Les conditions indignes d’accueil et de traitement des dossiers à la Préfecture de Versailles (78)
Les conditions indignes d’accueil et de traitement des dossiers
à la Préfecture de Versailles (78)
Depuis septembre 2010, le RESF et le Cercle de Silence de Versailles passent une semaine par mois à « observer » la file de la Préfecture : 250 personnes attendent dehors par tous les temps souvent depuis la veille ; comptages réguliers (le soir précédent, le petit matin, à l’ouverture de la porte, à 10h puis à 12h), discussions, tractages, articles de presse n’ont rien changé
Ces queues, qui se font souvent dans des conditions inhumaines et indignes, ne sont que le côté visible d'une politique plus générale : l'attribution de titres de plus en plus précaires dont la validité n'est que de 1 an ou la recherche de la faille qui permettrait de refuser le titre de séjour.
Le plus criant étant les dossiers pour 10 ans de présence pour lesquels chaque document est contrôlé, travail qui prend environ 3 ans aux services de la Préfecture. Il suffit de savoir calculer : 3 ans d'attente, c'est 12 récépissés de 3 mois, 12 occasions supplémentaires de faire la queue devant la Préfecture.
Même genre de délai d'attente pour un titre VPF (vie privée et familiale) : 2 à 3 ans sont possibles.
Il s'agissait donc pour la Préfecture de refuser le maximum de régularisations ou mieux de décourager les dépôts de dossier.
Le 11 janvier 2011, 40 personnes représentant 20 associations/organisations/syndicats/partis politiques, révoltées par cette situation, se sont réunies à l'appel du RESF 78 pour voir ensemble ce qui pourrait être fait, tant d'un point de vue « humanitaire » sur les conditions d'accueil, qu' « administratif », sur les délais de réponse. Tous étaient convaincus que seuls des changements radicaux de politique et en particulier l'arrêt de la politique du chiffre, pourraient apporter des solutions durables.
En février, a été organisée une veille continue du dimanche 6 février 2011 de 22h au lendemain lundi 7 février midi. D'autres veilles ont depuis régulièrement eu lieu.
Tous les témoignages sont consignés.
Le 17 juin 2011, le secrétaire général de la Préfecture organise une réunion à la Préfecture.
De nombreuses associations se retrouvent, à l'appel du CEFY (Collectif Etrangers Français en Yvelines) pour préparer collectivement cette rencontre..
Une liste des points concrets à aborder a alors été élaborée pour que chacun y retrouve sa spécificité. Entre autres :. ; entre autre :
- Dénonciation de la nouvelle orientation de la Préfecture concernant la vérification de l’hébergement, avec des conséquences néfastes concernant particulièrement les célibataires vivant en foyer ; du processus de renouvellement des titres de séjour sans récépissé, entraînant la perte de droits et d’allocations (Allocations familiales, APL, Assedic ….) ; de la lenteur de la régularisation de conjoints de français arrivés avec ou sans visa de long séjour ; de l’impossibilité pour certains étrangers de déposer une demande d’asile (APRF contestable, empreintes illisibles, contournement des décisions de justice ….) ; de l’ absence de confidentialité de la demande d’asile liée à une obligation de présenter le dossier OFPRA lors de la délivrance d’une APS en Préfecture.
- Demande de mise à disposition des associations d’un numéro de téléphone ou adresse Internet pour permettre des interventions urgentes ; d’information en temps réel sur les horaires et jours de réception pour les différents types de demandes.
D'autres points ont été abordés comme le non-respect des conditions spécifiques aux citoyens communautaires pour leur droit à la circulation et au séjour lorsque sont étudiés les dossiers des familles roumaines Roms qui habitent dans le 78 depuis de nombreuses années.
