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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Impasses du réductionnisme de classe. Sur un texte de Beaud et Noiriel (Norman Ajari)

5 Janvier 2021 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Racisme, #Antiracisme politique

Le sociologue Stéphane Beaud et l’historien Gérard Noiriel ont récemment fait paraître dans Le Monde diplomatique un article intitulé « Impasses des politiques identitaires ». Ce texte est un symptôme de l'incompréhension de la race dont font preuve de nombreux chercheurs français. Il est aussi l'exemple de l'impasse stratégique à laquelle cette méconnaissance persistante conduit la gauche.

En 1992, la philosophe jamaïcaine Sylvia Wynter faisait paraître une lettre ouverte à ses collègues en sciences humaines et sociales consacré au traitement du sort des hommes noirs pauvres au sein de ces disciplines. Les chômeurs et travailleurs au salaire minimum des centres-villes étatsuniens désertés par classes moyennes parties s’installer dans les banlieues résidentielles ne présentent pas, aux yeux des intellectuels critiques, le même attrait que les prolétaires blancs d’antan. Ils peuvent être objets de commisération au mieux, de crainte au pire, mais ne sauraient être envisagés comme des sujets politiques.

L’élan marxiste qui consistait à lier son destin à celui de la classe exploitée a fait long feu, car le visage des « nouveaux pauvres » n’est pas de nature à susciter l’identification de nos chercheurs. En somme, écrit Wynter, « les intellectuels d’aujourd’hui, alors qu’ils ressentent et expriment de la compassion, se gardent bien de proposer de marier leurs pensées avec cette variété particulière de souffrance humaine[1] ».

Un texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, récemment publié par Le Monde diplomatique, présenté comme extrait d’un ouvrage à paraître, montre la pertinence de ce diagnostic dans le contexte de la France actuelle[2]. J’entends y apporter quelques commentaires car il me semble emblématique de l’incurie et de la désinvolture avec laquelle se mène la recherche sur la question raciale dans ce pays, mais également de la perversité de la stratégie politique à laquelle cette recherche s’articule. Pour le dire en deux mots, il s’agit d’un texte intellectuellement navrant et politiquement hostile aux intérêts des minorités raciales.

La race est le seul objet d’étude où tout chercheur qui a obtenu ses galons en travaillant sur autre chose peut s’aventurer comme en terrain conquis et revendiquer une parole à valeur oraculaire. En outre, c’est le seul domaine où le dédain de l’objet d’étude est non seulement largement admis, mais où il est encore encouragé comme s’il était la garantie d’une probité intellectuelle supérieure.

La thèse du texte des deux chercheurs se résume en deux points. Le premier relève de l’analyse scientifique et le second de la synthèse stratégique : 1. La revendication d’une appartenance raciale est aujourd’hui le lieu d’un « enfermement identitaire ». 2. Afin d’en sortir, nous avons besoin d’une politique centrée sur les « classes populaires » et attentive à « la question essentielle des alliances politiques à nouer dans le camp des forces progressistes ».

Théorie


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