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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Autodéfense filmique face aux fictions d’État. Le cas de « Fauda » sur Netflix (Claire Scurob)

16 Avril 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Palestine Colonisation occupation

Autodéfense filmique face aux fictions d’État. Le cas de « Fauda » sur Netflix (Claire Scurob)

Alors que la série israélienne Fauda entame sa 3ème saison sur Netflix, ce texte s’interroge sur le rôle de cette fiction dans le « ré-encodage » de la réalité coloniale.

Partant du rôle des représentations audiovisuelles pour le colonialisme israélien  , l’auteure rappelle également l’arme politique qu’est le boycott dès lors qu’il s’agit de productions « culturelles » – trop souvent présentées comme détachées des réalités politiques. Cette analyse de Fauda vient à point pour souligner que, plus que jamais, les images restent des champs de bataille.

N.B. : inutile d’avoir vu la série pour lire l’article.

***

« La clarté ne naît pas de ce qu’on imagine le clair, mais de ce qu’on prend conscience de l’obscur » (Carl Gustav Jung)

Saison 1 épisode 1, premier plan pour désigner la ville palestinienne, donc son rapport à l’Autre, est le point de vue d’un drone israélien. Et pas sur n’importe quel bâtiment : le minaret d’une mosquée. Un travelling militaire scanne, scrute un territoire et son peuple définit alors comme musulman et sous surveillance. Nous sommes dans la série israélienne Fauda, chaos en arabe.

Diffusée sur Netflix, elle fait un carton à l’international, prix du meilleur scénario original au FIPA[1], elle est classée par le New York Times au huitième rang des 30 meilleures séries internationales de la décennie. Cette série raconte missions et quotidien de soldat-es israéliens de l’unité spéciale Duvdevan qui sévit en Cisjordanie, infiltrés et déguisés en palestinien. Dans la saison 1, ils pourchassent un chef du Hamas, Abu Ahmad appelé «la panthère». Dans leur promotion, les scénaristes martèlent que la série a réussi à « casser les stéréotypes de ”gentils” et des ”méchants” », a réussi « la fabrication d’empathie d’un camp pour l’autre ».

Pourtant des voix se sont élevées pour dénoncer son racisme structurel, la glorification des crimes de guerres d’Israël ou encore l’effacement de l’Histoire palestinienne [2] [3] [4] PACBI, Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël a appelé Netflix à se retirer de la production de la saison 3 et stopper la diffusion des deux premières saisons.

Les images peuvent être des « champs de bataille » en véhiculant des clichés destructeurs pour celles et ceux qu’elles ciblent dans ses représentations. Le titre Fauda a été choisi par les scénaristes parce que c’est le code utilisé par les soldats israéliens quand ils sont repérés, leur couverture démasquée. Dans cet article, je propose une Fauda de la saison 1 pour décrypter le narratif colonial mis en scène malgré ses prétentions à la «complexité» ; arguments promotionnels qui parlent en réalité du réajustement continu de la propagande aux nouveaux critères de modernité où la caricature ne doit plus être flagrante, déshumanisante mais où l’identification à la subjectivité du dominant, à ses drames et victoires, doit être totale.

À partir d’outils d’analyse filmique nous étudierons comment l’imaginaire israélien ré-encode la réalité et réaffirme la raison d’État. Effacement et détournement de la violence originelle, monopole du trauma ou encore héroïsation des  crimes de guerres sont l’armature de cette fiction d’Etat. Dans cet univers colonial, la représentation de la masculinité et de la paternité des personnages israéliens et palestiniens est un enjeu essentiel pour créer identification et aversion. Les personnages féminins aux rôles secondaires et objets d’instrumentalisation mériteraient un article en tant que tel.

On s’attardera aussi sur le rapport stratégique et ambigus des soldats à la langue arabe. Et toujours dans une perspective d’auto-défense, on opposera les faits au scénario, on réinjectera du réel dans la fiction.

Fauda de contre-propagande face à une fiction d’Etat

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