Alain, Albert, Ali et les autres…
Alain, Albert, Ali et les autres…
Selon une thèse martelée dans certains milieux, sur certains médias, il n’y aurait plus, ou presque plus, d’antisémitisme « de droite », ou plus précisément d’extrême-droite. Celui-ci aurait migré « à gauche », ou « au Sud », c’est-à-dire chez les musulmans1.
Les conséquences d’une telle affirmation sont simples pour ses auteurs :
Si l’antisémitisme a disparu, ou presque, à l’extrême-droite, le maintien pour ce motif d’un cordon sanitaire autour de celle-ci ne s’impose plus. Les autres formes de racisme (contre les noirs, les Roms, les musulmans, etc.) sont alors considérées comme de moindre importance et ne constituent pas un obstacle insurmontable à de nouvelles alliances.
D’autant plus que « l’ennemi principal », la « contradiction principale » ont changé. L’antisémitisme qu’il faut combattre n’aurait pas disparu, il se serait déplacé. On le trouverait chez les anti-impérialistes, les alter-mondialistes, les amis des Palestiniens, les musulmans de toute sensibilité.
C’est donc au nom de la lutte contre l’antisémitisme, assimilé à l'islamisme, qu’on justifie de nouvelles connivences avec des personnes ou des mouvements qu’on refusait auparavant de fréquenter2.
Il ne s’agit pas, dans ce qui suit, de nier l’existence d’un antisémitisme « de gauche » (le socialisme des imbéciles, disait Bebel).
D’autre part, la confusion entre juif (une religion, une histoire partagée, une mémoire), israélien (une citoyenneté), sioniste (une idéologie, une pratique) est pratiquée systématiquement par les défenseurs inconditionnels de la politique israélienne.
Il est plus facile de chercher à discréditer les adversaires de cette politique en les accusant d'antisémitisme que de réfuter point par point les critiques.
On rencontre la même confusion chez certains défenseurs de la cause palestinienne. Il y a deux explications possibles : la débilité et l’inculture politique des uns, la manipulation des autres qui recouvrent leur antisémitisme réel d’un vernis « antisioniste ».
Mutadis mutandis, les mêmes contresens existent chez certains « anti-impérialistes », adeptes ou non de complots plus ou moins fantasmés.
Tout cela existe, on ne peut le contester, mais l'antisémitisme traditionnel, historique, appelons-le comme on veut, existe encore. Il ne faut pas l'oublier, et la plupart des sites antisémites en langue française n'ont rien à voir avec l'islam, s'il y a inspiration religieuse, elle est plus souvent catholique ou néopaïenne. Quelques-uns de ces sites ont été évoqués sur ce blog.
Qu'en est-il de l'antisémitisme dit islamiste ?
Examinons deux sites :
http://www.ansar-alhaqq.net/
Il est cité par Marc Knobel3 et effectivement il contient des appels au combat contre les « infidèles ». Consulté le 5 septembre 2013, il n'était plus en ligne le 23.
Son contenu est évoqué dans cet article :
L'antisémitisme sur Internet (12). Conclusion provisoire.
D'autres sites islamistes (c'est-à-dire voulant imposer4, y compris parfois par la violence, un modèle de société inspiré de leur conception de l'islam) en langue française existent. L'antisémitisme qu'on peut y trouver est à prétexte religieux. Dans le système idéologique de Ben Laden et de ses partisans, « juifs et chrétiens » (les « Croisés ») sont voués à la même exécration, qui concerne aussi les chiites, les soufis et tous les musulmans qui ne partagent pas ses idées. Les raisons sont d'abord religieuses, à savoir leur refus de reconnaître Mohammed comme l'envoyé de Dieu pour les premiers, leur façon de comprendre et vivre l'islam pour les seconds.
Il s'agit là d'une forme d'antisémitisme comparable à l'antijudaïsme médiéval : la motivation est religieuse et les Juifs ne sont pas les seuls ennemis dénoncés5.
Islametinfo.
Ce site affirme proposer « l'info par le musulman, pour le musulman ». L'orientation communautaire, voire même communautariste est affirmée d'entrée. Certains articles sont hautement contestables et ce site a parfois été présenté par des commentateurs pressés comme le modèle de ce qui se fait en matière d'antisémitisme islamiste.
