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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Lettre ouverte au président de la République (Malik Salembour, LDH)

29 Septembre 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Politique française, #Islamophobie, #Racisme, #Laïcité

La République n’est ni votre propriété, ni un terrain de jeu ! Ses principes et les valeurs qu’elle porte ne sauraient dépendre des intérêts électoraux de quiconque. (...) Le fameux « séparatisme » que vous ne définissez jamais, en l’agitant sans cesse, c’est le nouveau bouc émissaire contemporain, pour l’essentiel l’islam et les musulmans.

Monsieur le Président,

La République n’est ni votre propriété, ni un terrain de jeu ! Ses principes et les valeurs qu’elle porte ne sauraient dépendre des intérêts électoraux de quiconque.

Depuis maintenant plusieurs mois, votre gouvernement prépare l’opinion publique à une initiative législative contre le « séparatisme », auquel vous avez consacré l’essentiel de votre discours du 4 septembre dernier au Panthéon. Etrange cérémonie puisque vous aviez choisi de fêter le 150e anniversaire de la République, effaçant ainsi de l’histoire la Première République, celle des révolutionnaires et des patriotes de 1792, ainsi que la Deuxième. Comme si vous aviez voulu éloigner la République de ses fondations et ses racines. Curieuse révision de l’histoire pour celui qui prône, dans le même discours, d’aimer toujours en bloc notre histoire et notre culture et s’emploie, en même temps, à n’en retenir que certains moments.

Pire, vous nous sommez d’adhérer à une mystérieuse unicité de la France et de son peuple, sous peine sans doute d’être assimilés à celles et ceux qui, selon vous, s’en séparent.

Souffrez, Monsieur le Président, que nous ne cédions pas à votre injonction.

Si l’histoire de la France et de son peuple est faite d’ombres et de lumières, omettre les premières, c’est nier leurs conséquences et donc en ignorer les victimes.

C’est pourquoi votre propos aurait été plus juste et moins imprégné de considérations électorales si, avant de s’en prendre à celles et ceux qui s’écarteraient de la République, vous vous en étiez pris à ce qui, dans notre République, sépare, discrimine et stigmatise.

L'idée principale, expliquez-vous, c'est que « personne ne doit bricoler ses propres lois et vivre à part ». Nous souscrivons à cet ambitieux programme, qu’il aurait mieux valu résumer d’un « Liberté, égalité, fraternité » plutôt que d’aller à l’encontre de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat qui garantit la liberté de conscience pour toutes et tous et la liberté de l’exprimer. Programme auquel il aurait mieux valu donner de la chair en vous attaquant aux injustices sociales et fiscales, à l’accès à l’emploi ou à l’éducation, ou en vous attaquant à ces ghettos qui défigurent nos villes et nos banlieues.
Et à combattre le racisme.

Au lieu de cela, votre gouvernement n’hésite pas, à votre suite, à envisager de limiter la liberté des associations et à stigmatiser un peu plus, bien qu’il s’en défende, les personnes de confession musulmane.

Vous nous aviez habitués, pourtant, à plus de clairvoyance lorsque vous vous interrogiez sur les conséquences des discriminations ou de la colonisation.

Et si la République a souvent eu des adversaires, parfois des ennemis, elle n’est pas impuissante, comme vous voudriez le faire croire, face à celles et ceux qui en méprisent les lois et les principes. Elle dispose d’une justice et d’un arsenal législatif en mesure de juger et de punir les groupes haineux ou factieux ainsi que les individus qui les inspirent, quelles qu’en soient les motivations.

Votre choix n’a donc rien à voir avec la République en son principe. Il participe d’un calcul politique. Le mauvais calcul d’une mauvaise politique. Celle qui construit la défiance, et divise la nation au lieu de rassembler. Vous prétendez vouloir défendre l’idéal républicain et laïque ? Vous n’allez que le dénaturer. Car le fameux « séparatisme » que vous ne définissez jamais, en l’agitant sans cesse, c’est le nouveau bouc émissaire contemporain, pour l’essentiel l’islam et les musulmans.

