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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Violences policières : Une colère populaire qui vient de loin face au déni politique (Saïd Bouamama)

20 Juin 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Police Justice

La vague de manifestations populaires qui secoue la planète et l’hexagone en réaction à l’assassinat de Georges Floyd est certes exceptionnelle mais pas surprenante, inattendue en terme d’ampleur et de propagation mais pas imprévisible, donneuse de puissance mais également confrontée à un déni systémique. Concernant la France, elle souligne à la fois les progrès immenses obtenus par la mobilisation militante depuis plusieurs décennies et l’ampleur du chemin qui reste à parcourir. Elle met en exergue l’importance des conscientisations qui se sont accumulées au cours des luttes passées et leur accélération dans la dernière période [caractérisée par la généralisation à des « blancs » de pratiques banalisées pour les « colorés » des quartiers populaires]. L’assassinat de Georges Floyd fait en conséquence fonction de déclencheur révélant une cause plus profonde. Comme les révoltes des quartiers populaires de novembre 2005 une digue saute, une goutte fait déborder un vase, une accumulation quantitative de colères populaires débouche sur une transformation qualitative. Comme celles-ci le mouvement actuel ébranle l’ordre de l’injustice mais suscite aussi immédiatement des stratégies visant à modifier à la marge cet ordre pour mieux le préserver et le reproduire.

Une colère politique qui vient de loin

Quatre facteurs sont, selon nous, à prendre en compte pour saisir les forces de notre mobilisation collective actuelle mais aussi les menaces qui pèsent sur lui. Ils se sont cumulés progressivement avec chacun leur dynamique propre et leur temporalité spécifique pour créer les conditions de possibilité de la mobilisation. Ni résultat d’un amalgame ou d’un mimétisme avec la situation états-unienne comme le serinent officiels et « chroniqueurs » des grands médias, ni mouvement spontané produit par l’effet magique des réseaux sociaux, le mouvement de protestation actuel émerge de la dynamique de coagulation de ces quatre facteurs créant la rencontre entre une structure d’opportunité politique et une révolte ancienne en recherche d’un canal d’expression. La prise en compte de cette base matérielle et de ses effets sur les subjectivités et les consciences est incontournable pour comprendre la situation et en conséquence continuer la lutte.

Tout le monde l’a compris, manifestants comme gouvernement ou représentants de l’institution policière, l’enjeu du mouvement actuel est fondamentalement politique et la nature de celui-ci est entièrement politique. En témoigne à la fois l’insistance des manifestants sur la dimension systémique des violences policières et le déni généralisé sur une quelconque cause institutionnelle de la part du gouvernement et des syndicats de policier.  Ce caractère politique vient contredire l’image encore trop fréquente des quartiers populaires comme « désert politique[i] ». En dépit de multiples difficultés [précarité des habitants et des militants, diabolisation de ceux-ci comme « communautaristes », répression directe ou indirecte[ii] [par la coupure de subventions, le non accès aux équipements publics ou les poursuites judiciaires usantes] des associations et collectifs,  une transmission des savoirs et des expériences des luttes antérieures a quand même eu lieu. Cette transmission est éparpillée, non systématique, partielle et incomplète, inégale selon les lieux, etc., mais constitue néanmoins le premier facteur explicatif de l’ampleur du mouvement de contestation. Les chanteurs de Rap, les initiatives des associations militantes et des collectifs contre les violences policières, la multiplication des pratiques de transmission de la mémoire [sur les réseaux sociaux en particulier], etc., ont inscrit les violences policières dans le processus de socialisation des nouvelles générations des quartiers populaires. Complétée par la confrontation quotidienne aux pratiques policières, cette transmission, aussi insuffisante et partielle soit-elle a été un levier de la prise de conscience que nous n’avions pas à faire à des « bavures » mais aux résultats logiques de choix politiques.

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