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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Hommages à Ilan Halevi

11 Juillet 2013 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine, #Hommages

http://www.agencemediapalestine.fr/wp-content/uploads/6080543-ilan-halevi-est-mort.jpg

 

Agence Media Palestine

Ilan Halevi écrivain, militant et politique juif et palestinien vient de nous quitter. Il fut le représentant officiel de l’OLP en Europe et pour l’Internationale socialiste. Il fut également vice-ministre des affaires étrangères de l’OLP dans le gouvernement de Mahmoud Abbas (alias Abu Mazen) et a participé à ce titre à la Conférence de Madrid de 1991.
L’Agence Média Palestine présente ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Ses obsèques auront lieu

samedi 13 juillet
à 10 heures

 

AFPS 10 juillet 2013 :

 

Avec Ilan Halévi, nous venons de perdre un ami de tou­jours, com­battant infa­ti­gable de la cause pales­ti­nienne, militant pré­cieux et emblé­ma­tique du refus des assi­gna­tions et caté­go­ri­sa­tions racistes. Né en France sous l’occupation, c’est dans la lutte qu’il est devenu pales­tinien, lui qui se reven­di­quait « à 100% juif et à 100% pales­tinien ». Long­temps repré­sentant de l’OLP auprès de l’Internationale socia­liste, membre de la délé­gation pales­ti­nienne aux négo­cia­tions de Madrid et Washington, il fut vice ministre des affaires étran­gères de l’Autorité pales­ti­nienne et membre du Comité exé­cutif du Fatah.

C’était pour l’AFPS un ami fidèle. Invité régulier des groupes locaux et habitué de nos uni­ver­sités d’été, il avait l’an dernier à Pau, une fois encore bluffé les par­ti­ci­pants par sa vivacité intel­lec­tuelle qui contrastait si fort avec ses dif­fi­cultés motrices.

Dans sa « Lettre de Ramallah, Face à la guerre » en 2003, il rap­pelait que « la seule alter­native globale à la guerre est un système inter­na­tional de droit et de régu­lation efficace, doté de moyens pour faire res­pecter ses prin­cipes, ses lois et ses résolutions ».

C’est notre conviction très profonde.

A sa famille, à l’OLP, au peuple pales­tinien tout entier nous adressons nos plus sin­cères condo­léances. Qu’ils sachent que son combat pour la Palestine, son combat pour le droit et la justice, aujourd’hui nous les pour­suivons. Avec la ténacité qui était la sienne.

Le beau portrait qu’en faisait Christophe Ayad en septembre 2003

Oxy­moron : « Figure qui consiste à allier deux mots de sens incom­pa­tibles pour leur donner plus de force expressive. Exemple : une douce vio­lence. » Autre exemple : juif de natio­nalité pales­ti­nienne ou Pales­tinien d’origine juive, ce qui ne revient pas au même. Ilan Halévy, vice-​​ministre adjoint des Affaires étran­gères du gou­ver­nement démis­sion­naire de Mahmoud Abbas, est bien un oxy­moron. CQFD. Mais, contrai­rement à ce que ce nom grinçant pourrait laisser croire, sur­vient un homme petit et jovial, agile de corps et d’esprit, les yeux aux aguets, le teint de là-​​bas et l’allure d’ici, séduisant sans être beau. En scrutant son visage à la recherche d’un indice, on se dit qu’il a cette chance rare d’avoir l’air du coin où qu’il soit. Il parle cou­ramment le français, l’arabe, l’hébreu, l’anglais, l’italien et l’espagnol.

