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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Après l'émotion, dépasser le traumatisme et s'interroger pour mieux répondre à la situation (MRAP Menton)

31 Janvier 2015 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Politique française, #MRAP expressions plurielles

APRES L’EMOTION, DEPASSER LE TRAUMATISME ET S’INTERROGER POUR MIEUX REPONDRE A LA SITUATION

 

Comme cela se produit toujours en pareille circonstance dramatique le temps de la réflexion succède nécessairement  à l’expression d’une émotion largement partagée condamnant des actes aussi horribles qu’inexcusables.

 

En préalable à cette indispensable réflexion, il demeure pour nous prioritaire de :

  - dénoncer toutes les dérives radicales de djihadistes qui ont pris en otage l’islam et qui ne se soucient aucunement des répercussions de leurs actes criminels sur l’immense majorité des musulmans ou supposés tels;

 - réaffirmer solennellement notre  opposition à toute stigmatisation des musulmans et à tout amalgame entre islam /islamisme  et islam / terrorisme,

 -  refuser toute essentialisation ou assignation identitaire alors même que la population musulmane ou de culture musulmane est caractérisée, en France comme ailleurs, par son hétérogénéité que ce soit au niveau religieux, culturel, économique, politique ou social …

 - cesser de renvoyer les « musulmans » à un prétendu communautarisme alors que dans le même temps l’on persiste dans l’erreur de leur demander de condamner les attentats et de façon paradoxale  de se  déterminer  en pareils cas  « en tant que » musulmans

 

En direction des  politiques en charge ou non des affaires du pays,  il est  de  leur responsabilité  de :

- combattre le développement d’une l’islamophobie  d’Etat qui ne peut que favoriser le développement de tous les racismes. 

-  mettre en garde contre toute tentative de récupération politicienne en dénonçant les surenchères quels qu’en soient les auteurs et en condamnant les termes excessifs , celui de « guerre » par exemple, ou de propos ou d’attitudes blessants ou injurieux qui participent à une redoutable détérioration de la situation,

Enfin il est important de rappeler que la grande majorité des victimes des djihadistes, que l’on compte en dizaines de milliers de morts,  sont les musulmans eux-mêmes comme le montrent les événements au Pakistan, les massacres en Irak et en Syrie ou les agissements de Boko Haram.

 

Au delà de ces observations si l’on veut répondre au mieux aux défis que lancent les djihadistes  et comprendre les raisons d’une radicalisation aussi extrême -et sans pour autant justifier en quoi que ce soit leurs agissements criminels-, on ne peut faire l’impasse sur l’analyse des causes historiques que sont de façon non exhaustive :

 -la colonisation occidentale dont les effets à l’encontre des peuples dominés sont toujours à l’œuvre

- l’appui constant aux régimes arabes laïques ou religieux qui ont toujours réprimé toute revendication démocratique

 -le financement et la manipulation plus près de nous de groupes djihadistes dans la guerre contre le communisme,

- les guerres du Golfe de 1991 et de 2003

 

Il nous faut également ne pas sous-estimer :

  - les dégâts que provoque sous nos yeux la politique extérieure de la France et les conséquences désastreuses de ses aventures impériales (notons simplement l’intervention en Libye qui à ce niveau est caricaturale)

- Les effets d’un déséquilibre total de la politique française dans le conflit israélo-palestinien, et le soutien à Israël apporté par le président de la République  française lors de l’agression contre Gaza l’été dernier.

Enfin, pour donner plus de crédibilité à ses prises de position, il est temps que le gouvernement procède à une nécessaire clarification et sorte de l’ambiguïté que représente à la fois la poursuite des relations amicales avec l’Arabie Séoudite et le wahabisme qui finance et appuie les groupes religieux les plus radicaux et extrémistes comme le font  chacune à leur façon l’ensemble des monarchies du Golfe. La présence à la marche parisienne des représentants de ces monarchies et de chefs d’Etats ou de gouvernements mais aussi de responsables politiques français qui n’ont que faire de la liberté d’expression et des droits de l’homme montre les limites d’un unanimisme que nous devons interroger.

En France même, l’urgence de mesures concrètes s’impose, le développement  de l’islamisme politique et des réseaux djihadistes interpelle directement les politiques ou plutôt l’absence de politique véritable en direction de jeunes qui, mis dans l’impossibilité de se réaliser, vont se trouver livrés aux islamistes dont ils subissent l’endoctrinement alimentant des phénomènes sectaires qu’il nous faut également étudier en tant que tels. 

