Paroles de Palestine 1999 : les discriminations à Jérusalem
22 Janvier 2011 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine Jérusalem
Paroles de Palestine 1999 : Dossier complet
Nabeh Aweidah et Haleem Abu Shamseiah Bureau de presse de la Maison de l'Orient
Jérusalem : porte de Jaffa, vers 1920 |
Immédiatement après la guerre de 1967, les Israéliens ont procédé à un recensement.
Ils ont attribué une carte de résident, de couleur bleue, aux habitants présents à ce moment-là dans la partie annexée. Elle permet de circuler en Israël et d'y travailler. Les habitants de Jérusalem absents au moment du recensement n'ont pu obtenir cette carte et ont été privés du droit de revenir à Jérusalem. Ils sont devenus des étrangers.
D'après les chiffres israéliens, 197 000 personnes possèdent la carte de résident, mais nous pensons que le nombre devrait avoisiner les 220 000. La politique israélienne d'occupation consiste à repousser les Arabes –qu'ils soient chrétiens ou musulmans – hors de Jérusalem, pour en faire une ville exclusivement juive alors qu'elle devrait être la ville des trois confessions. Pour obliger les Palestiniens à quitter Jérusalem, la confiscation des cartes d'identité de résidence est une pratique courante, mais ce n'est pas la seule. Les expropriations, les confiscations ou les destructions de maisons sont autant de moyens pour les forcer à partir. A cela s'ajoute la forte hausse du prix des terrains. Sans compter qu'il est très difficile pour un Palestinien d'obtenir un permis de construire. 152 permis ont été accordés à des Palestiniens l'an dernier contre plusieurs milliers aux Israéliens. D'autre part, les constructions palestiniennes ne peuvent atteindre que 3 ou 4 étages, contrairement aux israéliennes qui peuvent en compter 7 ou 8. Pour toutes ces raisons, les Palestiniens, dont le nombre est en augmentation, sont obligés de sortir des frontières de la ville pour se loger, mais à ce moment-là, leur carte d'identité de résidence de Jérusalem leur est retirée.
En 1993, après Oslo, les Israéliens ont mis en place une politique visant à isoler Jérusalem-Est. Les communications avec les territoires sous autorité palestinienne sont devenues plus difficiles. Où que vous alliez, vous pouvez voir des checks-points, institués depuis 1993, sous le prétexte de la sécurité, en fait pour des motifs économiques et politiques. Alors qu'avant 1993, la carte d'identité rouge délivrée aux habitants de Cisjordanie permettait de circuler librement, il n'est plus permis aujourd'hui à un Palestinien de Ramallah, à 15 km d'ici, de venir à Jérusalem, à moins d'obtenir des autorités israéliennes un permis qu'il lui faut payer. Un chrétien ou un musulman ne peuvent venir prier librement dans la ville sainte, une mère de Ramallah ne peut venir rendre visite à sa fille mariée à un résident de Jérusalem.
Cela a des effets désastreux sur la vie économique, sur les liens sociaux. Avant la politique de fermeture, avant les accords, les habitants de Cisjordanie avaient l'habitude de venir ici. Mais après 1993, à cause des difficultés, des tracasseries, ils ont pris l'habitude d'aller ailleurs, à Bethléem par exemple. Des commerçants, mais également des médecins, des avocats, etc, ont ainsi perdu leur clientèle. Certains sont même partis s'installer dans d'autres villes. L'économie de Jérusalem-Est périclite et ce n' est plus la ville attractive et animée d'autrefois.
Depuis 1967, la municipalité israélienne de Jérusalem a développé de nombreux services mais pour la partie palestinienne, rien n'est fait. Ici, tout manque, tout est laissé à l'abandon. Pourtant, nous payons les mêmes impôts. Cela saute aux yeux que nous sommes la partie occupée de la ville. Ce traitement discriminatoire est bien la preuve que Jérusalem-Est n'est pas une ville israélienne. Alors face à ce vide, ici à la Maison de l'Orient, nous mettons tout en œuvre pour aider les Palestiniens, et répondre à leurs besoins. Mais nous n'avons aucune relation avec la municipalité israélienne de Jérusalem, une municipalité qui est issue de l'occupation.
Le témoignage de Dianah Safieh
« Obtenir sa carte de résident »
Le 12 juin 1967, quand les Israéliens sont venus nous recenser, mon père a donné les noms de tous les membres de la famille. Mes deux frères étant alors en Belgique, les Israéliens ont déclaré qu'ils n'existaient pas. Là, pour la première fois, j'ai vu mon père pleurer. Il y a une phrase que les Palestiniens répètent souvent : « En 48, nous avons perdu nos biens, mais en 1967, nous avons perdu nos enfants ». Mes frères n'ont jamais eu droit à la carte de résident de Jérusalem. D'ailleurs, lorsque mon père est mort, ils n'ont pu être présents pour l'enterrement.
Mon frère Afif, qui est représentant de l'OLP à Londres et auprès du Saint-Siège, a pensé qu'après Oslo il pourrait obtenir sa carte de résident. En 1993, lors de son premier retour à Jérusalem (il en était parti enfant en 66), ma mère a immédiatement fait une demande auprès des autorités israéliennes pour réunion de famille. Il y avait Rabin à l'époque. Il a été répondu à mon frère : « Nous aurions bien aimé vous délivrer la carte de résident, mais nous ne voulons pas créer de précédent. Vous pouvez habiter Jérusalem, mais vous aurez une carte d'identité de Gaza ou de Ramallah ». Ce à quoi mon frère a répondu : « Quand l'OLP était dans la clandestinité, tout le monde m'appelait Afif Safieh, je ne vois pas pourquoi maintenant que l'on fait la paix, je serais obligé de rentrer dans la clandestinité. Vous voulez que je vous donne une fausse adresse hors de Jérusalem. Un jour, vous me chasserez et à ce moment-là, je n'aurai aucun recours. Je préfère revenir en tant que touriste ».
Et lorsque mon frère revient à Jérusalem, c'est comme touriste, avec un passeport belge ! Vous vous rendez compte ! C'est ça la paix ? *
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