Paroles de Palestine 1999 : L'intifada, un tournant historique
11 Janvier 2011 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine Mouvement national
Présentation générale du dossier
Shaher Awawdeh
directeur politique
Département des relations internationales, maison de l'Orient1
Le tournant majeur dans la vie et la politique palestinienne, après 1967, a été le soulèvement de l'Intifada. Ce fut un acte de protestation contre l'occupation mais aussi un événement qui a changé l'image des Palestiniens aux yeux du monde, un tournant dans l'appréhension du conflit. Le monde a commencé à admettre que notre peuple avait besoin de soutien pour recouvrer une partie de ses droits.
Une nouvelle façon de penser.
Cette situation a eu des répercussions sur notre propre façon de penser, il a fallu envisager avec plus de réalisme notre lutte, nos droits, notre avenir. La direction palestinienne a pris acte de la nécessité de traiter le conflit en tenant compte de ce nouvel état d'esprit des Palestiniens. L'Intifada, son prix élevé payé par les habitants des territoires occupés (près de 2 000 morts), la sympathie nouvelle dont jouissait notre lutte, tout cela devait être investi et transformé en des résultats tangibles tant pour les Palestiniens des territoires occupés que pour ceux de la diaspora. Même si nous ne contrôlions pas la terre, la déclaration d'un État devenait « l'investissement naturel ».
Le Conseil National Palestinien (CNP) qui s'est tenu à Alger en novembre 1988, qui a vu la proclamation de l'État palestinien, a été comme la cristallisation de ce nouvel état d'esprit prenant en compte notre volonté de vivre en paix et l'idée diffuse du droit à l'existence d'Israël à travers l'acceptation du principe du partage de la Palestine. La guerre du Golfe a également contribué à ce changement. L'engagement militaire américain en faveur du Koweït – qui n'est pourtant pas aussi proche des États-Unis que ne l'est Israël – rendait irréaliste toute solution militaire dans le conflit avec Israël
Le processus d'Oslo.
Le processus de paix commencé avec la conférence de Madrid (octobre 1991) a matérialisé cette nouvelle façon de penser l'avenir. Malgré le refus d'Israël d'avoir affaire à l'OLP, nous avons réussi à persuader les Américains que l'OLP était le seul représentant palestinien avec qui traiter. Et même si nous faisions partie d'une délégation commune avec les Jordaniens, les Palestiniens ont parlé pour eux-mêmes, Faysal Husseini et Haydar Abdel Chafi étaient en contact direct avec Tunis et non pas avec le roi Hussein de Jordanie.
Après les élections en Israël remportées par le parti travailliste (1992) l'idée de la reconnaissance de l'OLP comme négociateur principal a mûri. Le canal secret d'Oslo allait aboutir à la déclaration de principe signée à la Maison Blanche, le 13 septembre 1993, qui mit fin à la fiction d'une délégation commune jordano-palestinienne et permit de discuter directement. Même si Rabin s'est révélé être un négociateur retors (2), les accords auxquels nous sommes arrivés construisaient une confiance mutuelle en dépit des violences de ceux qui, de chaque côté, étaient opposés au processus de paix. En n'appliquant pas les accords signés, en encourageant les constructions de colonies alors qu'elles devaient être gelées (3), Nétanyahou a tout remis en question et a bloqué le processus , en refusant de faire la paix avec la Syrie et de se retirer du Liban, il a replongé toute la région dans un climat de guerre. Le seul accord auquel nous soyons arrivés, c'est le mémorandum de Wye River.
Aujourd'hui avec le nouveau gouvernement on espère que les choses vont changer, mais M. Barak est un militaire, il pense avec une mentalité de militaire. S'il choisit de faire prioritairement la paix avec la Syrie et non pas avec les Palestiniens, c'est parce que, en militaire, il fait ses calculs : la Syrie représente tant d'avions, tant de soldats, c'est un front qu'il doit ménager alors que les Palestiniens sont le point faible de la chaîne. Pourtant si la question palestinienne n'est pas résolue, la paix ne peut pas être atteinte. Pour nous, l'application du mémorandum de Wye River sera une indication sur le comportement futur de M. Barak. S'il n'applique pas l'accord signé par Nétanyahou, il est certain qu'il n'en appliquera pas d'autres (4).
Il nous faudra pourtant trouver des accords pour pouvoir, dans un premier temps, vivre dans un véritable état souverain assurant le contrôle sur la terre, l'eau, les ressources minérales, ses frontières, son économie, ses relations internationales. Ce n'est qu'ensuite que l'on pourra réfléchir à une éventuelle confédération avec Israël ou la Jordanie, mais cela c'est pour le futur, et nous devons pouvoir le décider souverainement.
1Note de 2012 : La Maison de l'Orient a été fermée par les autorités d'occupation en 2001.
2 Rediscussion partielle des accords d'Oslo, non-respect des accords sur la libération des prisonniers, confiscation de terres, renforcement de la colonisation autour de Jérusalem
3 En juillet 96, Netanyahou a rétabli les aides fiscales pour l'établissement des colons. Au sommet de Wye Plantation, aucune garantie n'est donnée sur l'arrêt de la colonisation
4 Si début septembre 1999, M. Barak a enfin accepté l'accord, ce n'est qu'après rediscussion et prise en compte de ses exigences
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