Pour la reconnaissance de l'État palestinien (militants du MRAP)
Ce texte a été proposé à la réflexion des militants (PST) du MRAP et a été rejeté par la "modération".
POUR LA RECONNAISSANCE DE L’ETAT PALESTINIEN
(Document Y.M. &A.V)
Si les accords d’Oslo signés en 1993,
- d’une part définissaient les territoires palestiniens comme ceux reconnus comme tels par l’ONU,
- d’autre part prévoyaient leur autonomie progressive comme un premier pas sur la constitution d’un Etat palestinien et sa reconnaissance par Israël qui devait intervenir en décembre 1998,
aujourd’hui, force est de constater qu’après bientôt deux décennies, ces accords sont restés pour le moins en souffrance, les différents gouvernements israéliens qui ont succédé au gouvernement Rabin étant revenus sur les accords ou comme c’est le cas pour Netanyahu étant déterminés à carrément les torpiller. La poursuite de la colonisation, pourtant illégale au niveau du droit international, est la preuve la plus flagrante de la volonté du gouvernement israélien de saboter toute négociation sérieuse, et cela quelles que soient les garanties obtenues ou l’interlocuteur palestinien, (la succession d’Arafat assurée par Mahmoud Abbas, pourtant leur « protégé » n’a rien changé).
UN BILAN NEGATIF POUR LES PALESTINIENS
Pour les Palestiniens, la situation s’est largement dégradée. Alors que les Israéliens bafouaient les accords, ils n’ont reçu aucun soutien de la part de ceux qui détiennent dans une large mesure les clés de la situation - pays occidentaux et encore plus simplement Etats-Unis, qui par leur droit de veto au Conseil de Sécurité des Nations Unies ou par leur soutien économique et diplomatique vital pour Israël, disposent de toutes les cartes pour faire pression sur Israël et obtenir un règlement juste et durable. « Pendant vingt ans, nous nous sommes assis à la table des négociations sans obtenir de résultat, explique l’ambassadeur palestinien auprès de l’ONU, Ibrahim Khraishi. L’heure est venue d’agir et de nous adresser directement aux Nations Unies, afin qu’elles reconnaissent l’existence d’un Etat palestinien à l’intérieur des frontières de 1967», (incluant toute la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem Est).
Toujours prêts à demander aux Palestiniens toujours plus de souplesse, c’est à dire plus de concessions pour donner une chance à la paix, les Occidentaux (Etats-Unis, UE) restent bien timorés dès lors que des mesures à l’encontre Israël se révèlent nécessaires. Et ce ne sont pas les condamnations -jamais suivies d’effets- qui amèneront un changement d’attitude de la part d’Israël ; au contraire, malgré le non respect par Tel-Aviv des Droits de l’Homme et du Droit international dans les Territoires occupés qui devrait conduire à la suspension des accords préférentiels entre Israël et la Communauté européenne, les échanges continuent…
Si ce n’est la reconnaissance par la Communauté européenne, en mars 1999, du droit des Palestiniens à l’autodétermination et à celui de créer un Etat, puis trois ans plus tard, en mars 2002, l’adoption de la résolution 1937 qui évoque pour la première fois un Etat palestinien aux côtés d’Israël, le bilan concret est pour le moins décevant.
Aujourd’hui encore, alors que ces droits ont été reconnus aux Palestiniens, et alors même qu’ils s’apprêtent à demander, le 20 septembre prochain à l’ONU, la reconnaissance de l’Etat palestinien, l’UE, après la réunion du 18 juillet, voulant échapper à un vote à l’ONU, exhortait le quartette (UE, Russie, Etats-Unis et ONU) à créer les conditions d’une relance des négociations pour éviter de mettre au grand jour ses divisions, tandis que les Etats-Unis rappelaient leur opposition.
TERGIVERSATIONS EUROPEENNES
Ainsi, malgré ses positionnements précédents – en mars encore, l’Ue n’excluait pas la reconnaissance d’un Etat palestinien – aujourd’hui, au pied du mur, l’Europe tergiverse dès lors qu’il s’agit d’une reconnaissance active.
En France, le Président de la République avait proclamé la nécessité d’un Etat palestinien, après les réserves émises par l’UE le 18 juillet (Angela Merkel est contre la reconnaissance), son Ministre des Affaires Etrangères revenait sur cette position déclarant qu’il fallait « saisir toutes les chances pour éviter l’impasse »… Harmonisation européenne, absence de conviction, marché de dupes…la confiance les Palestiniens est soumise à rude épreuve comme celle de tous ceux qui attendent que l’Europe prenne enfin ses responsabilités.
