Loi Avia: «Sous couvert de lutte contre les «contenus haineux», c’est la liberté d’expression qu’on assassine»
FIGAROVOX/TRIBUNE - La proposition de loi de la députée Laetitia Avia, visant à mieux lutter contre les «propos haineux» sur Internet, sera certainement adoptée ce mercredi 13 mai à l’Assemblée nationale. Jean-Thomas Lesueur et Cyrille Dalmont, de l’Institut Thomas More, dénoncent le caractère subjectif de la définition de ces «contenus haineux».
Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité ont décidément un problème avec la liberté, notamment la liberté d’expression. Ils n’en finissent plus de chercher, sans fard ni vergogne, à contrôler l’information sous toutes ses formes dans notre pays.
Le 15 janvier dernier, c’était le président de la République lui-même qui, lors de ses vœux à la presse, déclarait de manière stupéfiante: «Nous sommes confrontés à la lutte contre les fausses informations, les détournements sur les réseaux sociaux. L’éducation reste le fondement de cette lutte. Il nous faut donc pouvoir répondre à ce défi contemporain, définir collectivement le statut de tel ou tel document»… Puis il y a eu, en pleine crise du Covid-19, l’initiative gouvernementale visant à imposer une plateforme de «ré-information» ou de «validation» des informations jugées fiables publiées dans les médias ou sur les réseaux sociaux au sujet de la crise sanitaire. Baptisée «Désinfox coronavirus», la plateforme a été heureusement retirée le 5 mai suite au recours déposé en urgence par le Syndicat national des journalistes (SNJ) devant le Conseil d’État.
Aujourd’hui, c’est la proposition de loi Avia visant à «lutter contre les contenus haineux sur Internet», qui fait son grand retour à l’Assemblée nationale, en plein état d’urgence sanitaire, pour être discutée en séance publique (mais dans les conditions restrictives adoptées par la chambre dans le cadre de la crise sanitaire) ce mercredi 13 mai. Cette proposition de loi - très décriée, pour ne pas dire contestée, par de nombreuses organisations telles que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Conseil national du numérique et même la Commission européenne - va donc encore une fois faire l’objet d’une tentative de passage en force par le gouvernement qui avait engagé une procédure accélérée sur le texte en mai 2019.
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« Avec la loi Avia, la police pourra exiger le retrait de contenus dans l’heure »: entretien avec La Quadrature du Net
13/05/2020
La proposition de loi contre les contenus haineux, sera soumise au vote des députés ce mercredi 13 mai. QG fait le point avec Klorydryk, membre de La Quadrature du Net, sur les dangers de cette législation, qui donne des pouvoirs inédits aux plateformes et à la police, ainsi que sur les problèmes que pose l’application StopCovid
A peine le déconfinement commencé, la majorité présidentielle s’active à nouveau pour renforcer la législation sur Internet avec la proposition de loi Avia contre les contenus haineux, qui sera soumise au vote des députés ce mercredi 13 mai 2020. Celle-ci accentue la pression pour rendre inaccessible tout contenu considéré comme haineux dans les 24 heures après notification auprès de l’hébergeur. De quoi susciter une restriction supplémentaire en matière de libertés individuelles et publiques, comme le souligne Klorydryk, membre de l’association La Quadrature du Net, qui a répondu aux questions de Jonathan Baudoin pour QG. Interview
QG : La proposition de loi dite Avia, relative à la lutte « contre les propos haineux sur internet », est en passe d’être définitivement adoptée à l’Assemblée nationale aujourd’hui, après un an de navette parlementaire. Estimez-vous qu’elle reste toujours aussi inquiétante quant à la question des libertés individuelles sur le net ?
Klorydryk : Oui. Elle l’est même encore plus depuis le dernier jour de débat à l’Assemblée nationale, vu qu’a été introduit l’amendement visant à ajouter la possibilité pour la police de demander la suppression de contenus en une heure. Déjà, les 24h de délai laissées aux fournisseurs de services étaient largement trop courtes pour pouvoir faire les choses correctement. En une heure, nous sommes absolument certains que personne n’ira regarder si la demande de la police est fondée, ou pas, sur le type de contenu qu’elle doit enlever ; et nous sommes à peu près certains que l’ensemble des services retirera les contenus demandés par la police sans même réfléchir.
QG : Dans les articles 1 et 2 de la proposition de loi, il y a insistance sur la volonté de rendre inaccessible tout contenu notifié comme illicite dans les 24h suivant la notification auprès des plateformes en ligne. En quoi ce délai est-il trop court à vos yeux pour que les plateformes en ligne modèrent correctement les contenus, et quel type de dérives cela peut générer ?
Le délai de 24h est bien trop court ! La LCEN [Loi pour la confiance dans l’économie numérique, NDLR] définissait une durée qui était définie comme « promptement ». Ça devait être suffisamment rapide, mais sans fixer de durée claire et nette. Ce qui permettait que, bah un week-end ou une nuit, on pouvait laisser le temps au personnel de vérifier que c’était réellement illicite. Il n’y avait pas de course contre la montre à enlever la chose, avec une amende à la clé. On pouvait porter plainte devant la justice si on trouvait que la durée de retrait était trop longue. Et à ce moment-là, un juge décidait si, en effet, l’hébergeur avait mis trop de temps, ou pas, pour enlever le contenu. Aujourd’hui, 24h, ça impose d’avoir soit énormément de petites mains qui vont aller vérifier tous les contenus ; soit des algorithmes qui n’auront aucune capacité d’analyse sur la qualité du contenu qu’ils auront en face d’eux puisqu’ils vont réagir par mots-clés, ou via des typologies de phrases qui vont être absolument décontextualisées. Nous pensons que le vrai risque, c’est qu’ils vont enlever tous les contenus qui vont leur être présentés.
QG : Comment analysez-vous la mise en place d’un « observatoire de la haine en ligne » qui serait sous la tutelle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans le cadre de la proposition de loi ?
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