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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Les nouvelles orientations de l’impérialisme français en Afrique (Saïd Bouamama)

27 Février 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Afrique, #Colonisation, #Questions internationales

L’annonce, par simple communiqué, daté du 2 février 2020 de l’envoi de 600 militaires français supplémentaires (portant ainsi les forces de l’opération « Barkhane » à 5100 soldats) au Sahel a soulevé peu de débats contradictoires et encore moins d’oppositions. Aucune initiative militante n’a accompagné cette annonce. Pourtant la question de la clarification des buts de guerre de la France dans la région est posée explicitement par la France Insoumise depuis 2013[i] ou par le PCF depuis la même période. Le communiqué du Collectif Afrique du PCF daté du 28 novembre 2019 affirme par exemple : « la réponse militaire est un échec[ii].» Les différentes organisations dites « d’extrême-gauche » ont également dénoncées la présence française en Afrique de l’Ouest. Nous sommes donc dans une situation de « dénonciation sans action » au même moment où dans plusieurs pays de la région des manifestations populaires exigent le départ des troupes françaises de la région.

La présence militaire occidentale en Afrique

L’opération « Barkhane » n’est qu’un des aspects de la présence militaire française sur le continent africain. Elle se greffe et renforce le dispositif des bases militaires permanentes françaises qui sont officiellement au nombre de quatre pour un effectif de 3000 soldats (Djibouti, Abidjan, Libreville et Dakar). Il convient cependant d’ajouter à ces bases, les « Forces armées de la zone sud de l’océan indien » (FAZSOI) stationnées à la Réunion et à Mayotte avec un effectif de 1900 hommes. Les bases permanentes et les « bases temporaires » (un temporaire de plus en plus durable dans le cas de « Barkhane) des « Opérations extérieures » (OPEX) permettent un quadrillage du continent du Sahel à la Corne de l’Afrique. Ce sont ainsi près de 10 000 soldats français qui sont durablement présent sur le continent, faisant de la France le pays maintenant en permanence le plus grand nombre de militaire en Afrique. Désormais seules l’Afrique australe et l’Afrique du nord échappent à ce quadrillage.

A ces chiffres, il convient également d’ajouter la présence militaire des autres pays de l’Union Européenne qui pour être « ponctuelle » n’en est pas moins régulière. Le plus souvent l’intervention militaire européenne prend la forme d’une aide au financement des opérations militaires menées par la France. Elle peut cependant aussi se traduire par une intervention militaire directe comme dans le cas de l’opération « ARTEMIS » en République Démocratique du Congo en 2003 dans laquelle sont présent des militaires venant de « l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Hollande, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède[iii] ». Ces interventions militaires européennes se déploient sous coordination française : « La France, la plus engagée, prend la fonction de « nation cadre[iv] » explique l’historienne Martine Cuttier. Paris devient ainsi un sous-traitant de l’intervention militaire européenne et l’armée française une armée mercenaire.

La présence militaire états-unienne sur le continent n’est pas en reste. Au cœur du dispositif états-unien se trouve la base de Djibouti avec un effectif de 4000 hommes destinés à couvrir des opérations aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient. Elle n’est pas la seule. « Les Etats-Unis détiennent au total 34 sites militaires entre les 14 bases principales et les 20 camps, avant-postes[v] » résume le magazine Tribune Afrique du 3 décembre 2018. Dirigé par l’AFRICOM (Commandements des Etats-Unis pour l’Afrique) installé à Stuttgart en Allemagne ce maillage militaire «permet aux forces déployées vers l’avant de fournir une flexibilité opérationnelle et une réponse rapide aux crises impliquant du personnel ou des intérêts américains[vi] » résume Thomas Waldhauser commandant de l’AFRICOM.

Cette importance de la présence militaire occidentale sur le continent est incomparable avec celle des autres grandes puissances. La Russie ne dispose ainsi d’aucune base militaire en Afrique et la Chine d’une seule à Djibouti ouverte en 2017 et comptant 400 soldats. Comparant la présence états-unienne, russe et chinoise, une étude de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) synthétise comme suit ses conclusions :

Enjeu géopolitique durant la guerre froide, l’Afrique émerge aujourd’hui à nouveau comme un espace majeur de compétition stratégique, attirant des grandes puissances non européennes comme les États-Unis, la Chine et la Russie. Ces derniers cherchent sécuriser leur accès au théâtre africain par le biais de financements et d’accords diplomatiques, la construction de bases logistiques et l’exercice de leur soft power. Ils y conduisent également des opérations militaires. Celles-ci sont significatives et coercitives pour ce qui est des États-Unis, avant tout engagés en Afrique au titre du contre-terrorisme. La Chine se concentre pour sa part sur les opérations de maintien de la paix et l’évacuation de ses ressortissants en cas de crise. La Russie se limite encore à des actions de conseil[vii].

Il faut bien entendu ajouter l’Union Européenne (et la place de « nation cadre » qu’y occupe la France) à cette « compétition Stratégique » en Afrique. La disproportion des présences militaires entre les différentes puissances, souligne que la stratégie militaire occidentale n’est pas une réponse à une stratégie militaire russe ou chinoise comme à l’époque de la dite « guerre froide ». La stratégie militaire apparaît dès lors comme une réponse au développement des présences économiques russe et chinoise. Voici en effet comment le conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, explique les motivations de la stratégie états-unienne en Afrique : « Les pratiques prédatrices de la Chine et de la Russie freinent la croissance économique en Afrique, menacent l’indépendance financière des pays africains, inhibent les investissements américains et interfèrent avec les opérations militaires des États-Unis. Elles font peser une menace réelle sur nos intérêts de sécurité nationale[viii]. »

Comme le disait déjà le théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz : « la guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques avec l’appoint d’autres moyens[ix]. »

Les intérêts économiques des multinationales française en Afrique

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