Alors que l’Etat de Palestine a déjà été reconnu par plus d’une centaine de pays (pour nombre d’entre eux, dès novembre 1988, après sa proclamation par le Conseil National Palestinien d’Alger), la position de l’UE lors du vote à l’ONU sera décisive.
DES ENJEUX IMPORTANTS
Devenir Etat membre de l’ONU se heurte pour les Palestiniens à un obstacle majeur que soulève la procédure. Le vote de l’Assemblée générale, même à la majorité des 2/3, ne suffit pas à assurer le statut d’Etat membre de l’Organisation si, au préalable, la recommandation que le Conseil de Sécurité est appelé à formuler n’a pas été adoptée par un vote affirmatif de 9 de ses membres (sur les 15 qui le composent : 5 permanents, 10 non permanents). C’est sur l’usage de ce droit de veto en creux que les Etats-Unis comptent pour faire échouer la demande de reconnaissance de l’Etat palestinien.
Pour contourner cet obstacle, le passage du statut d’observateur à celui d’« Etat non membre », comme le proposent dès lors les Palestiniens, a le mérite de garantir néanmoins la reconnaissance de la Palestine comme Etat. En ce sens, un vote des pays de l’Union européenne ou simplement de la France ne manquerait pas d’avoir un effet d’entraînement auprès d’autres pays et la majorité des 2/3, seconde condition pour devenir Etat membre à part entière, serait remplie et même dépassée. Cela représenterait une victoire dont la portée symbolique et diplomatique serait de toute première importance. Pour Israël, isolé à l’ONU, cela serait une défaite diplomatique majeure et la marque d’un désaveu profond dont le gouvernement Netanyahu serait obligé de tenir compte
D’autre part, comme le déclarait le philosophe Etienne Balibar : « Dès que la Palestine est un Etat, même et surtout si son territoire est occupé, ce n’est plus en son nom qu’on négocie des règlements régionaux globaux, en faisant parfois jouer un rôle de blocage aux intérêts particuliers (territoriaux, économiques, religieux) de tel ou tel Etat, mais c’est avec elle. Et, c’est avec elle, dans un cadre de plein droit, qu’on apporte au besoin une aide économique ou culturelle ».
C’est bien là l’enjeu essentiel de cette déclaration d’indépendance, et les Israéliens ne s’y sont pas trompés. Leur opposition farouche - qui s’est immédiatement traduite par des mises en garde à l’encontre de l’Autorité palestinienne, des démarches pressantes opérées sur des gouvernements ou des pétitions lancées sur la Toile par des associations ou des officines proches du gouvernement israélien - montre que l’initiative palestinienne est une démarche de nature à débloquer un statu quo entretenu par Israël et qui sert ses intérêts :
- poursuivre la colonisation jusqu’à rendre quasiment impossible la viabilité d’un Etat palestinien dont le territoire, soumis à un grignotage permanent, a été éclaté en plusieurs entités séparées, jusqu’à rendre impossible toute continuité territoriale,
- intervenir à tout moment dans les territoires palestiniens et continuer à exacerber autant que possible les rivalités inter-palestiniennes.
D’autre part, le comportement d’Israël qui n’a toujours pas fixé de façon définitive ses frontières n’est pas de nature à rassurer les Palestiniens qui voient la colonisation de leur territoire se poursuivre inexorablement en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
Pour ces raisons qui font que la situation des Palestiniens n’a fait qu’empirer et devant le statu quo imposé par Israël, on comprend aisément que les Palestiniens aient décidé de la création de leur Etat de façon unilatérale, ce qui leur est d’ailleurs reproché…pourtant les Palestiniens avaient fait savoir que cette initiative unilatérale pouvait être suspendue si Israël acceptait de stopper la colonisation.
MANŒUVRES DE BENJAMIN NETANYAHU
Pour contrecarrer le changement de statut que provoquera inévitablement la reconnaissance d’un Etat palestinien, en particulier l’inauguration de rapports directs avec les instances internationales qui mettrait Israël en position très inconfortable, aujourd’hui, Benjamin Nétanyahu, en habile manœuvrier, se dit prêt à la création d’un Etat palestinien, en y mettant pour conditions et la démilitarisation de l’Etat palestinien et la reconnaissance par ce dernier d’Israël comme Etat du peuple juif.
Alors même que B.Nétanyaou appelle les Palestiniens à reprendre immédiatement des discussions de paix sans conditions préalables, (référence à l’arrêt de la colonisation demandée par les Palestiniens), il y a quelque ironie à entendre le Premier Ministre israélien vouloir dicter ses conditions à la création de l’Etat palestinien et imposer une limitation drastique à sa souveraineté : « Le territoire alloué aux Palestiniens sera sans armée, sans contrôle de l’espace aérien, sans entrée d’armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l’Iran ou le Hezbollah ».
