Forum du 20 janvier 2012 à Grasse Intervention de Dorsaf, membre du Comité de soutien à Hakim Ajimi
Forum du 20 janvier 2012 à Grasse : Intervention de Dorsaf, membre du Comité de soutien à Hakim Ajimi
(Propos recueillis par Y.M. & A.V.)
Ce lundi s’est ouvert ce qu’il convient d’appeler le procès des agents de police mis en cause dans la mort d’Hakim, et j’insiste sur ce point parce que ce n’est pas le procès d’Hakim Ajimi comme il est souvent faussement dit. Lundi, à notre arrivée au tribunal, on a eu l’impression de nous trouver au commissariat de police tant le dispositif policier était important, et je ne parle pas là des agents de police venus soutenir leurs collègues.
Dès le début, en préambule, lundi, le président Franck Robail, s’adressant aux policiers, s’est laissé aller à déclarer : « Nous ne faisons pas le même métier, mais pas loin ». Le ton était donné.
En dehors de ces remarques, ce qui était intéressant lundi, c’est que l’on a entendu, à la demande de la défense, le formateur des formateurs en Ecole de police. Il est venu nous expliquer ce qui était enseigné en Ecole de police, mais aussi ce qu’était une clé d’étranglement, mais aussi nous présenter les conditions dans lesquelles elle pouvait être pratiquée. A l’écoute de son exposé qui ne comportait aucune approximation, on peut très vite se rendre compte que les agents de police de la BAC ont commis une erreur, une faute grave. Ils ont mal appliqué cette technique de la clé d’étranglement. Et de plus, ils se sont acharnés. En effet, le formateur nous explique que la pression se compte en secondes (entre deux et cinq secondes), or les agents de police eux-mêmes ont compté en minutes, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, procès-verbal à l’appui. Il nous a été expliqué également que la clé d’étranglement se pratique en état d’urgence, quand la situation est grave. Or, là, ce n’était pas le cas. La clé d’étranglement sert également à maîtriser un individu. Or Hakim était menotté aux mains et aux pieds. Il n’y avait donc plus de raison de maintenir cette clé d’étranglement. Et s’il est nous a été dit que c’est une technique dangereuse tout comme la compression thoracique, alors, les deux en même temps ! ! C’est pourtant le traitement qu’ au à subir Hakim. Sa mort était fatale, il n’y avait pas d’autre issue possible. Pour le formateur la faute ne revient pas à l’Ecole de police, Le formateur a été très clair là-dessus, elle a été commise par des hommes, par des gardiens de la paix qui se sont acharnés sur une personne, un être humain qui était maîtrisé. Si les forces de l’ordre ont le droit de répondre à la force par la force, cela doit se faire de façon proportionnée et dans le cas d’Hakim, ce principe n’a pas été respecté.
Tout au long de cette semaine, nous avons entendu des témoignages effarants : « Nous avons vu le visage d’Hakim Ajimi, il était bleu », bleu pour certains, violet même pour d’autres. Onze personnes ont témoigné en ce sens et pourtant un agent de la police municipale monsieur Jim Manach, a raconté que lorsqu’il avait, avec un collègue, transporté Hakim, il était lourd, mou, inerte cependant il dit n’avoir pas vu son visage. Il en est de même des agents de police qui ont transporté le corps et qui prétendent qu’ils n’ont pas vu le visage d’Hakim et qu’ils ne pouvaient donc pas confirmer si son visage était bleu. Pour ces policiers, Hakim serait-il « l’homme sans visage » ?
Ceci est incroyable, des personnes, des badauds qui ont assisté à la scène disent pourtant qu’ils ont vu Hakim qui demandait de l’air, qui suppliait de pouvoir respirer. Seule réponse des accusés « Il se débattait. On était obligés de maintenir la clé d’étranglement ».
En vérité, Hakim ne se débattait pas, il cherchait simplement son souffle.
Hakim Ajimi n’était pas quelqu’un de violent, les agents de police d’ailleurs reconnaissent qu’il se débattait plus dans l’esprit d’échapper à leur étreinte que pour donner des coups. Mais eux par contre, des coups, ils en donnent !
Sur la base des témoignages, la scène peut être reconstituée : Hakim est à terre, menotté, les jambes entravées également. Comment peut-il fuir dans ces conditions ? Et comment expliquer l’usage prolongé de la clé d’étranglement et l’écrasement de la cage thoracique ? Que pouvaient craindre les policiers ? Que pouvaient-ils redouter dès lors qu’Hakim ne représentait plus aucun danger ? Impossible de fuir, alors se faire mal à lui-même comme il a pu être prétendu ? Comme l’a dit maître De Vita aux policiers : « Vous l’avez protégé pour l’éternité. »
En somme, on voudrait nous faire croire qu’Hakim Ajimi a tué Hakim Ajimi, comme si c’était lui qui s’était tué tout seul. Jeudi, en début de plaidoirie, un avocat des policiers est même allé jusqu’à dire qu’Hakim ne serait pas mort s’il s’était laissé faire.
Quant au procès proprement dit, de l’avis de nous tous, les policiers ont eu droit à une complaisance incroyable de la part de monsieur Franck Robail, le président du tribunal, un traitement auquel n’a pas eu droit le père de la victime, monsieur Boubakeur Ajimi, lorsqu’il parlait de son fils, de la douleur de sa perte, lui s’est fait malmener par ce même président. Dans ces conditions, il était évident qu’il serait difficile d’avoir un procès équitable. Jeudi matin, au cours des plaidoiries des avocats de la défense, nous nous sommes fait carrément insulter. Nous avons alors pris la décision de quitter le tribunal, ce que l’on a fait sur les pas de monsieur Ajimi. Pour les laisser entre eux continuer, sans nous, à établir cette justice à double vitesse. On ne pouvait rester assis, silencieux, à cautionner par notre présence de tels propos qui sont tout à la fois insultants pour la famille, insultants pour les citoyens, et insultants même pour la France qui se veut le pays des Droits de l’Homme. Aujourd’hui, on devrait être fier de l’Etat français et on a honte de cette justice. Pour notre part, il était hors de question de continuer à participer à cette mascarade.
De pareilles situations, ce n’est pas normal. Il faut que cela cesse et ce n’est pas en restant les bras croisés ou en restant assis à commenter les événements dans les salons que l’on fera bouger les choses. Aujourd’hui, le combat n’est pas fini, même si hier pendant la manifestation improvisée qui a fait le tour de Grasse le commandant de la police exprimait son incompréhension à notre égard en disant « Ils ont eu droit à un procès, et ils continuent à manifester ».
Et bien non, pour nous ce n’est pas fini. On n’est pas dupes. Dès le départ, on savait que le procès n’allait être qu’une étape. On était sans trop d’illusions pourtant je vais vous l’avouer : au moment où le procureur a fait remarquer aux policiers qu’ils étaient allés un peu trop loin, qu’il a pointé leur responsabilité et qu’il a prouvé par A + B qu’ils étaient coupables, on a pu avoir quelque espoir… Et puis, il y a eu ses réquisitions qui sont en contradiction complète avec tout ce qu’il avait pu reprocher aux prévenus. Il nous a littéralement coupés en dix. Sursis simple pour les policiers, on est restés abasourdis.
Dans un journal qui relate les réquisitions, on a pu lire dans un article sur la même page en bas « Un voleur condamné à trois ans ferme » ! Réfléchissez ….
Commenter cet article