Dossier Algérie : Aux temps bénis du nationalisme arabe (René Naba)
Dossier -Cinquantième anniversaire des accords d'Evian et de la fin de la guerre d'Algérie
Aux temps bénis du nationalisme arabe.
Par René Naba, journaliste écrivain, ancien responsable du TiersMonde arabo-musulman au service diplomatique de l’AFP à Paris, ancien conseiller du directeur général de Radio Monte-Carlo Moyen-Orient, chargé de l’information
Suite aux attentats de Toulouse et de Montauban, cette version réactualisée annule et remplace la précédente publiée le 19 mars
Il arrive que l’on aime les Algériens, mais certainement pas pour leur caractère. Plus sûrement pour leur douloureuse et glorieuse histoire, leur guerre de Libération nationale, l’une des rares victorieuses avec celle menées par le mouvement nassérien du FLOSY du Sud Yémen de Abdel Kawi Makkawi contre le protectorat britannique d'Aden.
C’était l'époque heureuse où un chrétien palestinien Georges Habbache faisait le coup de feu avec un musulman yéménite contre leur ennemi commun, le colonialisme occidental.
L'époque heureuse où Nasser l'Egyptien était la cible d'une expédition punitive de la part des puissances coloniales de l'époque, la France et la Grande Bretagne, avec le soutien de leur créature, Israël, pour avoir porté aide à ses frères d'armes algériens en lutte pour leur indépendance.
Les choses étaient claires: bloc contre bloc, frontalement. Nasser et Boumediene, au nationalisme fier et ombrageux, des dirigeants pleins de tenue et de retenue, imposant le respect à leurs adversaires.
Les temps ont changé. A leur place désormais trônent des obèses autocrates générés par les lubrifiantes pétromonarchies.
Signe de la modernité arabe, c'est à dire de l'aliénation mentale des Arabes, les pétro-monarques et les Occidentaux se liguent, de nos jours, contre un pays arabe au nom de la modernité et de la démocratie, drôle d'alliance de régimes rétrogrades avec le protecteur d'Israël. De grands pays arabes sunnites et Israël se liguent pour imposer le blocus de Gaza, le dernier ersatz de la Palestine combattante.....au nom de "l'Islam des lumières"....un Islam des lumières forgé par des obscurantistes pour la promotion de leurs intérêts de clan et de survie dynastique.
Quelle était pourtant belle cette prodigieuse décennie de diplomatie multilatérale initiée par le tandem Boumediene-Bouteflika (1970-1980), marquée par le débarquement de Yasser Arafat à l’ONU (1974), la propulsion du nouvel ordre mondial de l’information, l’accord frontalier irako iranien (1975), le dénouement de la prise d’otages de l’OPEP menée par Carlos (1976), et la libération des otages de l’ambassade américaine de Téhéran (1989).
Belle, mobilisatrice et créatrice, dans les deux versants du monde arabe, à Alger et Beyrouth, les deux plateformes opérationnelles des mouvements de libération du Tiers monde, dans la décennie 1960-1970, où dans une subtile répartition des rôles, la capitale libanaise abritait, autour de l’OLP, les révolutionnaires de la péninsule arabique et de la Corne de l’Afrique, et l’algérienne, autour des Blacks Panthers, la kyrielle des mouvements du continent africain.
En ces temps-là, le nationalisme arabe faisait sens.
A son actif, il peut légitimement revendiquer la première nationalisation réussie du Tiers monde, le Canal de Suez, la mise en échec de l’agression tripartite contre Nasser, en novembre 1956, l’indépendance du Yémen, l’abolition de la monarchie en Irak et au Yémen du nord, la vague de nationalisation des installations pétrolières en Algérie, en Irak, en Libye, la propulsion enfin de la revendication nationale palestinienne dans les forums internationaux.
Si en Europe, le nationalisme a pu s’identifier, par moments, au chauvinisme, il n’en est pas de même dans le Monde arabe. Antidote à la balkanisation, le nationalisme arabe (al kawmiya al arabiya, qui pourrait se traduire par le patriotisme pan arabe) a marqué- et marque toujours- le dépassement des clivages ethnico-religieux et leur mobilisation contre les adversaires communs du monde arabe.
