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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Ensemble! et la lutte contre l'islamophobie (contribution collective)

21 Janvier 2015 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Islamophobie

(ce texte est une contribution collective aux débats d'Ensemble, destinée au bulletin de discussion, et en respectant les contraintes de volume)

 

On observe depuis les attentats des 7, 8 et 9 janvier une nouvelle et préoccupante flambée d'actes islamophobes (hausse de 110% par rapport à janvier dernier). La lutte contre l’islamophobie, qui devrait être un élément permanent de notre politique, prend donc avec ces événements une importance encore plus stratégique.

L’islamophobie enferme les musulman-e-s et de nombreux habitant-e-s des quartiers populaires dans une identité fantasmée où les concepts d’Islam, d’islamisme, de djihadisme, se mélangent voire se confondent. En tant que musulmans présumés, ils/elles ont été sommé-e-s de se démarquer de ces terroristes, comme s’ils/elles étaient naturellement des coupables présumé-es.

Aucune stratégie de rassemblement majoritaire, appuyé sur les luttes de celles et ceux qui subissent les politiques menées en France depuis des décennies, ne peut être envisagée en laissant à l'écart les millions de personnes qui, quel que soit leur rapport personnel à la religion, sont victimes du racisme islamophobe. La stigmatisation qui en résulte de toute une partie de la population divise profondément les catégories populaires, au point d'affaiblir la capacité du mouvement social à rebondir face aux manœuvres du FN, de la droite et du gouvernement. Cette division est mortifère. En effet, aucun investissement massif de ces populations dans les combats qui sont les nôtres, et les concernent au premier chef, ne peut être envisagé si nous ne prenons pas de notre côté à bras le corps la lutte contre l'ensemble des structures racistes de cette société, qui se manifestent par des discriminations, de l'exclusion, mais aussi des violences et des humiliations quotidiennes.

Évidemment, la bataille doit se mener simultanément contre tous les racismes (islamophobie, racisme anti-rroms, antisémitisme, racisme anti-noirs...) en évitant toute hiérarchisation, et en les considérant dans leurs différences spécifiques. Mais force est de constater, alors que l’islamophobie, comme le remarque le dernier rapport de la CNCDH, joue aujourd’hui un rôle central dans l’alimentation des dynamiques racistes, que le mouvement social dans son ensemble a du mal à élaborer une stratégie commune spécifique contre cette forme particulière de racisme.

L'islamophobie est aujourd’hui largement la forme prise, sans totalement le remplacer, par le classique racisme anti-immigrés, anti-algériens, anti-arabes, etc. Elle est d'autant plus un obstacle au rassemblement auquel nous entendons travailler, qu'elle est un élément du discours dominant qui imprègne de large secteurs de la gauche, et est ressentie comme telle, même à notre corps défendant, par les intéressé-e-s. Or, la rupture, souvent décrite entre « la gauche et les quartiers populaires » est un processus de longue haleine dans lequel nous risquons d’être emportés, d'une manière qui sera irréversible si nous n'apparaissons pas comme ceux qui combattent sans relâche, d'une manière permanente et intransigeante, ces phénomènes qui empoisonnent injustement la vie de millions de gens. Nous ne pouvons pas tergiverser. Il en va de l'aptitude même que nous aurons à être entendus sur tout le reste de notre discours.

Il faut bien prendre en considération le fait, particulièrement notable dans la jeunesse des quartiers populaires, du retrait, voire du dégoût à l'égard de la politique en général et de la gauche en particulier, liés à une succession de déceptions autant qu'au sentiment d'exclusion sociale et politique, à l'impossibilité de se construire une identité qui ne soit pas spécifique. Dans la dénonciation permanente de l'islamisme, confondu avec l'islam lui-même, gît le risque d'une prophétie auto-réalisatrice. Il en résulte la nécessité pour nous d'accorder la plus grande attention à notre vocabulaire, et de sortir d'un type d'intervention politique en extériorité, dans lequel tendrait à s'établir une relation simplement pédagogique/paternaliste voire suspicieuse, qui a trop souvent et trop longtemps caractérisé l'attitude de la gauche à l'égard de ces populations. Celles-ci, et en particulier leur jeunesse, ont un cruel besoin d'affirmation et de dignité, qui se manifeste entre autres à travers l’affirmation d’une identité musulmane. C’est un besoin que nous devons non seulement comprendre et respecter, mais apprécier dans ce qu'il peut avoir de positif au-delà des contradictions pouvant exister. Nous ne pouvons pas parler abstraitement d'émancipation, et négliger les volontés d'émancipation qui s'expriment là où elles s'expriment et comme elles s'expriment.

La nécessaire lutte contre l'islamophobie est donc une condition incontournable pour être entendu-e-s par les personnes concernées. Elle suppose :

* Que tous les actes et les propos publics islamophobes fassent l'objet de notre part de dénonciations circonstanciées ;

* Que nous nous attachions à rencontrer les principales organisations qui font de cette lutte le centre de leur activité ;

* Que nous participions à toutes les initiatives unitaires et mobilisations de lutte contre l'islamophobie ;

* Que nous engagions des discussions avec le mouvement social, à commencer par le FdG, pour une réaction unitaire la plus large possible (tribunes, réunions publiques, manifestations unitaires)

* Que nous prêtions une grande attention au vocabulaire que nous utilisons ;

* Que la question de l'islamophobie fasse l'objet de dispositions spécifiques de nos textes tant programmatiques que stratégiques, en particulier de ceux qui doivent sortir de notre Assemblée constitutive, qui devrait même prendre une résolution sur ce sujet d'importance politique majeure.

D'une façon générale, nous devons mettre en œuvre les propositions qui ont déjà été faites d'organiser au plus vite, une réflexion collective sur l'ensemble des déclinaisons du racisme. Dans un contexte complexe qui est celui de tous les dangers, ce sont des conditions à la mise en œuvre de notre stratégie de rassemblement majoritaire et d'avancées dans les combats pour l'émancipation.

 

Alima Boumediene-Thiery (Argenteuil-Bezons), Gregory Bekhtari (Paris 10e), Farid Bennaï (Athis-Mons), Capucine Larzillière (Montreuil), Laurent Lévy (Paris 20e), Laurent Sorel (Paris 20e)

 

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