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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Retour sur la mission « Bienvenue en Palestine » (Y.M. & A.V.)

23 Avril 2012 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine Solidarité en France

Retour sur la mission « Bienvenue en Palestine » (Y.M. & A.V.)

 

mission-8-juillet-2011hor-copie-1.jpgLes autorités israéliennes ont une nouvelle fois empêché le déroulement d’une initiative de solidarité avec le peuple palestinien. Du 15 au 21 avril 2012, la mission « Bienvenue en Palestine » à laquelle participaient au niveau international plus de 1500 personnes devait séjourner à Bethléem à l’invitation d’organisations de la société civile palestinienne. Soutenue par des personnalités aussi respectables que le Prix Nobel de la Paix, Mgr Desmond Tutu, elle devait participer à la réalisation de divers projets scolaires, sanitaires, agricoles et devait être accueillie à l’aéroport de Tel Aviv par des militants pacifistes israéliens. Les membres de la mission devaient être acheminés directement par autobus à Bethléem en traversant le territoire israélien sans faire de halte. Rappelons que l’on ne peut accéder à la Cisjordanie occupée sans transiter par Israël ou par un poste frontière contrôlé par les autorités israéliennes.

Que ce soit dans les aéroports de Bâle, Genève, Roissy, Nice, Bruxelles, Istanbul …. et alors même qu’ils étaient en règle, en possession de titres de transport et de passeport valides, la presque totalité des membres de la mission se sont vu refuser l’embarquement. Les compagnies aériennes soumises aux pressions israéliennes ont, comme Lufthansa, annulé deux jours avant le départ, plusieurs centaines de billets tandis que les membres de la mission voyageant sur Air France se sont vu refuser l’embarquement à l’aéroport même, au moment des formalités, sous prétexte qu’ils étaient indésirables sur le territoire israélien.

La complicité du gouvernement français

Bon nombre de membres de la mission n’ayant jamais séjourné en Israël, la question est de déterminer comment les autorités israéliennes ont pu dresser une véritable liste noire de citoyens français indésirables en Israël 1 : complicité des services français ou bien constitution illégale par les autorités israéliennes de fichiers sur des bases politiques, syndicales ou associatives ?

En tout état de cause, l’absence de réaction du gouvernement français face à des pratiques éminemment condamnables pose problème et montre la complicité de la France dans cette affaire. Déjà, avant le départ de la mission, le ministère français des Affaires étrangères mettait en garde les voyageurs se rendant à Tel Aviv le 15 avril et les invitait à reporter leur voyage, manière détournée de jeter un certain discrédit sur les participants à la mission.

Les autorités consulaires françaises allaient de leur côté se distinguer par leur désintérêt et leur manque de soutien envers les ressortissants français qui, après avoir passé sans encombre les contrôles à l’embarquement en France, se sont retrouvés placés en rétention en Israël, c’est à dire en prison, pour avoir revendiqué l’intention de se rendre en Cisjordanie. Une attitude tranchant avec le soutien apporté par d’autres consulats à leurs ressortissants.

En grève de la faim pour obtenir le droit de circuler librement et de se rendre en Cisjordanie –une grève de la faim qui coïncidait avec celle, illimitée, décidée par 1200 prisonniers politiques palestiniens incarcérés en Israël, ces Français et Françaises allaient être expulsés dès le mercredi2.

Une criminalisation des actions de solidarité

retour-palestine-2.jpgA chaque initiative ou mission de solidarité avec la Palestine, le gouvernement israélien répond par des blocages ou des campagnes de dénigrement systématique visant des participants à ces missions. Rappelons que l’intervention de la marine israélienne lors de la première flottille pour Gaza avait fait, le 31 mai 2010, 9 morts parmi les participants de nationalité turque lors de l’arraisonnement du Mavi Marmara.

L’an dernier la deuxième flottille pour Gaza tout comme la mission « Bienvenue en Palestine » avaient été « torpillées » par les autorités israéliennes qui, par tous les moyens, tentent de discréditer et de délégitimer ces missions civiles.