Il explique, rétrospectivement, l’engagement des premiers baasistes syriens aux côtés des maquisards algériens, particulièrement Noureddine Atassi, futur président de la République syrienne, Youssef Zouayen, futur premier ministre et Ibrahim Makhos, futur ministre des Affaires étrangères. Un combat scellé par solidarité contre un commun adversaire, la France, colonisatrice de l’Algérie et dépeceuse de la Syrie, par détachement du district syrien d‘Alexandrette et son rattachement à la Turquie.
L’Arabie saoudite: Le plus important générateur de djihadistes erratiques
L’Islam politique, c’est à dire l’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques, particulièrement sa branche sunnite, a noyé le combat national dans des conflits sectaires, détournant le combat national de son principal champ de bataille: la Palestine....le portant en Afghanistan à des milliers de km du champ de la confrontation.
Si l’Islam politique a assuré la survie des dynasties décriées, notamment l’Arabie saoudite, la Jordanie, Bahreïn, le Maroc, le Qatar, il a aliéné une large part des amitiés internationales des pays arabes: La Russie avec la guerre d’Afghanistan, l’Inde avec la destruction des Bouddhas de Bamyan en Afghanistan et l’Iran, avec la participation pétro-monarchique au confinement géostratégique de la République islamique iranienne.
Plus grave, l’Islam pétrolier et atlantiste a assuré la pérennité d’Israël par la constitution d’une ceinture d’Etats vassaux à l’Etat hébreu doublée d’un chapelet de bases militaires dans les monarchies arabes, désormais disposant désormais d’une majorité de blocage au sein de la Ligue arabe.
Le dévoiement de la religion a accentué la subordination arabe à l’ordre israélo-américain, sans la moindre contrepartie sur la Palestine, quand bien même l’Arabie saoudite, le meilleur allié arabe des Etats-Unis, aura été l’artisan de deux plans de paix, et, en sa qualité de gardien des Lieux Saints de l’Islam, y compris la Mosquée Al Aqsa, n’aura pu freiner ni la judaïsation rampante de Jérusalem, ni la phagocytose de la Palestine.
Aux temps bénis du nationalisme arabe, un dirigeant arabe pouvait être pieux et patriote et respectés dans le Monde. Pieux sans ostentation, dans la sobriété.
Une femme se livrer à des actions d'exploit sans s'enfermer dans des contraintes vestimentaires, sans pour autant perdre sa dignité et de femme et de citoyenne, telles l'Algérienne Djamila Bouhired ou la Palestinienne Leila Khaled. Sans accompagnateur, sans permission de sortie; mues par le sens du devoir et non par une quelconque fatwa, avec pour Dress Code, la tenue de combat, et, pour tenue de camouflage, non la dissimulation par la Burqa, mais la Keffieh fièrement arborée en guise profession de foi.
Pendant dix ans, (1980-1990),- la période correspondant à l'immobilisation de la Révolution chiite en Iran par la guerre irako-iranienne déclenchée par Saddam Hussein contre le régime khomeiniste et à la fixation de l'URSS en Afghanistan par la guerre des djihadistes du tandem pro américain Taliban+Al Qaïda,- l'Algérie s'est laissée happer par une tourmente infernale, le tribut payé à son rôle moteur dans la revendication d'un nouvel ordre international, avant de plonger dans une phase de cicatrisation décennale.
La convalescence a un temps....différent du temps de la somnolence de la "Princesse au Bois Dormant", un rôle qui ne sied guère d'ailleurs à l’Algérie.
