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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Un négationnisme structurel (Jean-Pierre Chrétien)

21 Avril 2014 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Afrique, #Rwanda, #Génocides

Le génocide rwandais et sa négation

par Jean-Pierre Chrétien
21 avril 2014

lmsi-logoL’historien Jean-Pierre Chrétien, directeur de recherche émérite, après une carrière universitaire d’enseignant-chercheur, est un spécialiste de l’Afrique orientale, en particulier la région des Grands Lacs. Il revient, dans les lignes qui suivent, sur les différentes stratégies de négation du génocide rwandais.

 

En mémoire de Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, historien rwandais, mon ancien étudiant et collègue, et à sa femme et à ses enfants, assassinés chez eux, à Butare, en 1994 pour le seul fait d’être nés tutsi.


Le « négationnisme » désigne depuis la fin des années 1980 les dénégations de la réalité de la Shoah qui se présentaient sous le jour apparemment scientifique d’un « révisionnisme ». Ce type de manipulation est consubstantiel à tous les génocides, un travail simultané de négation et de justification. Relisons Les Assassins de la mémoire du regretté Pierre Vidal-Naquet : le négationnisme ne consiste pas à nier qu’il y ait eu des morts dans une crise majeure, mais d’abord à relativiser ou minimiser leur nombre et à diluer la perpétration de ce crime de masse dans un jeu de circonstances successives et aléatoires, et même à en attribuer la responsabilité aux victimes elles-mêmes ainsi qu’aux rescapés, coupables, selon une vision téléologique de l’histoire, d’avoir échappé à la mort pour mieux profiter des tueries qu’ils auraient eux-mêmes déclenchées (sur le thème, par exemple, de la responsabilité conjointe des Juifs et des Britanniques dans l’éclatement de la Seconde guerre mondiale et dans la disqualification calculée du nazisme engendré par le sionisme !).

Dans le cas rwandais, la première négation fut celle de l’opinion internationale refusant de voir la réalité de ce qui se passait au Rwanda à partir du 7 avril 1994, après avoir déjà fermé les yeux sur les pogromes des années précédentes et sur la propagande raciste qui les accompagnait notoirement. Il fallut attendre la mi-mai 1994 pour que le mot génocide soit employé sur le plan international.

Très vite en fait, les massacres de Tutsi ont été présentés comme un des éléments d’une guerre civile et une balance a été établie entre les victimes de deux « camps » ethniques. Le fait que le Rwanda se situe en Afrique n’est pas un hasard dans le succès de ce relativisme. Nombre d’observateurs partagent plus ou moins confusément la conviction que les tueries sont dans l’ordre des choses sur ce continent et que la barbarie est à fleur de peau chez ses populations. Alfred Grosser pouvait écrire dès 1989 dans Le crime et la mémoire  :

« Non il n’est pas vrai qu’un massacre d’Africains soit ressenti de la même manière qu’un massacre d’Européens ».

Dès le 5 juillet 1994, dans un éditorial de Libération, Jacques Amalric pouvait s’inquiéter :

« Peut-on rester neutre en face d’un génocide ? Or c’est ce qu’on prétend faire au Rwanda entre FPR et l’administration et les milices du régime rwandais, c’est-à-dire les instigateurs et les auteurs du génocide... Va-t-on demain tenter d’accréditer les élucubrations du capitaine Barril, rendant les Tutsis responsables de leur extermination... On peut le craindre en entendant déjà certains discours tenus en privé, sous la forme de fausses confidences sur le thème : “les choses sont moins simples que vous ne croyez. Il n’y a pas que des innocents d’un côté et des coupables de l’autre.” »
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