Étaient présents en Préfecture le 17 juin, non seulement les associations et organisations diverses ( MRAP, CIMADE, FTDA, DOM'asile, CEFY, ASTI, RESF,.Emmaüs...et beaucoup d'autres) mais aussi des professionnels (AS, CADA…) et tout le service du « bureau des étrangers ». Il nous a été dit que la Préfecture était noyée sous 10 000 dossiers en retard : à priori 3000 traités mais 7000 en attente ! Un audit a eu lieu utilisant la méthode LEAN (c'est ce que l'on appelle dans le privé la méthode Toyota – améliorer la production à moyens constants et avec le sourire). Pour le secrétaire général, il s'agirait de « produire des titres de séjour en appliquant la LOI ».
Pour diminuer la pile des 10 000 dossiers en instance, à défaut de fermer la préfecture comme cela avait été envisagé, la solution choisie a été de les étudier rapidement, en multipliant les refus accompagnés systématiquement d'OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) sous leur nouvelle forme, autorisée par la loi du 16 juin 2011.
Deuxième moyen : diminuer en même temps l'apport de nouveaux dossiers. Pour cela, un contrôle très strict des dossiers à l'accueil de la Préfecture bloque de nombreuses personnes qui, auparavant, auraient pu atteindre les guichets. en imposant des conditions de plus en plus draconiennes.
En apparence, l'accueil, au sens strict du terme s'était depuis lors amélioré ; les queues avaient semble-il diminué, au moins dans un premier temps.
Mais le processus s’engorge à nouveau mi-septembre ; on voit une longue file dehors, très tôt le matin. A titre d'exemple, 2 « dossiers salariés » sont acceptés par jour et les demandeurs couchent 2 à 3 nuits de suite sur place pour être les tout premiers de la file.
De surcroit, la préfecture avait présenté en Juin le renouvellent des titres de séjour par voie postale comme étant une des solutions pour diminuer les files d'attente. C'est exactement l'inverse qui se produit :du fait d'un retard très conséquent dans l'examen de ce type de dossier, les personnes viennent à plusieures reprises pour réclamer leur carte ou un récépissé.
Nous accompagnons autant que possible chaque personne demandeuse de papiers et nos noms sont inscrits sur le dossier de la personne accompagnée (pratique initiée en septembre 2011)
Depuis environ le 15 septembre, nous remarquons une mise en pratique quasi systématique de ce que permet la nouvelle loi: à la Préfecture de Versailles, les OQTF « avec délai » de 30 jours et proposition d’aide au retour tombent dru. Pendant le « délai », la personne doit se présenter 2 fois à la Préfecture (entre le 10è et le 15è jour puis entre le 20è et le 25è jour) avec son passeport qui lui est confisqué et rendu la 2ème fois quand des preuves de son départ imminent sont montrées au guichet. Nombreux sont ceux qui ne se présentent pas et qui ainsi peuvent garder leur passeport.
Certains se voient remettre une OQTF et confisquer immédiatement leur passeport lorsqu'ils se présentent en Préfecture pour renouveler leur récépissé de 3 mois.
Presque toutes les OQTF sont accompagnées d' une IRTF - interdiction de retour sur le territoire français, en réalité dans tout l'espace Schengen.
Les avocats font des recours, les délibérés du Tribunal Administratif se font attendre (actuellement, 3 semaines de délibéré pour des refus de séjour avec OQTF), et sont souvent insuffisants (libération du CRA, centre de Rétention Administrative, mais OQTF maintenue )
Notons pour finir que plus il y a de distribution d'OQTF, plus la solidarité se développe et plus de personnes prennent conscience de la réalité des dégâts engendrés par la politique du chiffre. Suite à des mobilisations, le Préfet a reconsidéré ses décisions et a délivré des titres de séjour sans attendre le jugement au TA.
L'hiver arrivant, les queues, y compris nocturnes, devant la préfecture de Versailles (78) vont redevenir, comme l'année dernière, un véritable scandale humain.
Document validé lors d'une réunion à Versailles le 9 novembre 2011
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