Après l’admission de la Palestine à l’UNESCO
« La conférence générale a voté l’adoption de la résolution et décide d’admettre la Palestine comme membre de l’Unesco » .
C’est en ces termes que Irina Bokova, la directrice générale de l’UNESCO a annoncé le résultat du vote sur la demande d’admission présentée par la Palestine, avant de poursuivre
« Je voudrais rappeler à tout le monde le rôle des membres de l’UNESCO qui est de s’engager à dépasser leurs divisions et leurs différences pour construire un avenir meilleur pour nos enfants, un avenir de paix et de prospérité ».
Ainsi, malgré les pressions des Etats-Unis qui, dès le résultat du vote, ont mis à exécution leur menace de geler leur participation financière à l’UNESCO –suspension du versement de 60 millions de dollars qu’ils devaient effectuer sur une contribution totale de 170 millions de dollars,- ce sont pourtant 107 Etats qui ont voté en faveur de l’admission de la Palestine, 14 ont voté contre (dont l’Allemagne et les Pays-Bas), 52 autres pays s’étant abstenus.
Le résultat de ce vote prouve à l’évidence :
-
la perte d’influence et de prestige des Etats-Unis, de plus en plus contestés et qui n’arrivent plus à imposer leur point de vue même à leurs alliés et qui, après le discours de Barack Obama en septembre à l’ONU, semblent vouloir éviter de s’impliquer, estimant que seule une négociation directe entre Palestiniens et Israël serait de nature à débloquer la situation.
-
Les divisions européennes, les dissensions et l’incapacité de l’Europe à jouer un rôle politique international à la mesure de son poids économique et non seulement celui de financeur des infrastructures palestiniennes dans le même temps où elle se refuse à mettre en cause l’accord d’association avec Israël, accord préférentiel qui représente pour Israël une aide économique de premier plan … ! Madame Ashton, haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Europe, qui avait fait campagne contre l’admission, se soumettant en la circonstance aux injonctions étasuniennes, a échoué à faire parler l’Europe d’une seule voix. Et son désaveu n’est que la marque de l’impuissance de l’Europe.
Au-delà de ces constations, ce résultat représente une victoire de grande importance pour les Palestiniens car, plus que d’une reconnaissance, il s’agit là d’une admission à une agence de l’ONU – les organisations internationales n’ont en effet pas la capacité à reconnaître les Etats mais simplement à les accueillir en leur sein. Seule l’auto-proclamation de l’Etat lui donne sa véritable existence, une auto-proclamation qui nécessite ensuite la reconnaissance par le plus grand nombre d’Etats. A noter qu’actuellement la Palestine a 128 ambassades de par le monde et 28 missions diplomatiques…une représentation diplomatique supérieure à celle d’Israël qui n’est pas reconnu par les pays arabes excepté l’Egypte, la Jordanie et …l’Autorité palestinienne, (leur reconnaissance d’Israël restant conditionnée à la création d’un Etat palestinien comme le préconisait l’initiative de paix de la Ligue arabe de 2002).
Même si des esprits chagrins font remarquer que cette admission à l’UNESCO ne fait pas de la Palestine un Etat, si les mêmes souvent objectent que la chronologie est inversée – une reconnaissance comme Etat membre de l’ONU devant logiquement précéder une admission à l’UNESCO (mais comme le fait remarquer Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO, l’Allemagne est devenue membre de l’ONU 24 ans après son admission à l’UNESCO), néanmoins malgré ces commentaires qui visent à minimiser la portée de cet événement, l’admission de la Palestine n’est pas seulement symbolique, sinon comment expliquer l’acharnement mis par les Etats-Unis et Israël pour faire échouer la demande palestinienne.
Quant à la réaction du gouvernement israélien qui a immédiatement décidé de lancer un programme de construction de 2000 logements majoritairement à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville, loin d’une réaction de mauvaise humeur ou de dépit, elle n’est qu’un prétexte à poursuivre une colonisation qui n’a jamais cessé, tendance lourde de la politique israélienne qui n’a à aucun moment été remise en cause même durant les négociations, pendant et depuis Oslo.
De l’avis général cependant
-
l’entrée de la Palestine à l’UNESCO représente une réelle avancée qui dépasse largement le cadre des questions d’éducation ou de préservation du patrimoine culturel, elle est le prélude logique à son admission dans d’autres agences dépendant de l’ONU,
-
le changement de perception à l’égard de la Palestine est un fait majeur. Il s’agit en l’occurrence d’un véritable changement de statut. Si la Palestine n’est pas encore un Etat à part entière membre de l’ONU, elle n’est plus cependant un territoire. La Palestine est devenue un pays à part entière.
-
Même si son admission à l’ONU, comme Etat membre n’a que peu de chances d’aboutir étant donné le veto annoncé des Etats-Unis au Conseil de sécurité, l’admission de la Palestine à l’UNESCO représente une première étape, une indication précieuse sur le rapport de forces lors de l’Assemblée générale de l’ONU qui devrait conférer à la Palestine un statut d’Etat (pareil à celui du Vatican) lui permettant d’utiliser les ressources de la Cour Pénale Internationale afin de rendre illégale juridiquement l’occupation israélienne.
Sans aucun doute, l’admission de la Palestine à l’UNESCO aura donc des conséquences importantes. Néanmoins cette victoire diplomatique incontestable, certes nécessaire n’est cependant pas suffisante pour changer la situation sur le terrain.
Dans le bras de fer engagé par Israël, avec les représailles annoncées par le gouvernement Netanyahou, (dont la construction de 2000 logements et l’accélération prévisible de la colonisation), la victoire diplomatique des Palestiniens ne peut trouver sa véritable dimension qu’avec, en complément, la volonté du gouvernement palestinien et du président Abbas de soutenir la mobilisation contre l’occupation mais également pour que soient respectés l’ensemble des droits des Palestiniens, y compris le droit au retour des réfugiés.
Aujourd’hui, alors qu’une étape vient d’être franchie, la solidarité internationale doit se manifester de façon encore plus concrète, en particulier au travers d’actions comme la poursuite de missions de solidarité.
Si l’initiative « Un bateau français pour Gaza » a pu être bloquée comme l’a été également la mission 2011 « Bienvenue en Palestine », la mission internationale 2012 qui se propose de réunir 2000 personnes pour se rendre en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées a besoin d’un large soutien comme toute initiative allant dans le sens de la solidarité avec le peuple palestinien.
Commenter cet article