Loi sur le foulard. BN du MRAP le 20 novembre 2003
1 Janvier 2010 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Islamophobie, #MRAP, #Repères, #Laïcité
Déclaration du Bureau National
Signes religieux et Politiques à l'École. Une loi qui serait dangereuse.
Le MRAP, profondément attaché à la laïcité et à l'égalité, particulièrement entre les hommes et les femmes, s'oppose au projet de texte de la mission parlementaire sur les signes religieux et politiques à l'École, présidée par Jean-Louis Debré, qui opte pour « l'interdiction du port visible de tout signe religieux et politique dans l'enceinte des établissements scolaires du service public ».
Le MRAP pense que seuls le dialogue, l'éducation, dans une École émancipatrice pour toutes et -tous et dont la mission est d'accueillir tous les jeunes, peuvent mener à plus de laïcité partagée, au mieux vivre ensemble et à la démocratie. L'éducation à la responsabilité, à la citoyenneté, contre le racisme et les discriminations, qui permet de comprendre l'autre dans une société plurielle en devenir, y tient toute sa place ; elle permet de recréer du lien social.
Les amalgames entretenus par les medias, sur fond de perspectives électorales, entretiennent la confusion, par exemple entre l'École et les services publics voire les entreprises, entre l'État laïque, les enseignants qui ont un devoir de neutralité et les usagers (les élèves) qui disposent de la liberté d'expression mais avec des limites réglementaires, entre le port du « foulard » et l'absence à certains cours, etc.
Le MRAP, hostile au port de signes religieux à l'École, estime toutefois qu'édicter une nouvelle loi n'est pas une solution adéquate. Pourquoi imposer une telle mesure coercitive, lourdes de conséquences symboliques, alors que des solutions acceptables peuvent être trouvées dans le cadre des établissements, par le dialogue et une médiation renforcés, à fortiori dans les cas où le port du signe est imposé?
Le MRAP craint qu'une loi de circonstance élaborée avant tout pour -régler la question du « voile », stigmatise de fait les musulmans, c'est à dire pour l'essentiel une partie des immigrés et leurs enfants; ceci ne peut qu'alimenter les frustrations, les difficultés d'intégration a fortiori pour les filles ainsi privées d'École publique et renvoyer à un développement éventuel du communautarisme et des Ecoles confessionnelles.
La -Loi, présentée comme la panacée pour régler les conflits, vu sa simplicité, serait en fait inutile (pas plus de 10 cas litigieux par an) et inefficace. Les chefs d'établissement très demandeurs et les enseignants se verront toujours confrontés à des difficultés pour cerner en l'espèce un signe religieux, ce qui relève de -la religion, de la culture ou de l'esthétique. Le port de signes politiques , lui, reste des plus flous ; s'agit-il d'insignes de partis politiques ou des manifestations en faveur des droits de l'homme, des grandes causes humanitaires, souvent bases de l'engagement civique des jeunes qui, par ailleurs, est fortement encouragé.
Le MRAP estime ce projet rétrograde , car au XXIème siècle, vouloir faire de l'École un lieu aseptisé, un « sanctuaire », envisager de restreindre la liberté d'expression des élèves, comme le propose le texte de la mission parlementaire, ne permettra ni le développement de la formation des futurs citoyens ni la promotion de l'esprit critique, base de l'émancipation, même si bien entendu un encadrement reste nécessaire.
Le MRAP déclare ce projet dangereux car il limite la liberté d'expression et peut être la base d'un engrenage qui mènerait à des atteintes aux libertés publiques et politiques. Le développement de tous les racismes en France et le peu d'efficacité de la lutte contre les discriminations ont favorisé de manière insidieuse ce type de proposition qui, à son tour, risque de renforcer le racisme contre les musulmans, faisant le jeu de l'extrême droite.
Pour le MRAP cette proposition est un leurre qui masque l'essentiel. Sous couvert de défense de la laïcité, le texte fait l'impasse sur la crise de l'École, l'échec scolaire, les discriminations, les ghettos qui, là encore, alimentent le désespoir et font le lit du communautarisme.
Paris, le 20 novembre 2003.
Publié dans "La lettre de l'adhérent" n° 34
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