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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Dossier Algérie : Marcel Manville : Parcours d’un militant du MRAP (YLM)

21 Mars 2012 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Colonisation, #Algérie (1830-1962), #MRAP

Dossier : Cinquantième anniversaire des accords d’Evian et de la fin de la guerre d’Algérie

Marcel Manville : Parcours d’un militant du MRAP

Par YLM

 

Marcel Manville (1922-1998) a été surnommé ‘’l’Avocat militant’’ parce qu’il n’a jamais séparé sa profession, qu’il aimait avec passion, des causes qu’il défendait par ailleurs. Son talent d’avocat, il l’a avant tout consacré à la défense d’autres militants, ‘’à tous les coins du monde’’ selon l’expression de Frantz Fanon, militants ou bien simples victimes des maux contre lesquels il s’est dressé.

 

Ces maux c’était le racisme, le colonialisme, l’impérialisme. Et les clients de Marcel Manville, c’étaient, pour la plupart, des Algériens, des Antillais, des Palestiniens, et aussi des Africains vivant sous les dictatures mises en place par les ex-pouvoirs coloniaux (ce qu’on a appelé le ‘’néo-colonialisme’’).

 

Et ce combat militant et internationaliste, Marcel Manville l’a mené jusqu’à la dernière minute de sa vie, dernière minute qui s’est déroulé (2 décembre 1998) au Palais de Justice de Paris, devant la Chambre d’accusation où, aux côtés de Nicole Dreyfus, il introduisait la plainte contre X visant les responsables du massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961 à Paris.

 

manville2.jpgC’était la conclusion fulgurante d’un parcours qui commence un demi-siècle auparavant, quand Marcel Manville s’embarque en Martinique sur les navires américains et rejoint à l’âge de 22 ans les forces françaises libres. Il participe ainsi au débarquement du 15 août 1944 en Provence puis à la campagne de 1ère armée française dans l’est de la France, notamment à la bataille d’Alsace lors de la fameuse contre-offensive allemande de l’hiver 44. Il y reçoit la croix de guerre. A noter qu’il a combattu alors aux côtés d’autres Antillais notamment Frantz Fanon qu’il devait retrouver plus tard dans la révolution algérienne. C’est aussi au cours de cette campagne militaire qu’il découvre (à travers des incidents rappelant ceux décrits par le film ‘’Indigènes’’) ce qu’est le racisme, au sein même de l’armée française, ce qui l’amène à donner un nouveau sens, plus idéologique, plus internationaliste aussi, à ce premier combat initialement purement patriotique. 

Lutter contre le racisme, c’est aussi le sens de son engagement au MRAP dont il sera l’un des membres fondateurs en 1949.

Ses convictions le conduisent également à s’approcher, peu après la guerre, des anticolonialistes français et notamment du parti communiste français qui mène la lutte contre la guerre d’Indochine puis contre la guerre d’Algérie. Il fait partie du collectif d’avocats qui prend en charge la défense des militants algériens détenus. Louisa Higilariz dans son témoignage autobiographique recueilli par Anne Nivat (‘’l’Algérienne’’) évoque le style de Marcel Manville, style fait à la fois de décontraction, de solidarité fraternelle, de détermination. Le renom de l’avocat-militant attire l’attention des tueurs de l’OAS qui le ciblent dans un attentat à la bombe à son domicile parisien. D’autres personnalités sont visées ces mêmes jours par la terreur fasciste.

 

Il participe à l’organisation de la première conférence internationale sur la Palestine à Paris en 1966. La solidarité avec la Palestine sera un point fort de son action militante internationale qui lui fera croiser le chemin d’autres grands militants anticolonialistes comme Henri Curiel. Il sera aussi l’avocat du représentant de l’OLP à Paris Mahmoud El Hamchari, assassiné par un commando israélien à Paris en décembre 1972. Marcel Manville prend garde de ne jamais séparer ce combat de celui parallèle et complémentaire contre toutes les réminiscences de l’antisémitisme dont certaines trouvent de faux prétextes dans la politique d’agression permanente conduite par l’Etat d’Israël.

 

Dans la troisième partie de sa vie, à l’âge de 50 ans passés, il retourne vivre dans son pays natal, la Martinique, et participe à la reconstruction de l’identité nationale de l’île ainsi que de l’île-sœur de la Guadeloupe. Il va poursuivre cette action de fond sur quatre plans :

  • l’analyse et la dénonciation du colonialisme, sous les formes nouvelles ou masquées qu’elles prennent aux Antilles ;

  • la lutte contre l’isolement des Antilles départementalisées par rapport aux autres îles caraïbes et notamment à Haïti ;

  • le combat pour la mémoire de la traite et de l’esclavage (et le dernier discours –décembre 98 de Marcel Manville, à Lisbonne, dans le cadre d’une conférence de l’Unesco, est une contribution majeure à ce devoir de mémoire et à sa signification militante, tout comme‘’le procès de Christophe Colomb’’, mémorable contre-pied à la célébration du cinq centième anniversaire du héros espagnol).

  • enfin la redécouverte aux Antilles, où elle restait ignorée, de l’œuvre et de la vie de Frantz Fanon, le ‘’héros-silex’’ de la révolution algérienne et du flamboyant et fameux livre ‘’les damnés de la terre’’. Ce sera le ‘’Mémorial Fanon’’ et la création du Cercle Frantz Fanon qui restera à la pointe de l’action anticolonialiste aux Antilles et à Paris.

 

C’est aussi dans cet esprit fanonien que Manville n’oubliera jamais le lien noué dans le sang avec l’Algérie et, on l’a vu, ses derniers mots sont pour l’Algérie et les victimes d’octobre 61. Et on verra aux obsèques de l’avocat militant, dans sa ville natale de Trinité, côte à côte dans les rangs de la foule, les drapeaux de Martinique, de Guadeloupe, de Palestine, de France et d’Algérie.

 

 

 

 



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