2004 : "Avenir du MRAP". Textes de l'opposition d'alors.
Ce texte a été écrit fin 2004.. Il est publié dans un but documentaire, à l'intention de ceux qu'intéresse l'histoire du MRAP. Il a été mis en ligne début 2005 sur un blog oppositionnel de l'époque.
Deux de ses signataires font partie de l'actuelle direction du MRAP (note de 2013)
LE SENS DE NOTRE ENGAGEMENT
Nous avons animé au sein de la Direction et avec d’autres bien sûr, les campagnes nationales, les luttes contre l’extrême droite et contre les violences policières.
Nous avons animé au sein de la Direction et avec d’autres bien sûr, la réflexion sur les convergences idéologiques entre l’extrême droite et les extrêmes communautaires.
Nous avons animé au sein de la Direction et avec d’autres bien sûr, la campagne nationale sur la lutte contre les discriminations.
Nous avons animé au sein de la Direction et avec d’autres bien sûr, la commission de gestion, le groupe de travail sur les statuts et représenté le MRAP pour lui permettre d’obtenir des subventions.
Nous avons représenté le MRAP National et avec d’autres bien sûr devant toutes les institutions y compris l’autorité judiciaire devant laquelle le MRAP non seulement a remporté des victoires essentielles pour la lutte contre le racisme, contre les tortures de la guerre d’Algérie, contre les violences policières, mais a aussi défendu son Honneur en faisant condamner pour diffamation ceux qui l’avaient ignominieusement attaqué.
Les motivations qui –à notre tour- nous animent et caractérisent le sens de notre engagement peuvent se résumer en une phrase :
Promouvoir inlassablement les droits universels et indivisibles de la personne humaine.
De cet ambitieux objectif découle la lutte contre LE racisme et le développement de l’amitié entre les peuples.
C’est ainsi que nous avons poursuivi le combat qu’ont mené les fondateurs de notre Mouvement pendant plus de cinquante ans qui, en 1949, formant un cercle en se tenant par le bras, ont juré solennellement : « PLUS JAMAIS ÇA ! ».
Dès le début de la guerre d’Algérie, le MRAP a condamné le colonialisme et toutes les violences racistes qui en découlaient notamment les tortures, les exécutions sommaires et les exactions de toute nature à l’encontre des algériens. Ce faisant, il démontrait sa capacité à élargir son combat initial de la lutte contre l’antisémitisme, à d’autres racismes.
Enfin, dans les années soixante dix, le MRAP, Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix évolue, assignant au combat contre LE racisme, un caractère universaliste. Près de trente ans après la création du MRAP, les militants décidaient - fort du postulat philosophique selon lequel il n’existe qu’une espèce : l’espèce humaine - de modifier l’intitulé de notre association qui désormais s’appelle le Mouvement contre LE Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples.
Ils consacraient ainsi, le caractère universel de la lutte contre LE racisme rejetant toutes démarches qui le catégorise et le hiérarchise.
Jamais ces fondamentaux n’ont été remis en question au sein de notre association et notre dernier congrès a réaffirmé une fois encore le caractère universel de la lutte contre le racisme.
Force nous est malheureusement de constater que tant les expressions publiques depuis plusieurs mois jusqu‘à la veille du congrès que celles depuis sa clôture participent de cette volonté de catégoriser le racisme donc nécessairement de le hiérarchiser.
Le caractère confus et contradictoire de l’expression du MRAP sur le voile et sur le racisme arabo-musulman a conduit nos instances il y a quelques mois à réaffirmer avec force le rejet de toute grille de lecture communautariste.
La référence à l’islamophobie a accentué cette confusion en faisant sortir le MRAP de son champ d’intervention en confondant souvent la stigmatisation frappant des musulmans pour faits de croyance avec la défense de la religion elle-même.
Cette dispersion du MRAP sur des terrains qui n’étaient pas les siens, a donné l’impression que le MRAP naviguait à vue au rythme des médias et ceci au détriment de campagnes beaucoup plus fondamentales, et notamment la lutte contre les discriminations et pour l’égalité, pour la régularisation des sans-papiers, pour la citoyenneté et le droit de vote des étrangers. Elle ne lui aura pas permis de s’ouvrir aux revendications nouvelles, notamment celles qui réaffirment la complémentarité entre la lutte contre le racisme et la défense du droit des femmes.
A la veille du congrès, une dépêche de l'AFP reprenait la déclaration suivante :
« on reconnaît la spécificité de l’antisémitisme on doit reconnaître celle de l’islamophobie. Il y a aujourd’hui une peur irraisonnée et fantasmée de l’islam et j’affirme qu’il est plus dur aujourd’hui d’être arabe que d’être juif en France ».
