «l’oubli» des colonisés (Olivier Le Cour Grandmaison)

15 Mars 2016 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Colonisation

Illustration choisie par le webmestre

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En ces temps de crise économique, sociale et politique, le Front populaire et ses grandes figures du mouvement ouvrier français sont de nouveaux sollicités par certains de nos contemporains qui pensent y trouver des orientations et des modalités d’action susceptibles de les aider à résoudre les problèmes présents. A quoi s’ajoute, cette année, le quatre-vingtième anniversaire de cet événement réputé fondateur au cours duquel, grâce à la grève générale, aux occupations d’usines et aux réformes du gouvernement conduit par Léon Blum, des victoires essentielles furent remportées contre le patronat et une droite hostiles à tout changement. Augmentation des salaires de 12%, réduction du temps de travail hebdomadaire à 40 heures et deux semaines de congé payé, tels sont les principaux acquis sociaux arrachés de haute lutte par celles et ceux qui s’étaient mobilisés de la mi-mai au mois de juin 1936. Nul doute, cette conjoncture va être l’occasion de nombreuses commémorations et initiatives diverses destinées à célébrer ces événements. Nul doute, aussi, les premières vont contribuer à réactiver une histoire édifiante et pour cela trop souvent oublieuse de certaines réalités susceptibles mettre à mal mythologies syndicales et partisanes.

Fort soucieux du sort des ouvrier-e-s français, la SFIO, le parti communiste et la CGT furent beaucoup moins sensibles à la condition autrement plus dure des colonisés, et les audaces réformistes des uns et des autres n’ont, à l’époque, jamais atteint les territoires de l’empire. Là-bas, les autochtones n’étaient pas citoyens mais « sujets, protégés ou administrés français » privés, pour l’écrasante majorité d’entre eux, des droits et libertés fondamentaux. De là plusieurs conséquences majeures qui éclairent le statut singulier de ces « indigènes. »

Nonobstant quelques situations particulières, somme toute marginales, ils ne jouissent d’aucune prérogative politique : ni droit de vote, ni liberté d’association et de réunion, ni liberté de la presse. Enfin, dans la plupart des possessions d’outre-mer, ils sont soumis à des dispositions d’exception telles que la responsabilité collective et l’internement administratif à quoi s’ajoutent de nombreuses mesures répressives réunies dans différents codes de l’indigénat. Le premier est adopté en Algérie le 9 février 1875. Sous des formes diverses, il est ensuite étendu à la Nouvelle Calédonie (1887), à Madagascar (1899), à l’Afrique occidentale française (1904) puis équatoriale (1910).

Aussi appelés « codes matraques » par leurs détracteurs, ces codes de l’indigénat organisent « un régime spécial » et « exorbitant » au regard des principes de la République, note le juriste J. Aumont-Thiéville en 1906.

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