Paroles de Palestine 1999 : Les droits de l'homme
Paroles de Palestine 1999 : Dossier complet
Khader Shkirat
Directeur de l'association LAW
Dans la situation actuelle, Israël est en position dominante tant au niveau local que régional ou international. La « réciprocité », l'équilibre indispensable à la résolution des conflits, n'existent pas entre Israël, l'OLP et l'Autorité palestinienne. Les textes internationaux reconnaissant des droits aux Palestiniens n'ont pas été pris en compte dans l'élaboration des accords. Les Palestiniens semblent avoir accepté une limitation de leurs revendications en matière de souveraineté (1), laquelle ne s'exercerait qu'en deçà de la ligne verte. Ils ont ainsi ouvert la voie à Israël pour des négociations avec la Jordanie, probablement avec la Syrie, permettant à terme à Israël d'atteindre la paix avec le monde arabe.
Sécurité contre droits de l'homme.
Les deux parties se sont accordées à considérer la sécurité d'Israël comme primordiale : un contrôle total sur la sécurité, y compris dans la zone A, a été octroyé à Israël, légalisant ainsi la présence de son armée dans les Territoires (2). Pendant la phase intérimaire, les violations des droits de l'homme dont se sont rendu coupables les deux parties a son origine dans cette obsession de garantir à tout prix la sécurité d'Israël. Néanmoins le gouvernement Nétanyahou a accusé les Palestiniens de ne pas respecter leurs engagements en matière de sécurité, mais également de mener des campagnes d'incitation à l'encontre d'Israël (3). Tout cela a été pris en compte dans l'ensemble de l'accord de Wye Plantation et Arafat a pris de son côté un décret contre l'incitation. Wye et le décret palestinien couvrent un éventail si large qu'ils constituent une sérieuse entrave à la libre expression en Palestine et la coopération instituée entre les deux parties dans le domaine de la sécurité s'est souvent faite au détriment de la justice ou du respect des droits de l'homme. Non sans ironie, le bureau du Premier ministre israélien a accusé les services de sécurité palestiniens « d'arrestations, de détentions arbitraires et de torture », d'avoir enlevé des militants des droits de l'homme et supprimé virtuellement la liberté de la presse. Ceci bien entendu est exact (4). Mais, alors que les accords antérieurs demandaient aux deux parties de respecter les droits de l'homme (5), on ne demande qu'à la police palestinienne de le faire.
Brutalité des forces de sécurité.
Depuis l'Autonomie, le terme de sécurité est un euphémisme pour brutalité et occupation militaire. Israël l'utilise même lorsque les
menaces sur la sécurité sont insignifiantes. Depuis 1994, les forces de sécurité sont responsables de la mort d'environ 285 Palestiniens dans les Territoires occupés, 29 personnes soupçonnées d'être des terroristes ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires. Les forces de sécurité ont souvent été critiquées et leurs interventions ont aggravé la situation. Dans les incidents les plus graves, les soldats israéliens n'ont pas hésité à tirer à balles réelles sur des manifestants désarmés, les visant délibérément au thorax ou à la tête. L'emploi à grande échelle de la torture, à laquelle sont soumis 85 % des 1000 à 1500 prisonniers politiques chaque année
peut-il être justifié par la prévention d'attentats imminents alors que leur nombre est en baisse ? Ne sert-elle pas plutôt à briser les Palestiniens ?
Justifier le bouclage.
Le bouclage ne souffre d'aucune exception, même en cas d'urgence médicale, ce qui enlève toute justification à l'argument de sécurité. Des experts israéliens l'ont d'ailleurs remis en cause car il n'a pas réussi à mettre Israël à l'abri des attaques. Le bouclage est injuste, il s'applique uniformément à tous les Palestiniens. Il est discriminatoire car même lorsqu'il est ordonné à la suite d'un regain de violence des colons, les Palestiniens seuls s'y trouvent soumis, les colons pouvant continuer à circuler, sous escorte armée, y compris dans les zones palestiniennes).
Justifier les implantations.
Certaines d'entre elles feraient tampon en cas d'attaque, mais elles ont plutôt pour « fonction » de chasser les Palestiniens et de les remplacer par des colons dont la protection est alors assurée par l'armée israélienne. A Hébron, 450 colons sont protégés par 2 500 soldats israéliens. Les colons ont tous le droit de porter des armes et la protection dont ils bénéficient de la part des autorités lorsqu'ils s'en servent encourage leur présence et la poursuite de la politique de colonisation.
Justice discriminatoire.
En vérité, ce sont les Palestiniens qui sont exposés à la violence des colons, dont les exactions restent le plus souvent impunies. Un colon a bénéficié il y a
quelques jours d'un non-lieu après la mort d'un enfant de onze ans alors qu'il avait été établi officiellement qu'il avait donné un grand coup de crosse sur la nuque de cet enfant à terre, inconscient. Les soldats israéliens qui ont à répondre d'accusations sont libérés sous caution, ou s'ils sont condamnés, le sont légèrement (le meurtre d'un Palestinien ne s'étant pas arrêté à un check-point a valu à chacun des soldats impliqués de payer l'équivalent et de 0,20 francs). Les soldats israéliens, souvent racistes et haineux, indifférents dans le meilleur des cas, se croient ainsi autorisés à donner libre cours à leur agressivité et les Palestiniens victimes de violences n'ont pas grand chose à espérer de la justice, pas plus que de la police. Lorsque les Israéliens sont accusés d'un délit violent ou d'un crime, ils comparaissent devant un tribunal civil en Israël, les Palestiniens, dans les mêmes cas, sont traduits devant une juridiction militaire. La sécurité restant la justification principale des mesures mises en oeuvre par Israël et par l'Autorité palestinienne, soit de son plein gré, soit sous la pression, il ne faut guère attendre d'améliorations , c'est par la pression internationale, l'influence des gouvernements étrangers et les fortes mobilisations sur place, que sera assuré le respect des droits de l'homme. Pour garantir la sécurité d'Israël, le moyen le plus sûr reste le processus de paix.
The palestinien Society for the protection of human rights and the environnement
1 Le 20 septembre 1993, le commandement unifié de l'Intifada regrette que l'accord ne mentionne ni la reconnaissance des droits nationaux des Palestiniens, ni le démantèlement des colonies, ni un retrait israélien global
2 Depuis 1996, des opérations communes ont été organisées contre les groupes armés dans des camps de réfugiés. En octobre 1998, au sommet de Wye Plantation, décision de placer la lutte antiterroriste sous le contrôle de la CIA.
3 En mars 1997, le gouvernement Nétanyahou accuse Arafat d'avoir donné le feu vert au terrorisme et suspend officiellement les négociations politiques avec l'OLP
4 En 1994/1995, rafles et arrestations dans les partis islamistes, suspension de leurs organes de presse. En août 1996, manifestation à Naplouse contre la brutalité des services de sécurité palestiniens
5 En 1995, le contrôleur de l'Etat en Israël reconnaissait que 40 % d'arrestations de Palestiniens étaient abusives
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