La criminalisation des membres de la mission, qualifiés de façon infamante de « terroristes » par les autorités israéliennes, entre dans une stratégie d’instrumentalisation de la peur opérée par le gouvernement Netanyahou qui entend ainsi apparaître comme le garant le plus efficace de la sécurité de ses citoyens.

Le déploiement disproportionné de forces de l’ordre (650 policiers pour quelques dizaines de membres de la mission ayant pu atterrir à Tel Aviv) n’avait d’ailleurs pas d’autre but que de mettre en scène une « menace », justifiant le recours à des mesures d’exception et de favoriser l’adhésion des citoyens israéliens à une politique qui commence cependant à être contestée sur place.

Une politique israélienne contestée

Ainsi malgré les manœuvres, les mises en scène et les accusations savamment orchestrées, les autorités israéliennes n’ont pas réussi dans leurs tentatives de « flouer » l’ensemble de la population. Tout au contraire, des articles parus dans la presse israélienne dénoncent ces manœuvres du gouvernement. Ainsi pour des commentateurs ou des éditorialistes de plus en plus nombreux, le refus de laisse transiter la mission « Bienvenue en Palestine » participe à la dégradation de l’image d’Israël à l’extérieur. Effet boomerang, le gouvernement Netanyahou apprend à ses dépens que l’on ne peut indéfiniment instrumentaliser la peur sans en subir en retour quelques fâcheux contrecoups.

En tout état de cause, l’impact des missions n’est pas négligeable en Israël où la situation semble quelque peu évoluer. Le consensus sécuritaire semble avoir trouvé ses limites et c’est là un élément sur lequel il faudra compter, sans optimisme excessif, mais de façon lucide et raisonnée.

Israël, une image qui se dégrade

Si le gouvernement Netanyahou a pu arriver à ses fins, –l’interdiction du territoire palestinien aux membres de la mission « Bienvenue en Palestine »-, sans aucun doute l’impact médiatique de la mission, même si elle n’a pas atteint ses objectifs premiers, dépasse en ce domaine les attentes de ses promoteurs et de tous ceux qui y ont participé. Dès le 15 avril, plus de 900 articles, émissions, consacrés à la mission ont été recensés de par le monde.

En France, la couverture médiatique de l’événement a participé sans aucun doute à la sensibilisation d’une partie de l’opinion sur le traitement réservé aux Palestiniens et à ceux qui veulent leur apporter solidarité et les réactions de sympathie et de soutien à la mission se sont multipliées parallèlement à la dénonciation du gouvernement israélien qui, en cette occasion, a perdu encore un peu de sa crédibilité.

Quant au gouvernement français, ses positions alignées sur Israël se sont trouvées sévèrement critiquées et sa soumission aux injonctions israéliennes de plus en plus difficilement acceptées, signes d’un état d’esprit général et profond de la population française dont le nouveau gouvernement issu des élections devra sans aucun doute tenir compte.

Collusion et dérapage inadmissibles

vol-France-Palestine.jpgSi les compagnies aériennes ont pu, avec une certaine pusillanimité, se retrancher derrière de probables représailles de la part d’Israël ou derrière une interprétation des lois existant en matière de transport aérien, la compagnie Air France s’est honteusement distinguée dans sa soumission aux ordres des autorités israéliennes : embarquée à bord du vol Nice-Tel Aviv d’Air France, après avoir passé sans encombre le contrôle à l’embarquement, une passagère, élève-infirmière à Carcassonne, a dû répondre aux questions suivantes transmises par talkie-walkie depuis l’extérieur : « Etes-vous en possession d’un passeport israélien ? Etes-vous de confession juive ? » Ayant répondu par la négative à ces deux questions, la passagère s’est retrouvée « débarquée » de l’avion où elle avait pris place.3

Devant ce délit de discrimination, la passagère, membre de la mission « Bienvenue en Palestine » a décidé de porter plainte, une plainte relayée par le MRAP et sans doute par d’autres associations.