 

Signe avant-coureur d’un malaise d’une extrême gravité, véritable coup de semonce, les révoltes de 2005 n’ont donné lieu à aucune réponse ni mesure sérieuse et ont été traitées par le mépris et la répression.

Depuis,  on a même assisté  à la quasi mise entre parenthèses du terme d’EGALITE qui dans ces situations aurait dû être un élément essentiel du triptyque républicain et qui est un élément essentiel qui permet de se reconnaître dans une véritable citoyenneté. Pourtant, comme déjà en 1983 lors de la Marche, c’était bel et bien une revendication d’égalité de traitement qui s’exprimait lors de ces révoltes.

Redonner sens à l’égalité, c’est  surtout lui redonner consistance dans le logement, l’emploi, les droits politiques  mais c’est surtout dans le domaine scolaire que le déficit de l’action de l’Etat est le plus lourd de conséquences.

Pour nous la question d’éducation représente un axe majeur. La proposition de la ministre de l’Education nationale de faire porter une blouse aux élèves dans un souci d’égalité, est quelque peu affligeante et loin de répondre aux défis. Plus désolante encore est sa déclaration devant l’Assemblée nationale « Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves ».

L’éducation demande des réponses d’une toute autre nature tant du point de vue de la définition des priorités, de l’encadrement des jeunes, des moyens financiers et en personnel pour lutter contre les situations d’échec, la marginalisation, la relégation.

Plus largement, c’est l’accès à la culture qui est en jeu en dehors de toute volonté de domination ou de hiérarchisation mais bien dans un souci de partage et de reconnaissance.

 

Outre ces revendications, il est également de notre devoir d’interroger les (dys)fonctionnements d’institutions comme la police et la justice  auxquels les jeunes peuvent être confrontés et qui sont souvent plus soucieuses de répondre à  l’instrumentalisation du besoin de sécurité qu’à une démarche pédagogique de prévention et de responsabilisation.

Le nombre de meurtres (par des policiers) de jeunes des quartiers populaires qui se sont soldés par des non-lieux  explique sans aucun doute la perte de crédit de ces institutions aux yeux de nombreux jeunes.

L’égalité ne peut se concevoir sans la reconnaissance de la dignité de tous –élément nécessaire pour redonner espoir et cohésion à une société qui ne peut se satisfaire de l’exclusion et de la stigmatisation de ses membres les plus fragilisés.  Il nous faut agir pour combler le fossé et  ne plus accepter le divorce entre principes et réalité sous peine de voir le discrédit porté  sur des principes toujours affirmés mais bien souvent bafoués. C’est le moyen le plus sûr de rétablir la confiance dans les institutions.

 

S’il est vrai que c’est dans les périodes les plus dures que se révèlent les ressorts les plus secrets d’une société, c’est également en ces temps que céder à l’unanimisme ambiant peut engendrer de réels dangers à venir.

Dans ces périodes, les mots sont à manier avec précaution car les mots peuvent se révéler être autant de bombes véritables d’autant que la prudence dans les propos n’exclut ni la diversité ni la fermeté des opinions.

 

A nous de rester vigilants, actifs, déterminés à lutter contre tous les racismes et les préjugés et à œuvrer à la mise en place d’une pédagogie qui évite de soumettre tout musulman ou toute personne supposée telle à des injonctions qui ne peuvent que le blesser inutilement.

A nous de rester vigilants, actifs et déterminés et à ne pas nous laisser griser par la mise en scène d’une unité nationale qui  peut se révéler porteuse de dangers plus grands encore. Il en est ainsi des propositions liberticides ou  de l’instrumentalisation de l’unité nationale par le président Hollande lorsqu’il appelle à la signature d’un accord syndicats-patronat  dont on connaît  trop bien ceux qui en tireront bénéfice.

Unité nationale qui peut se révéler inquiétante dès lors qu’elle entretient sciemment des clivages et des stigmatisations et finit par (dé)-raisonner en termes de civilisations et de guerres de civilisations.

Plus qu’en appeler à l’unité nationale, il s’agit de fabriquer du commun à partir de la diversité et là ce sont des approches fondamentalement différentes.

 

Rien ne sera plus comme avant –ajoutons pour le meilleur comme pour le pire- et le pire serait de continuer de faire une lecture racialisante de la société française et de se satisfaire d’un antiracisme compassionnel  en lieu et place d’un antiracisme politique.

Bureau du MRAP Menton- Le 20 janvier 2015

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