Dans un précédent article, René Monzat montrait que la thématique identitaire des droites radicales s’enracine dans les conceptions différentialistes formulées dès le XIXèmesiècle par la Volkskunde allemande, puis, entre les années 1920 et 1945 par une partie de la raciologie nazie, enfin par les nationalismes blancs d’Afrique australe des années 1930 aux années 1970 du XXème siècle. Il donnait également à voir la manière dont la « Nouvelle droite » – notamment le GRECE – l’avait reformulée en France à partir de la fin des années 1960.

Dans cette nouvelle publication, il montre comment cette thématique s’est déclinée en France dans les droites radicales à partir des années 1980, bien au-delà de la mouvance explicitement « identitaire » (Bloc identitaire devenu Génération identitaire) : aussi bien au sein du Front national (devenu entre-temps Rassemblement national) que dans les mouvances les plus explicitement liés au fascisme historique (« nationaliste-révolutionnaire ») et, faudrait-il ajouter, dans ses variantes plus idéologiques (Zemmour, etc.) et dans des pans entiers de la droite dite « classique ». René Monzat conclut en mettant en lumière la stratégie discursive au coeur de ce remaniement identitaire des droites radicales. 

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À lire la presse du printemps 2021, le courant identitaire s’incarne apparemment en France dans une petite organisation, Génération Identitaire, dont Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, a prononcé la dissolution par un décret du 3 mars 2021[1]. Mais outre le fait que le courant identitaire est un ensemble de structures qui continuera à fonctionner sans Génération Identitaire, l’épiphénomène[2] de la dissolution[3] ne freinera pas l’hégémonie grandissante du discours identitaire au sein des droites radicales.

Génération Identitaire c’est aussi le titre d’un livre, signé par Markus Willinger, Génération Identitaire, une déclaration de guerre contre les soixante-huitards, publié en 2014, traduit dans les principales langues européennes[4]. L’avant-propos est signé par Philippe Vardon, emblématique dirigeant du courant identitaire en France qui entamait alors une carrière au Front National et est aujourd’hui un des dirigeants du Rassemblement National. Un « mot de l’éditeur » cite longuement la définition d’identité publiée près de 15 ans auparavant par Guillaume Faye[5], dans Pourquoi nous combattons. La définition précède ici l’usage.

La naissance de la thématique identitaire n’est pas spontanée, mais résulte d’un travail politique et linguistique collectif. Il faut d’abord observer la mise au centre de la notion d’identité, puis celle de sa déclinaison « identitaire » par les droites radicales entre la fin des années 1980 et le début des années 2000. Puis rappeler quand et par qui ces conceptions ont essaimé.

Nous verrons comment cette thématique trouve ses racines dans les conceptions différentialistes formulées dès le XIXèmesiècle par la Volkskunde allemande, puis, entre les années 1920 et 1945 par une partie de la raciologie nazie, enfin par les nationalismes blancs d’Afrique australe des années 1930 aux années 1970 du XXème siècle. Il sera enfin éclairant de comprendre comment cette notion, par sa souplesse, peut servir de langage commun aux très différents courants des droites radicales contemporaines.

 

Dès la fin des années 1980, les droites radicales mettent « l’identité » au pinacle

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