En dehors du délit de discrimination ayant entraîné un refus de service qui est matériellement constitué -un document d’Air France attestant de l’incident a été fourni à la passagère- la justice aura sans doute à se prononcer sur la responsabilité des donneurs d’ordre (Air France, autorités israéliennes … ). En tout état de cause, il est à noter le mutisme des autorités françaises et de responsables d’Air France qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas jugé bon de communiquer sur ce grave manquement au respect des lois de la République française.

Ne pas oublier la Palestine

Si la déception pouvait se lire sur les visages de nombreux participants empêchés de se rendre à Bethléem, surtout parmi les plus jeunes pour qui cette mission civile représentait un de leurs premiers engagements solidaires et citoyens, cette déception n’est sans aucun doute pas comparable à celle de nos hôtes palestiniens de Cisjordanie, qui, de façon moins dure qu’à Gaza, n’en ressentent pas moins leur situation d’enfermement et les difficultés mises à leur liberté de circulation.

Si l’accès à la Cisjordanie a été interdit aux membres de la mission, on peut aisément imaginer ce que peuvent endurer les Palestiniens qui, eux, se voient privés de la liberté ou empêchés de se rendre, non pas dans un seul pays mais dans l’ensemble des pays du monde et, qui plus est, ne connaissent pas même de liberté de circulation sur leur propre territoire, morcelé en différentes entités, séparées par des check-points qu’ils ne peuvent franchir qu’avec l’autorisation de l’occupant, ce qui fait que la Cisjordanie devient à l’instar de Gaza une prison à ciel ouvert.

Acculer les Palestiniens au désespoir

Pour les habitants de Bethléem, l’arrivée des membres de la mission représentait une sorte de bol d’air, une ouverture sur l’extérieur. En interdisant l’accès à la Cisjordanie, les Israéliens ont une nouvelle fois puni collectivement et sans raison les Palestiniens.

En les privant de tout contact avec l’extérieur, susceptible de favoriser un développement économique mais surtout social, humain, Israël mène une politique de destruction systématique qui touche à l’esprit même des personnes et qui trouve son achèvement le plus insupportable dans la décision des autorités israéliennes de priver d’enseignement les enfants palestiniens qu’il détient dans ses geôles.

Enfin en attisant de façon directe les ressentiments des Palestiniens et en les poussant au désespoir, le gouvernement israélien mène une politique agressive et dangereuse d’enfermement et de déstructuration de la société palestinienne et à ce stade, les missions civiles en Palestine prennent tout leur sens et leur raison d’être.

Une mobilisation qui se poursuit

retour-palestine-1.jpgDéçus, les membres de la mission « Bienvenue en Palestine » n’en demeurent pas moins déterminés à faire respecter leurs droits en étudiant les possibilités de plainte contre X pour fichage illégal et nombreux sont ceux qui sont prêts à renouveler leur engagement dans de prochaines missions pacifiques qui restent à définir ou au sein de collectifs ou d’associations ou bien dans le cadre de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

L’écho de plus en plus favorable trouvé auprès de la population ne peut que les encourager à poursuivre et à rester mobilisés par delà, les appartenances politiques, les classes sociales, les origines et les générations tant il est vrai que la question palestinienne fédère les hommes et les femmes de bonne volonté par delà les clivages qui s’effacent dès lors qu’il est question de paix, de justice et de solidarité envers les Palestiniens.


 

1 Parmi les « blacklistés » s’est retrouvé un membre du consulat de Jérusalem qui fraîchement nommé se rendait en Israël pour y chercher un logement à louer. Si l’excès de zèle a pu être à l’origine d’erreurs et entraîner des refus d’embarquement sans relation avec la mission « Bienvenue en Palestine », en la circonstance s’agit-il vraiment d’une erreur ou de la volonté d’intimidation de la part du gouvernement israélien sachant que des diplomates français ont déjà fait l’objet de méthodes d’intimidation sans que le gouvernement français ne proteste.

2 http://www.pluzz.fr/soir-3-cote-d-azur-2012-04-19-22h50.html

3 http://bienvenuepalestine.com/?p=1864

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