Faux islamistes et vrais miltants d'extrême-droite.
Effectivement, par exemple, cet article6 est lourd de sous-entendus négationnistes. Et il ne prend même pas la précaution de condamner l'exhibition, vraie ou fausse7, d'un drapeau nazi. Mais il donne une indication sur l'inspiration des animateurs du site : l'État d'Israël y est mentionné comme « entité sioniste (racialiste et talmudique) ». Actuellement, les références au Talmud8 sont un excellent marqueur pour repérer d'où viennent certains textes.
Islametinfo donne la parole notamment à Albert Ali. Et cela n'a pas échappé à d'autres, comme le site islamiste Alwissal9, qui n'hésite pas en ce qui le concerne à être le porte-voix du mollah Omar10, tout en reprenant des thématiques propres à certains anti-impérialistes, qui n'ont rien à voir avec l'antijudaïsme musulman ou chrétien, comme la dénonciation du « nouvel ordre mondial11 ».
Islametinfo se présente comme un site d'information à destination des musulmans, à la manière de Oumma, Saphirnews et d'autres. Albert Ali, quant à lui, est présenté comme un « musulman souverainiste français ». Il a son propre blog, qui signale des débats avec Alain Escada (de Civitas-Institut, qui affirme que « La France est chrétienne et doit le rester », et qui fut en pointe dans les manifestations contre le mariage entre personnes du même sexe), Laurent Ozon (« l'écolo de Marine Le Pen », viré par elle pour avoir excusé les attentats de Norvège, néo-païen), Frank Abed, etc..
Ces débats ne sont pas des débats d'opposition frontale entre adversaires, à la manière des débats de campagne électorale, mais sont destinés à montrer les convergences. Ils sont organisés notamment par « Égalité et Réconciliation », le micro-parti d'Alain Soral, ami de Dieudonné.
Si on regarde de ce côté, on trouve notamment KontreKulture, une librairie en ligne qui a décidé de rééditer les classiques de l'antisémitisme « souchien ». Ce qui a entraîné une plainte de la LICRA12. Attendons le jugement sur le fond.
Donc, la nécessaire dénonciation de contenus contestables sur les sites se réclamant de l'islam ne peut se faire qu'en distinguant d'une part ceux dont l'inspiration première est religieuse, et dans ce cas là, on peut parler d'un antisémitisme islamiste (pas islamique), d'autre part ceux qui sont d'abord des sites de la droite extrême, et qui ciblent une catégorie particulière de lecteurs. Islametinfo, qui en fait partie, est comparable aux sites qui revendiquent une appartenance catholique pour faire passer le même message politique.
Il est sur le même créneau que Soral et Dieudonné, et la toile tissée par ces deux derniers mérite qu'on s'y attarde. Le danger vient très certainement de ce côté-là, et la désignation d'autres adversaires comme l'ennemi principal risque d'être une erreur lourde de conséquences.
Les embrouilles idéologiques de l’extrême droite (Evelyne Pieiller)
Tarek Sandal.
3 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/03/29/01016-20120329ARTFIG00789-le-djihad-a-portee-de-clics.php
4 Le « salafisme » stricto sensu est le retour aux sources, à la manière de vivre du Prophète de l'islam et de ses compagnons. Il peut avoir deux formes dans les pays où les musulmans sont minoritaires : l'auto-enfermement dans des ghettos communautaires et l'action violente. Certains ont alors employé dans ce dernier cas le terme de « salafisme djihadiste ».
5 Il ne faut pas nier l'antijudaïsme chrétien, mais on doit savoir que musulmans, vaudois, cathares, accusés de sorcellerie étaient également victimes de répression.
6 http://www.islametinfo.fr/2013/05/20/palestine-un-drapeau-nazi-au-dessus-dune-mosquee-provoque-leffroi-des-sionistes-2/
7 Le site JSS a déjà publié des bobards :
« Exclusivité JSSNews : « la piste islamiste ou libyenne plus que probable » pour l’attentat d’Oslo »
8 En dehors bien entendu de celles faites dans le cadre d'études religieuses juives. L'authenticité de certaines références au Talmud par les auteurs qui se proclament « anti-talmudique » est d'ailleurs très contestée.
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