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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Après les décisions de la Cour Pénale Internationale

30 Novembre 2024 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine, #Palestine Gaza

Après les décisions de la Cour Pénale Internationale

Les associations et plus généralement l’ensemble des personnes éprises de paix et de justice mobilisées  pour l’arrêt de la guerre à Gaza ne peuvent qu’être satisfaites  de la décision de la Cour  Pénale Internationale (CPI)  de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou et de son ex-ministre de la défense Yoav Gallant poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza occupée.
Décision prise en dépit des pressions et menaces voilées de l’administration étasunienne dont a fait l’objet la Cour et des tentatives  de délégitimation de la part d Israël accusant la CPI d’antisémitisme……

UN PREMIER PAS ET UN POINT D’APPUI

Cette décision est un premier pas dans la reconnaissance et la condamnation internationale de pratiques barbares de l’armée israélienne répondant aux décisions de son gouvernement et à sa politique souvent qualifiée de génocidaire.
Outre sa force, son impact symbolique n’est pas à négliger. La portée de cette décision montre la justesse du combat de tous ceux qui se mobilisent contre la guerre à Gaza et un camouflet pour nos gouvernants alignés sur les positions pro-israéliennes allant jusqu’à user de l’intimidation et des interdictions de manifester un soutien à la Palestine .

Ces décisions de la CPI représentent un appui important et un encouragement à poursuivre et à élargir les campagnes de soutien à Gaza et pour l’arrêt de la guerre.
Elles marquent sans aucun doute une étape importante dans l’évolution du rapport de force politique et bien évidemment médiatique concernant la perception de la guerre menée par Israël et dans la dénonciation de la politique israélienne.

Enfin ces décisions de la CPI confirment une tendance déjà à l’œuvre depuis un moment, la perte d’ influence des pays occidentaux et une remise en cause du rapport de force entre ces derniers (qui globalement soutiennent sans faille Israël,  même dans sa guerre à Gaza ) et les pays dits du Sud global.

LES LIMITES

Néanmoins, parce que la CPI ne juge que les personnes, ses décisions n’ont aucune incidence sur les rapports d’État à État. En ce sens, les décisions de la CPI ne sont guère en mesure d’infléchir de façon marquante la politique de l’État israélien.

D’autre part, si les décisions de la CPI de délivrer un mandat à l’encontre des prévenus obligent les États signataires à livrer à la justice les personnes visées par le mandat d’arrêt, les possibilités d’échapper à l’éventualité d’une arrestation restent largement ouvertes dès lors que cette obligation ne concerne que les Etats signataires du traité l’instituant – les États-Unis, par exemple, ne le sont pas.
Et si l’Europe, par la voix de son chef de la diplomatie Joseph Borrell affirme que «ces mandats d’arrêt doivent être appliqués par tous les Etats membres de l’UE», la République tchèque, comme l’Italie ne se sont pas privés de critiquer la décision de la CPI concernant Benyamin Netanyahou et la Hongrie de Viktor Orban, défiant la CPI, est allée jusqu’à lancer une invitation au Premier ministre israélien.

L’exemple de Vladimir Poutine, lui aussi visé par un mandat de la CPI, est parlant.
La Russie est sans conteste plus sensible aux sanctions économiques dont elle est l’objet qu’au mandat d’arrêt à l’encontre de son Président.

D’ailleurs, sur place à Gaza, même si les Palestiniens attendaient avec intérêt cette décision, ils restent davantage préoccupés par la poursuite du blocus et des bombardements, par les problèmes de survie, l’accès à la nourriture et à l’eau….

PRENDRE EN COMPTE LES POTENTIELS EFFETS PERVERS

Lucides ou non, pessimistes ou non, des analyses vont même jusqu’à suggérer que la décision de la CPI concernant  Benyamin Netanyahou pouvait le conforter dans son intransigeance . N’ayant plus rien à perdre, il n’aurait plus aucun frein à la poursuite de son entreprise génocidaire, sans compter qu’il est probable qu’il jouera sur le ressort de la victimisation pour mieux rebondir dans les sondages en Israël.

Enfin, si des réactions d’ordre émotionnel engendrées par la décision de la CPI peuvent se comprendre, il est nécessaire d’éviter l’écueil que représenterait la concentration des critiques et du rejet sur  la seule personne de Benyamin Netanyahou en lieu et place de l’État d’Israël.

Ainsi, à l’inverse d’une personnalisation, rappeler que le combat pour la Palestine, contre la colonisation et pour l’arrêt de la guerre doit être dirigé avant tout contre la politique de l’État plutôt que contre un individu.
Il en va de même des critiques souvent très virulentes à l’encontre du Président Joe Biden qui même si elles sont justifiées ne doivent cependant pas effacer la responsabilité des États-Unis et au-delà de tout un système de domination.
De même en France, la mise en cause du Président Macron ne doit pas prendre le pas sur la mise en cause de la France, de son gouvernement pour sa complicité avec Israël.

La vigilance, la responsabilité des associations et des militant-e-s restent essentielles pour éviter l’écueil d’une personnalisation dépolitisante et dégager les responsabilités et culpabilités véritables.
Il n’est pas inutile de rappeler également la nécessité d’une vigilance absolue pour éviter qu’à l’occasion de la décision de la CPI concernant le Premier ministre israélien soit fait l’amalgame entre critique de la violation du droit international et antisémitisme.

