Que cache la notion de séparatisme (CCIF) ?
18 Février 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Islamophobie, #Macron et LREM
Quelques mois après le discours guerrier sur « l’hydre islamiste » qu’il a prononcé au lendemain de l’attaque à la Préfecture de Paris, le Président Emmanuel Macron propose de livrer un plan d’action contre un ennemi à qui il a désormais trouvé un nouveau nom : le séparatisme.
Le Président avait déjà, à plusieurs reprises, évoqué sa volonté de combattre ceux qui veulent faire sécession. Mais avec le « séparatisme », nous avons un nouveau mot qui ne manque pas de violence et qui a, contrairement à « communautarisme », un sens politique plus précis car il place l’enjeu sur un dénominateur censé faire consensus : personne ne peut en effet en vouloir au chef d’État d’établir un plan pour l’unité de la Nation et contre la division.
Une partie du débat public est une affaire de mots, et le choix de ceux-ci a une importance capitale dans la manière dont il va être mené, notamment dans les médias. Pourquoi ce mot apparaît-il aujourd’hui, entre autres à quelques semaines des élections municipales ? Quel est exactement le problème qu’il soulève ?
En y regardant de plus près, la notion de séparatisme intervient dans une histoire récente où le « problème musulman » est amplifié et où sont régulièrement évoqués, sous forme d’accusations, des mots et expressions dont la définition demeure très floue : « islamisme », « islam politique », « communautarisme », etc. Si on prend simplement la notion d’ « islam politique », on peut très vite être confronté à des définitions très divergentes : les sciences politiques parleront des courants, notamment dans les pays musulmans, qui fondent des partis démocratiques sur la base de valeurs musulmanes ; ce qui serait un équivalent musulman des partis chrétiens démocrates, par exemple. Dans le débat public français, « islam politique » est connoté très négativement, et désigne un projet qui aurait pour objectif d’installer la « sharia » (mot qui nécessite également d’être défini correctement) en France.
Dans cette « histoire de mots », il devient impossible de parvenir à un débat serein, sérieux et profond. Le mot « séparatisme » intervient dans ce flou, et ne fait pas grand chose pour le clarifier. Mais il a le mérite de faire résonance avec une idée qui, en réalité, a déjà fait son chemin depuis plusieurs années dans les théories de la droite extrême : l’idée qu’il existerait des « territoires perdus de la République », voire des « territoires conquis », des territoires qui voudraient se séparer de la Nation. Cette idée, en plus de nourrir le fantasme du « grand remplacement », définit à nouveau la France comme une zone de guerre (la notion de « territoire » renvoie aux notions de conquête et de colonisation) qu’il faudrait désormais, dans ce plan que veut proposer Macron, reconquérir.
La notion de « séparatisme », replacée dans son contexte guerrier, résonne donc assez fortement avec le discours d’Eric Zemmour à la Convention de la Droite, lorsqu’il a établi un lien, dans un ton qui n’a rien à envier aux discours fascistes, entre la présence musulmane en France et… la colonisation, par les Européens, des Amérindiens. Ce lien avait déjà été établi par le groupuscule identitaire extrémiste « Volontaires pour la France », qui exhorte les « français de souche » à se réveiller s’ils ne veulent pas finir exterminés comme les Amérindiens.
Évidemment, cette comparaison est d’autant plus ridicule que si elle devait être faite, ce serait plutôt les populations indigènes musulmanes qu’il faudrait rapprocher des Amérindiens. Mais quand on veut présenter « le musulman » comme un envahisseur, il ne faut surtout pas le placer dans l’histoire des colonisations et de l’immigration. Car alors, la notion de séparatisme prendrait un sens tout autre : celui de la discrimination, de la ghettoïsation et de l’apartheid.
Tant que les autorités refuseront de voir qu’il n’existe en France aucun groupe qui souhaite s’auto-exclure, et que les processus de repli communautaire sont les effets des politiques discriminatoires et racistes, la lutte contre le séparatisme telle qu’elle est annoncée ne fera que nourrir davantage de séparation, comme celle-ci est d’ailleurs mise à l’œuvre par le ministre de l’intérieur, qui se félicite du nombre de lieux de cultes et d’écoles privées qu’il est parvenu à faire fermer, par tous les moyens possibles (en invoquant une nouvelle notion lors de son audition : « l’entrave systématique »). Ces méthodes, héritières de l’état d’urgence, n’ont rien d’une lutte contre le séparatisme, au contraire. Et au lieu de s’attaquer aux sources du problème, on ne fera qu’alimenter un cercle vicieux qui risque de nourrir les extrémismes.
Que cache la notion de " séparatisme " ?
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