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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Le rapport Obin 2021, entre bureaucratisation et anti-intellectualisme (Julien Cohen-Lacassagne)

25 Juin 2021 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Laïcité

Le 14 juin dernier, l’Inspecteur Général en retraite Jean-Pierre Obin remettait un rapport au ministre de l’Education nationale. Ce court texte intitulé « La formation des personnels de l’Education nationale à la laïcité et aux valeurs de la République » condense bon nombre de poncifs sur l’enseignement en France et apporte une réponse on ne peut plus bureaucratique aux problèmes qu’il soulève.

« Si les laïcistes gagnent en mai prochain, je pourrais vous dire que j'ai perdu cette bataille, mais je pense qu'elle n'est pas perdue parce qu'au fond, ce n'est pas la laïcité dont les gens parlent ce faisant, ils parlent de leur rapport à l'islam. »

Emmanuel Macron, entretien à Mediapart, 20 novembre 2016.

LE 14 JUIN DERNIER, l’Inspecteur Général en retraite Jean-Pierre Obin remettait un rapport au ministre de l’Education nationale. Ce court texte intitulé La formation des personnels de l’Education nationale à la laïcité et aux valeurs de la République condense bon nombre de poncifs sur l’enseignement en France et apporte une réponse on ne peut plus bureaucratique aux problèmes qu’il soulève. Ce sont là moins d’une vingtaine de pages faites d’un bric à brac idéologique puisé dans une tradition rétrograde sommaire, sorte de vade me cum à mi-chemin entre discours décliniste et appel au redressement national. Mais c’est avant tout la possibilité d’enseigner librement et avec esprit critique qui est mise en péril par ce texte passablement alambiqué.

Le choc des civilisations applicable aux cours de récréation.

Jean-Pierre Obin n’en est pas à son coup d’essai. Il avait rédigé en 2004 un premier rapport : Les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires. Sa notoriété s’est accentuée avec la parution aux édition Hermann en septembre 2020 d’un livre au titre racoleur : Comment on a laissé l'islamisme pénétrer l'école, porté par la vague éditoriale pour le moins malsaine qui a vu de multiples publications - fort médiocres -  ressasser ad nauseam le thème de l’invasion islamiste en France.

Dans son livre, tout comme dans ses rapports, Jean-Pierre Obin aborde des questions aussi importantes que celle des tensions en milieu scolaire et celle de la laïcité. Sa lecture de thèmes aussi sérieux ne dépasse toutefois pas le registre culturaliste, jusqu’à l’obsession, n’y voyant qu’une version du choc des civilisations applicable aux cours de récréation. Manifestement peu familiarisé au concept de laïcité tel qu’il est établi de manière pratique dans le texte de la loi de 1905, Jean-Pierre Obin préfère sans grande originalité lui substituer une forme de ciblage des musulmans, ou supposés tels, plus ou moins fondamentalistes « radicalisés » ou susceptibles de le devenir.

Jean-Pierre Obin s’est forgé une chronologie toute personnelle de la genèse de la « radicalisation » en France, la faisant remonter à la guerre du Golfe de 1991. Il le dit au micro d’André Bercoff sur la très droitière station Sud-Radio, rapportant que des élèves se situaient alors « en rupture avec leurs ainés. Ils expriment ouvertement leur solidarité (…) avec Saddam Hussein, leur hostilité à l’armée française et à la coalition et ils n’hésitent pas à prendre la parole, à écrire, à tagger les murs pour exprimer cette solidarité. »[1]

Outre le fait que Saddam Hussein ne représentait nullement une tendance islamiste, Jean-Pierre Obin semble oublier que bon nombre de lycéens et d’étudiants de sa propre génération ont jadis exprimé leur solidarité avec le Vietnam d’Hô-Chi-Minh ou avec la Chine de Mao Zedong sans pour autant avoir été transformés en dangereux fondamentalistes. Il en est qui dirigent jusqu’à nos jours d’honorables institutions. Jean-Pierre Obin ne s’embarrasse pas de telles subtilités dès lors qu’il s’agit de désigner des jeunes gens coupables de « s’exprimer ouvertement ».

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