Déclaration du MRAP à l'occasion des élections législatives de 2007
1 Janvier 2010 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Politique française, #MRAP, #Repères
Après l’élection de N. Sarkozy à la présidence de la République le 6 mai 2007, les Français vont élire de nouveaux députés, dont la charge sera de voter les lois et d’exercer un contrôle démocratique sur la politique gouvernementale.
Quel bilan tirer de la législature 2002-2007 à majorité de droite dans le domaine des droits fondamentaux et des libertés publiques?
Þ Notre société a glissé vers une société du contrôle de tous les citoyens. La droite sortante a soutenu les politiques répressives du ministre de l’Intérieur et du ministre de la Justice. Plus de 20 lois ont été votées sous couvert de sécurité et de prévention de la délinquance : nouveaux délits banalisant la chasse aux jeunes et les contrôles au faciès, procédures judiciaires expéditives (comparution immédiate); plus de pouvoirs au préfet et à la police, au détriment de la justice ; création ou extension de fichiers informatisés. Ainsi le fichier STIC comporte 14 millions de personnes, condamnées, relaxées ou simplement interrogées par la police, mais aussi les victimes et les témoins entendus. On multiplie les places de prison sans perspective de réinsertion, on abuse de la détention préventive.
Un fichier des enfants scolarisés dès l’âge de 3 ans, dit BASE ELEVES, se met en place. Il comprend l’origine ( nationalité, langue ), la situation de famille, le suivi social, le suivi pédagogique et psychologique, qui serait à terme consultable par le maire. L’avis de la CNIL doit toujours être sollicité, mais n’est plus contraignant: les fichiers, transmis par Internet, s’ouvrent à plus d’acteurs au nom du «secret professionnel partagé». L’histoire nous apprend que le fichage constitue toujours un danger potentiel.
Deux lois en 3 ans sur l’entrée et le séjour des étrangers ont durci les conditions en France des étrangers et restreint leurs droits: favoriserl’immigration choisie (les «cerveaux») au détriment de l’immigration «subie» (les conjoint(e)s, les familles rejoignantes), c’est tourner le dos à une politique humaniste, soucieuse du droit à la vie privée et familiale. C’est nier aussi l’apport à notre pays des travailleurs étrangers qui se lèvent tôt, exploités dans des emplois non qualifiés (comme l’entreprise Modeluxe).
En 2006, le nombre de demandeurs d’asile a été divisé par deux, au point que la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France pour son accueil trop restreint des demandeurs d’asile aux frontières. Pour multiplier les expulsions, il a été mis en œuvre une chasse aux personnes sans papiers jamais atteinte – chasse à l’enfant, à l’étudiant, aux amoureux, aux travailleurs – à la sortie des écoles, aux abords des Restos du cœur, dans les transports publics, dans les mairies, au guichet des préfectures: ces procédés sont une atteinte grave aux droits fondamentaux (droit à l’éducation, à la santé, au mariage…) Sont également atteintes les libertés publiques puisque la loi criminalise la solidarité et que le maire peut créer un fichier des demandes d’hébergement.
En instrumentalisant l’immigration, comme cause de tous les maux, en stigmatisant les quartiers populaires, la droite sortante a usé de la pire démagogie et a tenté d’occulter les carences dans la lutte contre les discriminations et la relégation sociale de pans entiers des grandes villes. On justifie ainsi les descentes de police médiatisées, les provocations de hauts personnages de l‘Etat par l’emploi délibéré d’un vocabulaire d’un violent mépris: racaille, karcher. Cette politique s’est révélée inefficace à juguler l’insécurité et même dangereuse, car elle ne peut engendrer que plus de frustrations et de violences. Elle s’oppose à l’intégration des étrangers en multipliant les obstacles à un travail légal, même dans des domaines où il existe un besoin économique (bâtiment, restauration, industries agro-alimentaires, aides à la personne).
Le nouveau président a annoncé pendant sa campagne de nouvelles lois restrictives contre les étrangers, mais aussi répressives contre tout citoyen. La création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale vise des populations qui vivent sereinement leur citoyenneté et qui sont ainsi présentées comme mettant en péril l’identité nationale. Prétendre choisir entre « qui est le bienvenu sur notre territoire et qui n’est pas souhaité» heurte la conscience de nombre de citoyens, de toute opinion politique ou philosophique. La France doit refuser un populisme sans scrupules, xénophobe et anti-immigrés.
Le MRAP, à l’heure d’un choix politique décisif pour les 5 années à venir, entend rappeler que l’on ne construit pas une société en spéculant sur les peurs, l’exclusion ou la stigmatisation. Il demande un engagement fort aux députés qui devront porter les valeurs qui caractérisent la République et les revendications fondamentales en matière de droits de la personne humaine, en prenant des mesures fortes:- l’abrogation des lois sécuritaires, une politique de prévention et de réinsertion à l’égard des délinquants,une société de liberté et de justice sereine pour tous;
une lutte active et déterminée contre les discriminations: travail, logement, loisir.... la reconnaissance de la pleine citoyenneté des Gens du voyage: circulation, stationnement, droit de vote- la fin des expulsions, le retour des expulsés et une régularisation globale des personnes sans papiers: l’Espagne et de l’Italie ont su prendre des mesures courageuses - l’adoption d’une législation respectueuse des droits fondamentaux de tous les étrangers (droit au travail, droits de l’enfant, droit à la santé, droit de vivre en famille…), un véritable droit d’asile, et la reconnaissance immédiate du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales et européennes - l’élaboration d’un travail sans tabou sur l’histoire de la France, qui permette une conciliation des mémoires plurielles pour une Histoire partagée par tous - des interventions fortes en faveur de la paix, tant au Proche Orient que dans les conflits fratricides ou génocidaires qui ensanglantent le monde, notamment au Darfour - une révision de la politique française d’intervention militaire et de ventes d’armes aux régimes dictatoriaux ou pratiquant des politiques de discrimination envers une partie de leur population en raison de leur origine, de leur langue ou de leur religion - l’impulsion d’une autre politique économique,des rapports Nord/Sud équitables, notamment en matière de prix des matière premières, et l’abolition de la dette;
C’est pourquoi le MRAP appelle à voter pour des candidats dont le programme respecte ces valeurs.
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