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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Le retour de l’histoire patriotique (collectif)

24 Mars 2014 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Histoire

http://i0.wp.com/www.leshistoriensdegarde.fr/wp-content/uploads/2013/03/1decouv-Historiens.jpgENTRE MYTHE IDENTITAIRE ET PRIVATISATION1

L’Histoire n’a pas attendu la fin du XIXe siècle en France pour devenir un instrument du patriotisme et du nationalisme. Dès les premiers balbutiements des sciences historiques, sous la Restauration, les historiens tentent de donner à la nation, concept nouveau apparu au cours du XVIIIe siècle, des racines anciennes. C’est après la défaite de 1870, l’avènement de la Troisième République et la mise en place de l’école obligatoire en 1882 que la fonction patriotique de l’Histoire va se cristalliser. Il s’agit à la fois de créer chez les jeunes élèves un sentiment d’appartenance fort à travers un passé commun et héroïque, mettant en avant des grandes figures de souverains et de chefs (Vercingétorix, Clovis, Jeanne d’Arc), et d’appuyer le nouveau régime. Ce type de récit va s’incarner notamment dans des ouvrages phares comme le manuel de cours élémentaire d’Ernest Lavisse (appelé communément le « Petit Lavisse », notamment dans son édition finale de 1913) qui sera lu par plusieurs générations d’écoliers et va constituer l’une des bases de ce que les historiens appellent aujourd’hui le roman national.

Face au récit républicain, l’Action française, organisation monarchiste et antisémite très influente, va faire de l’Histoire un de ses instruments de combat politique afin de glorifier l’action de la monarchie française et de diffuser une image noire de la Révolution française. Ses troupes iront perturber un cours à la Sorbonne (« l’affaire Thalamas » en 1908) alors que ses membres les plus en vue (Charles Maurras notamment) organiseront une véritable contre-université, l’Institut d’Action française, fondé en 1906. Mais c’est à travers ses publications à destination du grand public que l’AF va diffuser son propre récit historique avec des succès comme l’Histoire de France de Jacques Bainville (1924), rapidement vendu à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et rapidement adapté en version pour les enfants, illustrée par Job (1928). La place est d’autant plus facile à prendre qu’au même moment, les historiens professionnels abandonnent peu à peu le terrain de la vulgarisation. Ce repli sur soi n’est pas que négatif. Il avait tout d’abord pour but de ne plus soumettre les travaux historiques à la nécessité de créer un sentiment patriotique. De cette période de retrait va sortir l’école des Annales de Lucien Febvre et de Marc Bloch, qui, en ouvrant le champ des recherches vers les questions économiques et sociales, puis culturelles, va détacher peu à peu l’histoire du seul objet national.

Cette histoire va triompher dans les années 60 et surtout 70 avec la Nouvelle histoire et d’immenses succès de librairie. Au même moment, l’école – notamment élémentaire – s’ouvre à une histoire plurielle alors qu’à la télévision triomphent de grandes séries de vulgarisation de qualité, comme Le Temps des cathédrales, dirigée par Georges Duby (1980). L’historiographie héritée de l’Action française se fait bien plus discrète, à part quelques figures comme Pierre Gaxotte, et reste confinée à des niches, notamment les biographies, en grandes parties abandonnées par les Annales plus préoccupées par les structures sociales.

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