Cette catégorisation et hiérarchisation du racisme est la détestable réponse communautaire faite à la problématique elle-même communautaire que des radicaux extrémistes de tous bords tentent de nous imposer. Oui les arabos-musulmans mais aussi les populations africaines subissent majoritairement les discriminations dans le logement, le travail, les loisirs, mais oui les juifs de France peuvent s’inquiéter légitimement aussi de la multiplication des actes antisémites, sans oublier les gens du voyage relégués, marginalisés par des lois d’exclusions.
Comment dès lors admettre une évaluation comparative des racismes à la veille d’un congrès du MRAP qui devait exprimer un message universel ?
Ces prises de position ont généré un profond malaise qui s’est traduit par le vote à une très courte majorité du rapport moral de la direction lors du congrès.
La majorité des membres du Conseil national avait, en mai, par le vote d’une résolution concernant le racisme anti-musulman, exprimé l’exigence que, devant la montée des communautarismes, le MRAP reste le défenseur inconditionnel de l'universalité des droits de la personne humaine.
Les expressions publiques au sortir du congrès, au triomphalisme indécent et au mépris des votes des congressistes, confirment une dérive que nous regrettons.
Ainsi, affirmer dans Libération que le fait de se promener dans les quartiers sans recevoir de cailloux est la preuve d'un dialogue, relève d'une démarche communautariste inadmissible qui entretient un stéréotype regrettable concernant les quartiers considérés.
Comment peut-on juger de la représentativité des antiracistes à l’aune du « caillassage » dans les quartiers à l’heure même où des pierres ont tué et comment admettre, dans ce premier message issu du congrès, l’image communautariste stigmatisante des actes de jeunes baignés dans la violence sociale?
Ces déclarations publiques n’engagent pas les forces vives du MRAP. Plus encore, elles illustrent avec une particulière acuité, l’écueil dans lequel le MRAP risque de se fourvoyer.
Prendre la responsabilité de diviser ainsi les militants du MRAP est grave.
De nombreux responsables régionaux du MRAP ont déjà exprimé leur volonté de construire un MRAP rassembleur, nous partageons ce souci.
En effet, il est grand temps de rassembler tous nos militants sur nos fondamentaux et de nourrir la réflexion sur l’évolution complexe du racisme sans qu'aucune autre considération vienne obérer le caractère universaliste de notre combat.
Tel est le sens de notre engagement !
Isabelle Sirot, Secrétaire nationale sortante responsable des campagnes nationales.
Emmanuelle le Chevallier, membre du Bureau national sortant responsable de la lutte contre les discriminations.
Gérard Kerforn, membre du Bureau national sortant co-auteur des rapports concernant l’expression du racisme sur internet.
Alain Ribat, membre du Conseil national sortant, membre de la commission de contrôle financier du MRAP.
Pierre Mairat, Président délégué sortant du MRAP.
(Courriel du 15 décembre 2004)
Proposition de Plate-forme commune
Certains signataires de l’« Avenir du MRAP » ayant des responsabilités locales, fédérales, ou nationales, réunis ce jour à Valence, constatant au sortir du Congrès de Bobigny qu’une crise grave divise notre mouvement et risque d’entraîner de nombreux départs,
Tiennent d’une part à rappeler les principes fondamentaux sur lesquels ils ont adhéré au mouvement, et d’autre part à obtenir, pour poursuivre leur participation à quelque niveau que ce soit, des garanties de respect du pluralisme et de fonctionnement démocratique des prochaines instances.
Ils réaffirment que les divergences dans un mouvement pluraliste sont légitimes et qu’elles doivent se régler selon des méthodes démocratiques, respectant la pluralité des opinions et leur nécessaire expression, ce que le récent congrès n’a pas permis de faire.
Le principal clivage actuel résulte de la volonté d’une partie des adhérents du MRAP de hiérarchiser les racismes, ce qui nous amène à considérer la population en termes de communautés et à relativiser le concept de citoyenneté (qui devrait être dissociée de la nationalité). Cette relativisation est incompatible avec la lutte pour l’égalité des droits que nous revendiquons.
Il a été décidé de proposer aux comités locaux et fédérations, à tous les adhérents, l’élaboration d’un texte regroupant les points qui font consensus et les autres, pouvant servir de base de discussion lors de la réunion du prochain Conseil National prévue pour le 15 Janvier, qui rappelons-le doit élire le nouveau BN. Ce texte est ouvert à toutes les corrections émanant des comités, fédérations, adhérents, membres de la Direction Nationale, à toutes celles et ceux qui veulent remédier aux risques d’éclatement du Mouvement.