Ilan Halévy est donc un diplomate pales­tinien portant un nom juif et se déplaçant avec un pas­seport français (« Les Israé­liens ont refusé que j’aie un pas­seport pales­tinien. ») D’autres y voient un inex­tri­cable écheveau de contra­dic­tions, lui pas. Dans un conflit étouffé par les haines eth­niques et confes­sion­nelles, où l’identité est un tatouage mortel, Ilan Halévy veut continuer de croire que l’homme ne se résume pas à son ADN ni à sa tribu. Il y a long­temps déjà, il s’est choisi pales­tinien. Il rabroue ceux qui veulent voir en lui le symbole d’un avenir pos­sible en commun. Ilan Halévy n’est pas israélien, il est pales­tinien, juif certes, mais pales­tinien. Jusqu’à sa façon de parler en français, lorsque la voix reste sus­pendue en fin de phrase, à la manière des Cis­jor­da­niens. Jamais, il ne se sou­vient avoir eu droit à une remarque déso­bli­geante en Palestine, ce qui n’a pas tou­jours été le cas ailleurs dans le monde arabe. Un jour, une secré­taire lui fait remarquer à Ramallah : « Ton nom est comme celui d’un juif. ¬ C’est parce que je suis juif, a-​​t-​​il répondu. ¬ Mais tu as l’air arabe. ¬ C’est parce que je suis arabe. ¬ Et alors qu’est-ce que ça fait d’être moitié-​​moitié, l’interroge-t-elle avec com­mi­sé­ration. ¬ Je suis à 100 % juif et à 100 % arabe. »

Quelle est la part juive alors ? « Comme l’a dit un jour Maxime Rodinson, je suis "juif à divers titres". Ce qui ras­semble les juifs, c’est le fait d’appartenir à une com­mu­nauté définie néga­ti­vement de l’extérieur. » « L’antisémitisme, c’est le socia­lisme des imbé­ciles », a-​​t-​​il coutume de citer, lui qui est né en 1943 à Lyon dans un bureau de poste qui servait de planque à la Résis­tance. « L’ostracisme, la caté­go­ri­sation, c’est ce qu’ont tou­jours fait les anti­sé­mites et les reli­gieux. Pour moi, être juif c’est refuser tout statut à part. Je réclame le droit commun. » Ses parents, juifs résis­tants et com­mu­nistes, étaient déjà vis­cé­ra­lement laïcs. « Il faut remonter à mon grand-​​père pour trouver un rabbin. Je sais que mon par­cours intrigue. La curiosité qu’il suscite n’est pas très saine. » Comme Malraux, il pense que la vie privée est un « misé­rable petits tas de secrets ». Tout ce qu’on saura c’est qu’il a eu cinq enfants, dis­persés un peu partout sur la planète, et dont l’aîné, Laurent, musicien, est mort l’année der­nière, laissant une blessure qui ne se referme pas.

Lorsqu’il est de passage à Paris, Ilan Halévy donne rendez-​​vous au café en face de chez lui, tou­jours le même, tou­jours à la même place, au fond de la salle avec un oeil sur la porte d’entrée. Il a gardé de vieilles habi­tudes de révo­lu­tion­naire pro­fes­sionnel, le sens de l’humour et de la fête en plus. « On ne connaît pas Ilan si on ne l’a pas vu danser », raconte une amie. Musicien de jazz à 16 ans, puis jour­na­liste à la radio malienne en pleine fièvre post­in­dé­pen­dance, c’est dans l’Algérie de Ben Bella qu’il découvre la cause palestinienne.

En 1966, il se rend pour la pre­mière fois en Israël, non pas pour faire son aliya (la « montée » synonyme pour les juifs d’installation sur la Terre sainte) mais pour le com­battre de l’intérieur. Il mettra dix ans à com­prendre « que toute volonté de détruire Israël ne fait que le ren­forcer ». A com­prendre surtout qu’Israël est une véri­table nation, pas une simple création colo­niale. Ins­tallé à Nahlaot, « un des rares quar­tiers de Jéru­salem où l’on n’habite pas une maison volée », il tente de « s’établir » en tra­vaillant comme docker, typo­graphe, etc. tout en militant au Matzpen, un grou­puscule d’extrême gauche anti­sio­niste. Il tra­vaille un temps comme jour­na­liste ¬ à Libé­ration ¬, conçoit le jour­na­lisme comme un pro­lon­gement de son combat.

