« Il y a dans ce pays des hommes et des femmes intellectuellement courageux. Mme Monique Canto-Sperber, directrice de l’Ecole normale supérieure, en est un exemple. Elle a annulé un scandaleux colloque-débat (il faut mettre beaucoup de guillemets au mot de “débat”) qui devait avoir lieu à cette Ecole le 18 janvier [avec le résistant, déporté et ancien diplomate Stéphane Hessel]. Valérie Pécresse, ministre des universités, ainsi que le rectorat de l’Université de Paris, que nous avons contactés en urgence, ont réagi sans ambiguïté : je leur rends hommage, ainsi qu’à Claude Cohen-Tanoudji, Prix Nobel de physique, Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkraut. »
Ces lignes, écrites en janvier dernier par M. Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), ont mis le feu aux poudres : non seulement celui qui prétend parler au nom de l’ensemble des Juifs de France se réjouissait bruyamment de cette interdiction, mais il la signait crânement, « mouillant » avec lui une ministre et trois intellectuels renommés.
A l’exception de Cohen-Tanoudji, les personnalités invoquées nièrent avoir demandé cette interdiction. Même le secrétaire d’Etat Pierre Lellouche, pourtant fervent soutien d’Israël, déplora cette démarche « contre-productive » du CRIF, comme « toute entrave à la liberté d’expression ». Et la censure, comme souvent, se retourna contre les censeurs : au lieu des cent cinquante participants attendus rue d’Ulm, mille cinq cents personnes se retrouvèrent à l’heure dite, place du Panthéon, pour un rassemblement improvisé en faveur de la défense des libertés.
« Tribunal dînatoire »
Bien davantage qu’une simple bavure, l’anecdote signale une radicalisation dont les prémices remontent au début des années 2000, sous l’effet conjugué de trois facteurs. D’abord, l’échec des négociations israélo-palestiniennes lors du sommet de Camp David, aux Etats-Unis, en juillet 2000, qui sonne le glas du « processus de paix » d’Oslo. Alors premier ministre (...)
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