Hakim Ajimi Sur le long chemin pour la justice … La lutte continue
Hakim Ajimi : Sur le long chemin pour la justice … La lutte continue
Par Y.M. & A.V.
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Après lesaudiences (1) du procès des responsablesde la mort d’Hakim Ajimi qui se sont tenues du 16 au 20 janvier au Palais de Justice de Grasse, l’affaire de ce jeune grassois, qui a trouvé la mort au cours d’uneinterpellation policière (2) aussi brutale que disproportionnée, est entrée au bout de quatre ans d’efforts dans une phase judiciaire cruciale.
Alors même que les nombreux témoignages, la déposition du formateur des formateurs de la police, ou le rapport de l’ancienne Commission nationale de la Déontologie de la Sécurité (CNDS) qui utilisait les termes « d’inhumanité » et « d’usage de la force sans justification » étaient autant d’éléments à charge contre les policiers, les réquisitions du procureur ont suscité une légitime incompréhension – d’autant qu’il avait lui-même fait état durant les débats de « fuites effarantes de responsabilité » et d’« actes d’une extrême gravité ». Les peines requises, toutes assorties d’un sursis simple, ont conduit la famille et le Comité de soutien à quitter la salle d’audiences.(3) etprovoqué les réactions indignées de nombre d’associations.(4)
A Grasse, une question taraude bien des esprits : les réquisitions auraient-elles été si minimes si la victime n’avait pas été un jeune Tunisien des quartiers populaires mais le fils d’un notable grassois ? Une question qui montre bien que pour nombre d’habitants de cette ville, il n’est pas infondé de parler d’une justice de classe.
Si le jugement ne sera prononcé que le 24 février, la mobilisation pour que justice soit rendue à Hakim ne faiblit pas et une nouvelle manifestation, suivie d’un forum citoyen, s’est tenue sur la place du Cours à Grasse, le 20 janvier.
Le combat de tous
Touchés par la mort de Hakim, nombre de Grassois, dès le début, dans un même élan d’indignation, se sont mobilisés, conscients que le meurtre de Hakim est une atteinte intolérable à la vie humaine, un état de fait extrêmement préoccupant pour la démocratie, les libertés et le fonctionnement des institutions républicaines : la police et la justice particulièrement. Tous partagent l’évidence que si aujourd’hui Hakim est la victime, demain cela pourra être n’importe lequel des Grassois, d’autant plus s’il appartient à une classe défavorisée. Et comme l’a dit un des intervenants du forum du 20 janvier « Aujourd’hui, je me mobilise pour la mort de Hakim, demain si c’est François qui est la victime, je serai tout autant mobilisé ».
Cette solidarité dans le drame que constitue la mort d’un jeune de 22 ans rend encore plus inacceptable l’absence flagrante de tous ceux qui ne cessent d’invoquer un prétendu communautarisme mais qui ne sont cependant pas présents dans les mobilisations citoyennes lorsqu’il s’agit de condamner les faits les plus graves et les plus répréhensibles qui concernent pourtant l’ensemble de la société.
Des absences injustifiables
Ainsi, à l’exception du syndicat CGT qui a apporté son concours dans la prise en charge matérielle (comme la mise à disposition de ses locaux), les autres syndicats ont fait preuve d’une discrétion plus que remarquable ! Il en est de même des partis politiques. Exceptés ceux communément classés à la gauche de la gauche, l’absence des partis ne peut simplement s’expliquer par la proximité des échéances électorales. Même si comme ils le prétendent, ce combat n’est pas payant électoralement, leur désertion n’est-elle pas le signe manifeste à la fois d’un désintérêt pour des classes populaires stigmatisées et d’une cécité politique qui laisse perplexe quant à une réelle volonté de changement, permettant l’épanouissement d’un véritable vivre ensemble.
Si les interpellations en direction de l’actuel gouvernement sont restées sans réponse, et ce constat est partagé par tous les acteurs des quartiers populaires, le sentiment se développe qu’il n’y a rien à attendre des politiques en général.
Lutter contre l’oubli
Dans le long parcours pour que la vérité soit établie et que justice soit rendue, défendre la mémoire des victimes, c’est éviter l’oubli qui est à l’œuvre et qui profite toujours aux coupables. Sortir la victime de l’anonymat est impératif. A ce sujet, on se souvient de la mort de Mamadou Marega qui longtemps avait été dépouillé même de son nom, jusqu'à n’être plus désigné que sous le vocable du « Malien ». (5)
Donner un visage à Hakim, faire vivre sa mémoire, inscrire la mobilisation dans la durée a toujours été une préoccupation qui ne s’est jamais démentie, un élément dont on ne mesure pas toujours l’importance. Hakim reste ainsi, par-delà sa mort, un homme à qui l’on a ôté la vie, un être humain avec, comme tout un chacun, ses qualités et ses défauts et dont les policiers ont finalement à répondre de la mort.
Une grande maturité
Plus profondément, si le mouvement a pu s’inscrire dans la durée, on le doit en premier lieu au comportement des parents de Hakim, d’une grande dignité. Quatre ans après la mort d’Hakim, lesmessages de sympathie et de soutien (6) reçus par la famille, avant, pendant et après le procès témoignent de son attitude exemplaire, -une attitude qui a certainement contribué de façon déterminante à l’image positive des mobilisations et au soutien sans faille que tous les participants continuent à apporter à la lutte.
Cette image positive, on la doit également au calme qui a toujours prévalu lors des diverses manifestations(7)mais qui n’exclut aucunement ni la détermination ni l’opiniâtreté. Un calme qui n’est jamais résignation mais l’assurance de mener, malgré les difficultés et les obstacles, un combat juste, qui, dans les conditions de fonctionnement des institutions ne peut s’inscrire que dans la durée sachant que le pouvoir est invariablement du côté de ses serviteurs (8)les forces de l’ordre….qui défendent l’ordre établi !
Un calme et un sang-froid qui participent à la déconstruction de l’image véhiculée par les médias sur les quartiers populaires et qui est accolée invariablement aux jeunes des quartiers dits « sensibles », image négative que bien des « responsables » politiques reprennent à leur compte par démagogie, raisons électoralistes ou préjugés aux relents de colonisation.
Quatre années de luttes sans que la mobilisation faiblisse, c’est le signe évident d’une grande maturité du mouvement, porté par une exigence claire et tenace de justice et de réparation, sans la moindre ombre de vengeance. Un mouvement qui a toujours eu la conscience aiguë que tout dérapage, tout faux pas pouvait être exploité et se retourner contre les objectifs de la lutte.
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