Désinformation et désorientation ont depuis lors affligé le Monde arabe post nationaliste. La désorientation mentale du Monde arabe a d’ailleurs atteint un degré tel que l’on voit la Libye nouvelle libérée par les parrains de l’opposition syrienne destituer une statue de Nasser, pourtant artisan de la première nationalisation victorieuse du Tiers monde; les Fatwas se succéder pour limiter la libido de la femme, révélant, en contrechamps, la pathétique concupiscence de l’homme;
Le Maroc contraindre une post adolescente violée à épouser son violeur, en guise de prime au bourreau dans une tragique métaphore du fait colonial, et, sur les ondes de l’Arabie saoudite, un dignitaire religieux prôner le meurtre d’un dirigeant arabe prioritairement au meurtre d’un israélien, affichant, en toute impunité, une curieuse conception et de la religion et de la dignité de sa fonction;
L’Arabie saoudite, le plus gros générateur de djihadistes erratiques, le principal bailleur de fonds de l’intégrisme et centre mondial de la régression, focaliser sa haine -toute sa haine- contre l’Iran, menaçant de se doter de l’arme atomique en une semaine si ce pays musulman accédait au rang de «puissance du seuil», ignorant la formidable menace de l’arsenal nucléaire israélien qui hypothèque la sécurité de l’ensemble de la sphère arabo musulmane;
La Tunisie, enfin, sous la houlette du parti néo-qatariote d’An-Nahda abriter une manifestation à la gloire d’Oussama Ben Laden, le fondateur du mouvement «Al-Qaïda», la plus formidable machine autodestructrice des Arabes, depuis l’Afghanistan, à 5.000 Km du principal champ de bataille, la Palestine, à l’Irak, contre les Chiites et les Chrétiens, à Damas et Alep, contre les civils innocents, au Nord Liban, sans jamais tirer le moindre pétard mouillé contre l’ennemi officiel du Monde arabe, Israël, à Toulouse et Montauban, enfin, en pleine campagne présidentielle française, exacerbant l’islamophobie européenne
Le détournement mental est tel qu’il importe de revenir sans retard aux fondamentaux du combat politique.
Le Monde arabe n’a pas vocation éternelle à être à la remorque des Etats-Unis, pas plus qu’il ne doit se vivre en état de prosternation continuelle devant la doxa officielle occidentale, ni en état de soumission permanente à l’ordre israélien, tant il s’avère insultant pour l’intelligence arabe de mener perpétuellement une guerre de substitution pour le compte d’autrui
Le plus grand défi qui se pose au Monde arabe est de conjuguer Islam et progressisme et non de provoquer le ralliement d’intellectuels progressistes à un islamisme régressif. A ce titre, la libération du monde arabe passe par la libération de la femme, tant il parait aberrant de songer à se libérer par l’asservissement de la moitié de son univers. Et la Libération de la Palestine par la démocratisation de la Syrie et des autres pays arabes, simultanément à la libération de La Mecque de la pensée atlantiste et wahhabite.
Alors que le Monde arabe est la cible d'une épouvantable offensive visant, avec la complicité des roitelets du Golfe, et à leurs frais avancés, à brader la Palestine par des guerres de dérivation contre les régimes séculiers arabes (Irak, Libye Syrie), il importe de revenir aux fondamentaux du combat politique. Le combat des démocrates et des patriotes contre les falsificateurs, les usurpateurs et les charlatans.
Un rôle à la mesure de l'Algérie, enfin sortie de sa léthargie diplomatique, dont elle devra être à l'avant-garde par la reconstitution d'une alliance Sud-Sud, le développement d'une coopération pan arabe, sa réconciliation à l'Eurasie, c'est à dire les pays sans passifs coloniaux avec les pays arabes... la Chine, la Russie , l'Iran etc. Le groupe de Shanghai, a l'effet d'atteindre une masse critique et de mettre un terme à la marginalisation croissante du monde arabe de la gestion des affaires du Monde.
Ah les temps bénis du nationalisme arabe. Pour preuve de sa charge explosive potentielle: le combat sans relâche mené par les Occidentaux contre ses symboles successifs, Nasser, Arafat, auparavant en Iran Mossadegh.
Retour donc aux fondamentaux du combat politique, qui implique, préalablement, un retour aux principes de gouvernement des premiers temps de l’Islam: Ad dine Lillah wal Watan lal Jamih…. la religion relève de Dieu et la Nation appartient à tous ses citoyens…..lointaine préfiguration du principe de laïcité.
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