Recentrer le MRAP sur ses fondamentaux
Lutter contre le racisme sous toutes ses formes, pour l’égalité et le respect des droits passe aujourd’hui par un engagement résolu contre tous les communautarismes et intégrismes.
Lutter contre les discriminations:
C’est une lutte multiforme qui s’inscrit dans un mouvement plus large du combat contre le chômage et l’exclusion sociale.
C’est aussi revendiquer l’égalité de traitement, au travail, dans le logement, dans l’enseignement.
C’est encore rejoindre ceux qui s’opposent au sexisme, à l’homophobie, et à toutes les discriminations pour défendre partout et maintenant les valeurs universelles de la Personne Humaine.
C’est enfin sauvegarder une conception de la laïcité, qui considère la religion comme un choix privé dont l’exercice est à garantir par les pouvoirs publics. Cela signifie qu'aucune religion, aucun parti politique, ne peut nous dicter nos choix, ni en termes de pratique religieuse ni en termes d’athéisme. Nous devons veiller au respect de la laïcité par les pouvoirs publics et à ce qu’il n’y ait pas d’avantages consentis à une religion plutôt qu’à une autre. Ce qui ne veut pas dire que nous renoncions à notre droit de critique à l'égard des religions lorsque nous constatons que leurs pratiques vont à l'encontre des buts humanistes et d'égalité qui sont les nôtres.
Dans ce cadre, nous pouvons bien sûr être amenés à agir en toute indépendance avec des syndicats, des partis politiques, des associations humanitaires et de défense des droits de l’homme, mais aussi avec certaines associations d’obédience religieuse ou cuménique de caractère laïque, si leurs objectifs coïncident avec les nôtres.
Refusant les exclusions, les stigmatisations et les replis communautaires, notre rôle en tant que mouvement d’éducation populaire est d’expliquer aux jeunes et moins jeunes que la laïcité est une garantie essentielle de l’égalité et de la liberté de tous, qu’elle permet de dépasser une philosophie du déterminisme de la naissance, pour aller vers une philosophie du choix libre et éclairé.
Cependant il n’appartient pas au mouvement antiraciste de défendre ou d’être le relais de telle ou telle religion.
Les actions prioritaires :
Lutter contre le racisme, c’est encore, faire accepter la liberté de circulation et d’installation des êtres humains, et refuser les états ou les continents forteresses, ainsi que le nationalisme et le chauvinisme qui les légitiment.
Il est donc de toute première urgence de relancer les campagnes nationales :
Pour la régularisation de tous les sans papiers et l’abrogation des lois Pasqua, Chevènement, Sarkozy qui n’ont fait qu’aggraver leur situation.
Pour l’abrogation des lois qui criminalisent les sans papiers : lois Sarkozysur la sécurité intérieure et loi Perbensur la Justice.
Pour le droit de vote des étrangers, premier pas vers une reconnaissance de l’égalité de tous les droits, sociaux, civiques et politiques et contre toutes les discriminations.
Et pour l’année 2005 :
La recherche de l’unité d’action avec les autres associations antiracistes.
L’éducation et la formation contre le racisme, pour le savoir-vivre ensemble...
L’animation et le développement du MRAP, en relation étroite avec les CL, Fédérations et Commissions...
L'information et la communication interne, pluralistes, permettant les débats nécessaires.
La solidarité internationale contre le racisme, facteur de guerre . (Nécessité d'une grande commission internationale qui inclut la commission Proche-Orient.)
Le nécessaire respect du pluralisme du Congrès exige que l'on se limite, à propos de l’« islamophobie », au terrain antiraciste de défense des victimes qui est le nôtre et que l'on suspende les relations que le MRAP entretient avec des organisations religieuses islamistes. De même, pour surmonter le clivage interne sur la laïcité et la loi sur les signes religieux, le MRAP doit s'engager clairement pour la défense et la promotion de la laïcité avec les partenaires laïques.
Les garanties de fonctionnement
La crise du MRAP tient aussi à ce qu’une partie de la direction nationale s’est autorisée à prendre parti sur des sujets sans que les instances souveraines du MRAP soient démocratiquement consultées. Il s’en est suivi un certain nombre de dérives depuis l’affaire Papon jusqu’au débat actuel sur la question de l’islamophobie.
C’est pourquoi nous demandons :
Un code de démocratie interne.