A son retour à Paris en 1976, il par­ticipe aux pre­miers contacts entre l’OLP et l’extrême gauche israé­lienne. D’interlocuteur, il devient com­pagnon de route et finit par être adopté par la famille OLP : l’évolution s’est faite toute seule. Ilan Halévy est un vrai homme d’appareil, un de ces rouages invi­sibles qui font tourner les partis. Et le parti, c’est Yasser Arafat. Il a pour le « raïs » une affection quasi filiale. Il assume tout, même les désac­cords : l’alignement sur l’Irak pendant la guerre du Golfe de 1991 (« trau­ma­tisant »), les négo­cia­tions secrètes d’Oslo et l’accord bâclé, l’autocratie, la cor­ruption, la mili­ta­ri­sation de l’Intifada…

Tout comme Arafat et son entourage, Ilan Halévy vit dans un autre âge, comme s’il n’avait pas compris que les règles du jeu ont radi­ca­lement changé depuis le 11 sep­tembre 2001. Alors qu’Arafat est au bord de l’expulsion, Ilan Halévy épilogue sur les byzan­ti­neries de la Moqataa. « Entre Abou Mazen et Arafat, c’était un peu comme entre Rocard et Mit­terrand, ni meilleur, ni pire. » Il doit tout à Arafat : c’est lui qui l’a nommé repré­sentant de l’OLP à la Com­mission des droits de l’homme de l’ONU et à l’Internationale socia­liste. « Quand nous croi­sions des Israé­liens, ils deve­naient hys­té­riques. J’étais un traître, un collabo. » Il est fier lorsqu’un res­pon­sable israélien l’apostrophe ainsi : « Vous, les Palestiniens… »

Parfois, le décou­ra­gement perce la carapace du militant : « Pendant trente ans, l’OLP a déployé des trésors de patience pour dis­tinguer les juifs, des Israé­liens et des sio­nistes. Et main­tenant… » Main­tenant, la jeu­nesse pales­ti­nienne pense qu’un Israélien est un tan­kiste et que tous les juifs sont des colons. Il y a de quoi pleurer. Ilan Halévy juge les attentats-​​suicides « immoraux et poli­ti­quement nui­sibles ». « C’est une régression ter­rible, mais quand on vit là-​​bas, on com­prend très bien pourquoi cela arrive. C’est de la ven­detta : "Vous tuez nos femmes et enfants, nous aussi !" S’attaquer à des civils est cri­minel, mais résister à une armée d’occupation et à des colons armés est non seulement légitime mais reconnu par le droit inter­na­tional. » En avril 2002, pendant l’opération Rempart, son immeuble a été saccagé en son absence par des soldats israé­liens. Puis, les chebabs du camp pales­tinien voisin sont venus piller ce qui restait. « Quand j’étais enfant, la guerre était simple, tout était noir ou blanc. » .

Ilan Halévy en 12 dates

1943 : Naissance à Lyon, dans la clandestinité.

1959 : Musicien de jazz.

1962 : Journaliste à la radio nationale malienne.

1964 : Séjour en Algérie.

1966 : Installation en Israël, où il milite dans l’extrême gauche antisioniste.

1974 : Correspondant de « Libération ».

1977 : Premier séjour à Beyrouth pour rencontrer l’OLP.

1983 : Repré­sente l’OLP auprès de la Com­mission de l’ONU pour les droits de l’homme. Allers-​​retours avec Tunis, siège de l’OLP.

1991 : Participe à la conférence de Madrid.

1996 : S’installe à Ramallah.

2000 : Début de la deuxième Intifada.

2003 : Publie « Lettre de Ramallah » (Sindbad-​​Actes Sud), vice-​​ministre adjoint des Affaires étran­gères dans le gou­ver­nement démis­sion­naire de Mahmoud Abbas.

 

Politis

 

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