Parce que votre démarche est dangereuse et tourne le dos aux libertés fondamentales, parce que la République n’est ni votre propriété ni un terrain de jeu, nous vous demandons solennellement de renoncer à ce projet.

Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH)

 

« Séparatisme » : nous refusons une loi de stigmatisation, de division et une nouvelle attaque des principes de laïcité

vendredi 25 septembre 2020, par CGT Educ’Action 94

Le ministère de l’intérieur, celui de la citoyenneté et l’Elysée ont annoncé préparer une loi sur le « séparatisme » présentée à l’automne pour un vote devant intervenir au début de l’année 2021.
Nos organisations souhaitent ici le dire ensemble et avec force : nous ne laisserons pas ainsi diviser, fracturer la société française et plus particulièrement les classes populaires par une nouvelle campagne islamophobe de stigmatisation des populations musulmanes ou perçues comme telles qui sont systématiquement visées dans les propos des ministres et au plus haut sommet de l’État.
Personne n’est dupe : ce sont nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane qui sont visés par ce projet de loi. Les exemples donnés dans les médias se réfèrent systématiquement à l’Islam, aux musulmanes et aux musulmans.
Ce projet de loi vise à désigner un « ennemi intérieur ».
Si l’on en croit les propos du ministre de l’intérieur il s’agit même de contrôler l’expression du dogme. Si des expressions religieuses contreviennent au droit, l’État dispose déjà du dispositif législatif pour agir mais il n’a pas à se mêler du dogme d’aucune religion.
Hérité du racisme colonial, ce projet est une nouvelle expression d’un débat public saturé de fantasmes xénophobes : l’usage du mot « ensauvagement » répété à l’envie par le ministre de l’intérieur, la monstrueuse mise en scène raciste de la députée Danièle Obono dans Valeurs actuelles, la « plaisanterie » d’un ancien président de la République assimilant « singe » et personnes noires, les humiliations publiques répétées de femmes qui portent le foulard... tout cela n’est pas le domaine réservé de l’extrême droite.
Récemment encore, des député·es ont exprimé, à l’égard de la Vice-Présidente de l’UNEF, des exigences qui outrepassaient les obligations légales et mettaient en cause des droits reconnus par le principe de liberté de conscience. Alors qu’elle s’exprimait au sujet des conditions étudiantes difficiles à cause de la crise sanitaire, certain·es ont préféré voir son voile avant ses valeurs et ont tenté de l’humilier.
La laïcité a pour objectif principal de garantir les libertés et l’égalité.
Si l’État se doit d’être neutre et laïc, c’est justement pour permettre à la citoyenne ou le citoyen de pouvoir être libre d’exprimer ses idées à partir du moment ou cette expression n’empiète pas sur la liberté d’autrui. Les principes laïques ne doivent pas être dévoyés ni être appliqués à géométrie variable.
Dupes d’aucune offensive réactionnaire, nos organisations rappellent leur attachement à la laïcité qui permet l’exercice réel de la liberté d’opinion, d’expression et de conscience. Cela impose d’investir massivement dans des services publics.
Modifier la loi de 1905 , comme le projette l’exécutif avec sa loi sur le prétendu « séparatisme » risque de détruire cet équilibre et de renforcer l’instrumentalisation de la laïcité.
Nos organisations prendront leurs responsabilités, continueront de se mobiliser pour l’égalité des droits et seront attentives aux initiatives unitaires prises dans le cadre de l’examen de ce projet de loi.
Elles appellent toute la population à refuser ces divisions, à se battre ensemble contre tous les racismes, à faire face ensemble pour exiger et construire des réponses aux urgences sociales.
Le 25 septembre 2020

Lettre ouverte au président de la République (Malik Salembour, LDH)

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