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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Conférence de San Remo. Une base légale à la création d’un État juif en Palestine ? (Henry Laurens)

17 Mai 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Israël et le sionisme, #Palestine

Il y a cent ans, une réunion internationale à San Remo consacrait de nouvelles frontières au Proche-Orient et, de facto, le mandat britannique sur la Palestine établi en juillet 1920. Les sionistes y voient l’origine de l’État d’Israël, et Benyamin Nétanyahou a célébré cet anniversaire. Mais cette conférence, qui avait vu s’affronter Britanniques et Français, restera d’abord marquée par ses ambiguïtés concernant le projet sioniste en Palestine.

Le centenaire de la conférence de San Remo du 24 avril 1920 censée avoir partagé le Proche-Orient entre Français et Britanniques vient d’être commémoré, soit pour le déplorer, soit pour s’en féliciter. Si la cérémonie officielle prévue en Italie a été annulée à cause de l’épidémie de Covid-191, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est adressé aux évangélistes américains dans un message repris par les réseaux protestants. Il a affirmé que cette conférence avait donné à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine et reconnu formellement le droit du peuple juif à y établir un « foyer national ». Un siècle plus tard, cet engagement devrait être totalement mené à sa fin avec l’annexion d’une bonne partie de la Cisjordanie.

Faute de cérémonie officielle, différentes déclarations ont fait de San Remo un moment « séminal » de l’histoire du sionisme.

Cette « reconnaissance internationale » ne prend pas en compte le fait que les principaux intéressés, les habitants de la Palestine, n’avaient pas été consultés (on connaissait leur opposition) et que l’on a décidé à leur place. Le « plan Trump », un siècle après San Remo, persiste dans cette voie.

De façon générale, diverses instances sionistes font de San Remo la base de la légitimité internationale de l’État d’Israël. Sur le site de l’Israel Forever Foundation on trouve un mélange des « résolutions » de San Remo avec l’accord dit « Fayçal-Weizmann », signé en 1919 entre l’émir Fayçal Ibn Hussein, fils du roi du Hedjaz et futur roi de Syrie, et Chaim Weizmann, futur président de l’Organisation sioniste mondiale puis de l’État d’Israël, accord qui aurait reconnu la légitimité du projet sioniste. Le problème est que l’accord était conditionnel, que Fayçal ne savait pas ce qu’il avait signé et que, de toute façon, il n’était pas mandaté par les Arabes de Palestine. Des ouvrages tout à fait sérieux présentent la charte du Mandat sur la Palestine adoptée en juillet 1922 par la Société des Nations comme étant la « résolution » décidée à la conférence de San Remo.

Une Palestine rattachée à la Syrie

La position réelle de Fayçal en avril 1920 se retrouve certainement dans cette note du 5 avril signée par le général Gouraud, haut-commissaire de France à Beyrouth, à un moment où on s’attend à ce que l’émir réponde positivement à l’invitation qui lui a été faite de venir à la conférence2 :

J’ai signalé à V. E. que l’Émir Fayçal, contrairement à son intention précédemment annoncée, n’avait fait aucune mention particulière du sionisme dans la demande qu’il a adressée à la France et à l’Angleterre, en vue d’obtenir avant de se rendre en Europe une déclaration de leur part concernant l’indépendance syrienne. Or, j’ai confirmation que l’Émir Fayçal considère des sûretés comme acquises vis-à-vis du mouvement juif, en raison de la convention que lors de son séjour, il a passée avec le docteur Weizmann.

D’après cette convention, dont les contractants possèdent un exemplaire et qui n’est valable qu’en cas de réalisation de l’indépendance des pays arabes, les sionistes admettent que la Palestine soit rattachée à la Syrie et soumise à son gouvernement qui reconnaît, d’autre part, l’égalité des droits des israélites, soit originaires du pays, soit même immigrants.

C’est bien, semble-t-il, ce que Fayçal avait compris du document qu’il avait signé. Tout l’argumentaire sur la légitimité internationale repose sur une représentation implicite d’un Proche-Orient vide d’habitants. Les Occidentaux auraient ainsi donné aux Arabes la très grande partie de la région et une petite partie aux juifs. Inutile de dire que c’est contraire au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, principe qui était en train de s’imposer en droit international depuis le début du XXe siècle.

Manœuvres britanniques

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