Pour que la nouvelle Direction puisse à la fois assumer ses responsabilités délibératives et exécutives, poursuivre le débat pour surmonter les divisions et préparer dans les meilleures conditions, selon les nouveaux statuts, la première AG avec l'élection du nouveau CA.
Cela suppose notamment :
De consulter les instances souveraines (avec des réunions régulières en nombre suffisant du CN et du BN et un calendrier fixé à l'avance) et d’avoir la volonté de porter le débat, chaque fois que cela est nécessaire, devant tout le mouvement. Cela veut dire en pratique que les ordres du jour des instances doivent être précis et connus suffisamment à l’avance pour que les débats de la direction reflètent au mieux ceux que peut avoir la base du mouvement.
Cela implique donc une préparation sérieuse:
L’annonce des votes qui seront faits ; la publication des principales positions qui sont en débat ; le déroulement démocratique et serein des votes (pour lesquels un quorum doit être défini avec un nombre de pouvoirs réduit, afin d’éviter des votes bloqués, peu honorables ni démocratiques.)
Une amélioration générale du fonctionnement des instances et le respect des décisions : préparation sérieuse, délibérations et votes clairs, comptes-rendus rapides pour l'instance supérieure et les PST...
Une diversification des porte-parole publics du Mouvement en fonction des thèmes et des compétences et une concertation préalable systématique avant toute nouvelle prise de position ou action judiciaire, dans lesstricts domaines de compétence du MRAP.
Un rééquilibrage des fonctions entre le Secrétaire Général et le Président Délégué en faveur de celui-ci, doit être mis en place conformément aux statuts. Ces 2 élus doivent être responsables devant les instances de direction.
Une relance générale des commissions ( avec la nécessité de les coordonner, d’en créer de nouvelles, et de les co-animer de façon pluraliste) qui pourraient être couplées avec les séances du CA, sur deux jours, pour ainsi associer les élus de province et alimenter les travaux du CA, par des comptes rendus réguliers.
Les responsables de secteurs doivent être consultés avant toute action et toute communication concernant leur secteur.
De la même manière, les responsables locaux doivent être consultés avant toute action et communication concernant une affaire locale.
Une refonte de l'outil internet et notamment des listes de discussion.
C’est sur toutes ces bases que nous demandons que le BN prochainement élu soit conforme au principe d’une direction collégiale qui tienne compte du pluralisme qui a marqué le congrès.
Nous appelons les adhérents du Mouvement à signer et faire signer autour d’eux ce texte qui sera la garantie que le MRAP puisse continuer à fonctionner en développant une démocratie interne nécessaire qui a fait défaut ces derniers temps.
Nous invitons les signataires de l’appel « le sens de notre engagement » qui a été rendu public et récemment diffusé, à s’unir avec nous pour la mise en place de solutions permettant de préserver l’intégrité du MRAP.
VALENCE le 22 décembre 2004
1ers signataires de la Plateforme au 08/02/05
PREMIERS SIGNATAIRES :
Anne SAVIGNEUX (Bourgoin), Danièle et Didier POUPARDIN (Val de Marne), Nadia KURYS (Ardèche), Renée GLERGUE (Marseille), Etienne BASTIDE (Marseille), Horiya MEKRELOUF (Marseille), Jean-Claude VESSILIER (Paris), Jean-Marc BOURQUIN (Saint-Denis), Maurice CARREL (Grenoble), Thierry BLAISOT (Montpellier), René MEYER (Toulouse), Vincent MAZZONE (Paris 12), Yves LORIETTE (Val de Marne), France COMBET (Largentière), Sandrine TAINE (Largentière), Rose CHASTAGNER (Largentière), Brigitte LAVAL (Largentière), Hélène MERCUSOT (Aubenas), Jean-Marie BONNET (Montpellier), Bernard JARRY (Seine et Marne), Josette ERARD et Jean-Paul ERARD ( Bourgoin-Jallieu), Patrice de RORTHAIS (Nord Isère ), Patrick MONDI (Bourgoin la Tour du Pin-Villefontaine), Mileine MONDI (Bourgoin La Tour du Pin Villefontaine), Jacques COQUERAY (Bourgoin) Patrice de RORTHAIS( Nord Isère ), François SAVIGNEUX (Bourgoin), Marie SAVIGNEUX (Bourgoin), Maguy JONCOURT (Nîmes), Bureau Fédéral du Val de Marne, Comité local de Vitry, Hillel FEUERWERKER ( Avignon), Jeannine CHÊNE ( bureau du Comité local de Grenoble), Maguy JONCOURT (Comité local de Nîmes), Denis SEEL ( Toulouse), Ghislain DEPREZ,
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