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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Notre peine est immense et les charognards sont là (Ludivine bantigny)

27 Octobre 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Police Justice, #Islamophobie, #Libertés

Cet article co-écrit avec Ugo Palheta évoque le déchaînement raciste et autoritaire qui a suivi le meurtre atroce de Samuel Paty. Ce déferlement de haine prend le tour très concret d’une instrumentalisation politique sordide: une stratégie du choc imposant des mesures inimaginables en temps ordinaire. Comment y réfléchir, comment y réagir?

Horreur, sidération, effroi : c’est ce que nous ressentons face à l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, par un meurtrier fanatique. Cette mort est atroce. Elle l’est dans l’absolu d’un homme tué en pleine rue. Elle l’est par la manière épouvantable dont le meurtre a été commis : la décapitation. Elle l’est encore parce son auteur l’a justifiée en se référant au cours dispensé par Samuel Paty sur la liberté d’expression, cours durant lequel il a présenté à ses élèves une caricature de Mahomet ; qu’un cours puisse déboucher sur un assassinat est insupportable.

De manière unanime, les syndicats de l’Éducation nationale ont exprimé leur soutien aux proches de Samuel Paty, à ses élèves, à ses collègues. Le communiqué de l’intersyndicale de l’Éducation nationale l’a d’emblée souligné : « L’heure est au deuil, au recueillement et à la solidarité ».

En réalité, d’une manière plus virulente encore qu’après les attentats de janvier et novembre 2015, la récupération au plus haut sommet de l’État et par tout un éventail de forces – allant du Printemps républicain au Rassemblement national et à Génération identitaire, en passant par des dizaines d’éditorialistes – empêche absolument ce recueillement nécessaire. C’est en grande partie pour cela que nous écrivons ce texte : parce que le flot de haine se déchaîne, qui prend pour cibles les musulmanes et musulmans (mais aussi celles et ceux qui sont perçu·e·s comme leurs allié·e·s, donc dans le langage de l’extrême droite comme des « traîtres à la patrie »), rend difficile sinon impossible aussi bien le deuil qu’une réflexion sérieuse sur les causes de cet assassinat et les moyens d’y faire face.

Des participant-es au rassemblement organisé place de la République ont pu en témoigner. Samia Orosemane raconte ce qui lui est arrivé dans la foule, parce qu’elle portait un foulard : « Une femme s’est approchée de moi en me regardant très méchamment. Elle m’a pointée du doigt en me disant : “Bande d’assassins !” Je lui ai souri, mais j’ai eu envie de pleurer[1]. » Injures, menaces de mort (dont des menaces de décapitation), attaques lancées sur le mode « collabo ! » ou « Tu sais ce qu’on faisait en 44 aux femmes collabos ? » déferlent. On lit à nouveau le mot « rats » pour désigner les musulman·es. Et le délire s’installe tranquillement sur les chaines de toutes espèces, comme quand le 19 octobre, sur Sud Radio, un invité propose qu’il y ait un parachutiste par classe, armé d’un P35…

Cette haine, qui va jusqu’à l’appel au meurtre, prend aussi le tour très concret d’une instrumentalisation politique sordide. Au matin du 19 octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé qu’il proposerait de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). C’est une menace grave, même s’il est peu probable qu’elle soit suivie d’effet tant elle est de toute évidence dépourvue de tout fondement juridique. Si une telle dissolution était malgré tout prononcée, cela ne manquerait pas de constituer un préalable et d’annoncer une offensive contre l’ensemble du mouvement social.

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