POUR UNE CONDAMNATION DE L’ÉTAT D’ISRAËL ET SA POLITIQUE GÉNOCIDAIRE

Les décisions de la CPI, aussi justes, aussi motivées et courageuses qu’elles soient ne concernent que les personnes. La responsabilité des États relève de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui a compétence sur tous les membres de l’ONU. Ainsi donc, seule la CIJ est en mesure de condamner l’État d’Israël, c’est d’ailleurs le sens de la démarche de l’Afrique du Sud qui a saisi la CIJ le 29 décembre 2023, Pretoria pour justifier sa démarche invoquant les droits et devoirs de l’Afrique du Sud de prévenir le génocide et de protéger les Palestiniens de Gaza de la destruction.

Que la France ou les pays de l’UE n’aient pas soutenu la démarche sud-africaine comme l’ont fait certains autres États montre bien le positionnement de nos gouvernants.
Depuis, les ordonnances rendues par cette institution méritent que l’on s’y attarde :
    • celle du 26 janvier 2024 demande à Israël d’empêcher d’éventuels actes de «génocide» et de prendre des mesures immédiates pour permettre la fourniture de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza,
    • celle du 28 mars 2024 demande notamment à Israël de veiller à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
    • celle du 24 mai 2024 demande à Israël d’arrêter immédiatement son offensive militaire à Rafah et de faciliter l’accès à l’aide humanitaire,
.../...
    • celle du 19 juillet 2024 demande à Israël de mettre fin à sa présence illicite en Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza (le fait que la Cisjordanie et Jérusalem-Est soient cités dans cette ordonnance donne sa pleine dimension à la colonisation sur l’ensemble du territoire palestinien).

A noter que le gouvernement israélien n’a respecté aucune des mesures prévues par les ordonnances, sans pour cela s’attirer les condamnations de la France.
Malheureusement, pas plus que la CPI, la CIJ n’a  les moyens de faire respecter ces ordonnances.

SE PRÉVALOIR DE LA JUSTICE INTERNATIONALE  ET SE SUBSTITUER A L’INACTION DE NOS ÉTATS

Cependant, il est du pouvoir et même du devoir des citoyens de s’approprier les ordonnances de la CIJ et de s’appuyer sur la légitimité internationalement reconnue de ces ordonnances pour interpeller leur gouvernement et le contraindre à faire pression sur le gouvernement israélien pour qu’il change de politique sous peine de sanctions :
    • sur le plan économique (avec en priorité la suspension des accords préférentiels de l’UE avec Israël comme le réclame depuis longtemps le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions),
    • sur le plan militaire avec la cessation du commerce des armes, la livraison de matériel et l’arrêt de toute coopération technique dans ce domaine,
    • sur le plan culturel avec la rupture des échanges universitaires et scientifiques,
    • sur le plan politique pouvant aller jusqu’à la suspension des relations diplomatiques et l’isolement du gouvernement israélien.
Dans cet éventail de sanctions possibles, celles qui touchent à l’économie sont certainement les plus efficaces car l’économie d’Israël est déjà très fragilisée (le tendon d’Achille d’Israël comme le confirme la situation actuelle du pays).

ACTIONS DE SOLIDARITÉ – RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE PALESTINE

Éloignes géographiquement du conflit, la solidarité avec le peuple de Gaza est non seulement possible mais nécessaire . Bien entendu, elle peut s’exprimer matériellement, humainement et des initiatives en ce sens se développent, malheureusement entravées par le blocus de Gaza mis en place par le gouvernement israélien en contradiction avec les obligations qui sont les siennes en tant que puissance occupante.

En complémentarité, le soutien politique (au sens large du terme) aux Palestiniens est aussi un moyen très efficace d’exprimer sa solidarité à partir même du pays où l’on vit en exigeant de son gouvernement :
    • la reconnaissance dans les faits des droits inaliénables du peuple palestinien,
    • l’application effective des résolutions qu’il a votées en faveur du droit des Palestiniens afin qu’elles ne restent lettre morte,
    • un changement d’attitude vis à vis d’Israël et une condamnation sans équivoque de ses agissements criminels,
    • la reconnaissance de l’État de Palestine comme l’ont déjà fait au sein de l’UE l’Espagne, la République d’Irlande …
Ce  sont-là des revendications essentielles, autour desquelles il est nécessaire d’initier les mobilisations les plus larges pour faire pression sur les gouvernements et desserrer l’étau autour de la Palestine.


Alors même que des rapports alarmants d’institutions ou d’associations internationales étaient disponibles et qu’ils se trouvent être confirmés par la CIJ et la CPI, il nous faut demander des comptes à nos gouvernants qui ont couvert et même souvent justifié les agissements criminels commis par Israël…  Le « On ne savait pas » qui rappelle des heures sombres de notre histoire ne peut tenir lieu de réponse pour nos gouvernants ni d’ailleurs d’alibi pour les citoyen-ne-s, en France ou dans l’UE.


Y.M. 25/11/2024

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