Quel pays, quel peuple pourrait accepter une telle mise sous tutelle, en quoi est-ce une indépendance ?… Perversion du vocabulaire…Néanmoins le Premier Ministre israélien utilise l’expression « territoire alloué aux Palestiniens » qui, en la circonstance, revêt un caractère injurieux et méprisant, mais derrière cette provocation, sans doute, la prétention ou la nostalgie de l’idée difficilement abandonnée d’un « Grand Israël » s’étendant sur toute la Palestine ! Le plan de partage de 1947 prévoyait l’établissement de l’Etat arabe de Palestine sur44% du territoire de la Palestine mandataire ; aujourd’hui l’Etat palestinien dans les frontières de 1967 n’en représenterait au mieux plus que 22% et pourtant les prétentions d’Israël sur ces Territoires continuent (implantations de colonies, contrôle de l’eau, revendications religieuses …)
En demandant aux Palestiniens de reconnaître l’Etat d’Israël comme l’Etat du peuple juif, Netanyahu exclut de facto tout exercice du droit au retour de réfugiés palestiniens en Israël sur la terre de laquelle ils ont été chassés lors de la guerre de 1948 ou au cours d’opérations antérieures et à terme fait peser une sérieuse menace sur la présence des Palestiniens d’Israël. (A noter à ce sujet l’absence de réaction de la part des pourfendeurs attitrés du communautarisme, devant la revendication de reconnaissance d’Israël comme Etat du peuple juif).
En bon tacticien, Benjamin Netanyahu cherche à reprendre la main. Son initiative ne vise qu’à retarder un peu plus les échéances en comptant sur ses propositions de dernière minute pour réamorcer des discussions qu’il aura une nouvelle fois tout le loisir de faire traîner et éloigner ainsi le « spectre » d’une déclaration d’indépendance palestinienne à laquelle Israël aura du mal à s’opposer indéfiniment.
EN ISRAËL : LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT CONTESTEE
D’ailleurs, à l’intérieur même d’Israël, de plus en plus de voix divergentes se font entendre. Des personnalités de premier plan sont d’accord pour une reconnaissance de l’Etat palestinien et pressent le gouvernement d’agir en ce sens.
Dans une lettre ouverte, une vingtaine d’anciens responsables -comme Avraham Burg, ancien président de la Knesset – appellent les pays de l’Ue à reconnaître l’Etat palestinien.
D’autre part, le mouvement de contestation des tentes qui se développe en Israël dénonce l’abandon de la politique sociale de l’Etat au profit de la priorité donnée aux colonies et aux colons. La création d’un Etat palestinien représente ainsi pour nombre de participants à ce mouvement l’occasion de sortir de cette impasse ruineuse que représente l’état de guerre permanent généré directement par l’occupation, même si, pour éviter de diviser le mouvement, ce sujet n’est pas directement présent dans les revendications.
Le meilleur garant de la paix pour Israël n’est pas la guerre sans fin...l’opération « Plomb durci », menée dans la bande de Gaza et qui a fait selon les chiffres de MSF (Médecins sans frontières) 1300 tués et 5300 blessés parmi la population palestinienne, n’a pas mis fin aux tirs de roquettes.
LA FRANCE NE DOIT PAS SE DEROBER
La France, forte de son expérience coloniale passée (… !), sait pertinemment qu’aucune guerre ne peut venir à bout, de façon durable, de la volonté d’un peuple à obtenir son indépendance. Pour cette raison, seule ou avec ses partenaires de l’UE, elle doit agir auprès du gouvernement israélien pour qu’il tienne compte de cette vérité de l’Histoire, en évitant toute complicité avec l’immobilisme israélien qui perpétue l’état de guerre,
Prendre parti dans le vote à l’ONU pour l’indépendance de l’Etat palestinien est le premier signe à envoyer pour que Benjamin Netanyahu se résolve à mettre fin à une injustice porteuse d’affrontements prévisibles et de chaos.
C’est en tout cas ce qu’attend une majorité de Français : la fin de l’injustice pour le peuple palestinien et la reconnaissance de leur Etat dans les frontières de 1967 (suivant les différentes résolutions internationales) pour désarmer la violence et amener la stabilité dans la région.
Toute décision européenne contraire, même en prétextant la nécessité d’une position commune serait une nouvelle dérobade, un nouvel arrangement sur le dos des Palestiniens.
Y.M. & A.V.
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