Forum du 20 janvier 2012 à Grasse Intervention de Mohamed, membre du Comité de soutien à Hakim Ajimi
27 Janvier 2012 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Police Justice
Mohamed (Clichy-sous-Bois)
« Je viens de Clichy-sous-bois la ville où Zyed et Bouna, deux enfants poursuivis par des policiers sont morts en 2005 dans le transfo où ils s’étaient réfugiés. Ce drame, même si d’autres facteurs ont joué, a été un déclencheur de ce que l’on a connu dans les quartiers populaires en 2005. Ce manque de respect, l’absence de droit commun que connaissent les habitants de nos quartiers expliquent l'explosion qu'il y a eu partout en France pour dénoncer un état de fait qui persiste : depuis les années 80, des crimes sont commis, ne sont pas punis, ce n’est pas tolérable.
Aujourd’hui, on est venus à Grasse, rejoindre d’autres comités qui soutiennent la lutte pour Hakim Ajimi, mais également pour soutenir les mobilisations pour Ali Ziri, Lamine et celles de Villiers le Bel, comme celles de Clermont-Ferrand, d’Aulnay… La liste est longue.
On est là pour dire que cela doit cesser et pour que cela cesse, il faut que ce problème des violences policières devienne un problème national. Quand je dis national, je m’adresse particulièrement à ces hommes et femmes politiques qui, quand ça les arrange, savent très bien mettre en avant certains sujets mais qu’on n’entend pas ou qu’on ne voit jamais dans les combats menés dans ces quartiers où le droit commun n’existe pas, ces quartiers, où les enfants ont droit qu’on leur ôte la vie sans que personne ne trouve cela indigne ou inadmissible.
A un moment ou à un autre, si les hommes et les femmes politiques ne sont pas capables d’agir, il faudra que nous portions ce problème au plus haut et lui donner toute sa dimension politique pour que ces méthodes cessent. Comme d’autres l’ont dit, on ne mène pas un combat contre la police, nous menons un combat contre ceux qui, aujourd’hui dans le camp policier, ne respectent pas la loi, alors qu’ils sont censés normalement nous protéger et non pas nous faire peur.
Il faut que les policiers aient le courage de dénoncer les dérives de leurs collègues. On a tous un côté humain et à un moment il faut bien que ce côté humain ressorte et s’exprime pour que soit mis fin à une situation où ce sont toujours les mêmes qui trinquent.
La question des quartiers populaires reste un problème national. Malheureusement elle est souvent mise à l’écart, pour ne pas dire plus.
Pourtant aujourd’hui les quartiers populaires sont un véritable laboratoire pour la politique qui se met en place. Et ces quartiers populaires, c’est nous. Et ce qui s’y passe, pour les autres, ce n’est pas leur problème. Et pourtant, ce devrait être le problème de tous. Lorsqu’il y a des enfants qui meurent, ce sont toujours les mêmes : ce n’est pas parce qu’on s’appelle Mamadou, ou Mohamed qu’on a le droit de mourir.
Il n’est pas normal non plus que nos enfants finissent par s’entretuer parce qu’aujourd’hui le système crée cet état de choses. On dénonce, on déplore mais ce n’est pas suffisant. Il faut absolument que l’ensemble des problèmes que les quartiers populaires rencontrent aujourd’hui devienne une cause nationale. Il ne faut pas se le cacher, si rien n’est fait, on ne sait ce qui peut se passer demain tant l’exaspération est grande. Nous ne sommes pas du bétail, nous sommes des êtres humains et nous avons le droit d’être heureux. Nous ne demandons qu’une chose un droit commun ni plus ni moins.
Il faut être conscients qu’ils ne feront rien pour nous, c’est pour cela qu’il nous faut rester mobilisés. Il nous faut être capables de faire le pas, « de traverser le trottoir » pour dire qu’on ne veut plus de ça. Il nous faut intervenir différemment, intelligemment, à notre façon et non pas à la manière qu’ils attendent, c’est à dire que cela dégénère. Ne tombons pas dans certains travers qui leur rendraient service, soyons dignes comme la famille d’Hakim l’a été jusqu’au bout, comme les autres familles qui ont connu les mêmes drames. Restons mobilisés pour que la justice soit faite. Et avec ces affaires qui ne vont pas jusqu’au bout les familles ont du mal à faire leur deuil.
On est venus de Paris, où d’ailleurs en ce moment se déroule à la fontaine des Innocents un rassemblement de solidarité avec ce qui se passe ici. Une solidarité qu’il faut continuer à construire. Restons mobilisés.
(Propos recueillis par Y.M. & A.V.)
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