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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Eric Zemmour ou le dissident omniprésent (Sébastien Fontenelle)

14 Février 2020 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Extrême-droite, #Islamophobie, #Antisémitisme et négationnisme

L’appel à la haine la plus atroce et la plus déchaînée que LCI a relayé en septembre dernier en retransmettant l’intervention d’Eric Zemmour à la « Convention de la droite » a choqué. Heureusement. Mais l’islamophobie d’Eric Zemmour ne date pas d’hier – elle n’est pas d’ailleurs pas cantonnée à ce sinistre personnage. Comme beaucoup s’attachent depuis des années à le dénoncer, elle est largement partagée, dans des registres plus ou moins brutaux, par une grande partie de l’éditocratie. C’est ce que Sébastien Fontenelle et ses co-auteur-es avaient fort bien analysé dans le tome 2 des Editocrates, excellent livre à lire et à relire, à l’heure où une ministre (Marlène Schiappa) juge bienséant d’aller apporter la contradiction – et au passage un brevet d’interlocuteur respectable – à l’activiste fasciste, chez lui, dans son émission.

Soudain, le 26 mai 2017, Éric Zemmour succombe à un accès de proféminisme. Quelques jours plus tôt : des habitantes du quartier Chapelle-Pajol, à Paris, ont mis en ligne une pétition qui dénonce les harcèlements de rue dont elles sont victimes. Le sang de Zemmour ne fait qu’un tour : il se précipite, dans Le Figaro, où il officie depuis 1996, au secours de « ces femmes qui n’ont plus droit de cité » dans leur propre ville [[Pour voir les références de tous les extraits cités, voir le livre]. Et cela surprend ceux qui le connaissent, car il peut arriver qu’il se montre moins attentionné.

« Le masculin est lié au pouvoir »

L’appel à la haine la plus atroce et la plus déchaînée que LCI a relayé en septembre dernier en retransmettant l’intervention d’Eric Zemmour à la « Convention de la droite » a choqué. Heureusement. Mais l’islamophobie d’Eric Zemmour ne date pas d’hier – elle n’est pas d’ailleurs pas cantonnée à ce sinistre personnage. Comme beaucoup s’attachent depuis des années à le dénoncer, elle est largement partagée, dans des registres plus ou moins brutaux, par une grande partie de l’éditocratie. C’est ce que Sébastien Fontenelle et ses co-auteur-es avaient fort bien analysé dans le tome 2 des Editocrates, excellent livre à lire et à relire, à l’heure où une ministre (Marlène Schiappa) juge bienséant d’aller apporter la contradiction – et au passage un brevet d’interlocuteur respectable – à l’activiste fasciste, chez lui, dans son émission

« Des propos qui donnent la nausée »

Le 6 mai 2014, il déclare, sur RTL, où il continue donc d’occuper l’antenne, que « seules les sociétés homo­ gènes comme le Japon ayant refusé de longue date l’immigration de masse et protégées par des barrières naturelles » échappent à la « violence de la rue ».

Il ajoute : « Notre territoire, privé de la protection de ses anciennes frontières par les traités européens, renoue dans les villes, mais aussi dans les campagnes, avec les grandes razzias, pillages d’autrefois, les Normands, les Huns, les Arabes - les grandes invasions d’après la chute de Rome sont désormais remplacées par des bandes de Tchétchènes, de Roms, de Kosovars, de Maghrébins, d’Africains, qui dévalisent, violentent ou dépouillent. »

Cela lui vaut une remontrance du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), où l’on estime que ces propos sont « de nature à encourager des comportements discriminatoires vis­ à-vis des populations expressément désignées », et pourraient « inciter à la haine ou à la violence à l’encontre de celles-ci ».

La direction de RTL, quant à elle, se voit reprocher d’avoir « manqué », en »permettant la diffusion » de tels propos, à son « obligation de maitrise de l’antenne ».

Après quoi : tout continue.

Au mois d’octobre 2014, Zemmour, que rongent toujours les mêmes hantises, déclare, dans le cours d’un entretien avec un journaliste italien du Corriere della sera, que les musulmans « ont leur Code civil, c’est le Coran », et qu’ils « vivent entre eux dans les banlieues » d’où « les Français ont été obligés de s’en aller ».

Puis de conclure : « Cette situation de peuple dans le peuple, des musulmans dans le peuple français, nous conduira au chaos et à la guerre civile. »

Poursuivi par des associations antiracistes, il écopera d’une amende pour avoir tenu des propos qui avaient, diront ses juges, « pour objet principal d’opposer les musulmans et les Français « -mais cette condamnation sera finalement annulée par la Cour de cassation.

Durant cette même année 2014, Éric Zemmour fait partout la promotion de son nouveau livre : Le Suicide français. Dans cet ouvrage - où se retrouvent par ailleurs ses habituelles obsessions -, il vilipende l’historien américain Robert O. Paxton, dont les travaux, fameux, ont mis en évidence la responsabilité particulière du régime de Vichy dans la persécution et la déportation des juifs de France.

Zemmour, pris de colère, fustige cette « doxa » qui selon lui postule abusivement que « l’action de Vichy est toujours nuisible et (que) tous ses chefs sont condamnables » : l’éditocrate réactionnaire, sensiblement moins sévère, juge quant à lui, plus hardiment, que l’habile « stratégie adoptée par Pétain et Laval face aux demandes allemandes » a permis de « sauver les juifs français » en livrant plutôt « les juifs étrangers » à l’occupant nazi.

Paxton, interviewé par ‘Le Nouvel Observateur, balaie cette argumentation misérable. « Il suffit, explique-t-il, de lire les lois promulguées par Vichy entre 1940 et 1942, qui imposent des exclusions sur tous les juifs, y compris les juifs de nationalité française. Le statut des juifs qui les exclut des services publics, l’instauration de quotas à l’université, la loi du 22 juillet 1941 sur l’aryanisation des biens juifs :tous ces textes ne font aucune distinction entre juifs français et juifs étrangers. Dans leur application, ces mesures frappent durement les juifs de nationalité française, car ce sont eux qui sont les plus impliqués : ce sont des instituteurs, des conseillers d’État, des officiers de l’armée... Des gens qui ont des propriétés et qui sont les premiers à souffrir de l’aryanisation. »

Mais Éric Zemmour, plutôt que de se reprendre, fait une nouvelle fois le choix de radicaliser encore son discours. Le 1 juin 2016, il débat avec le grand rabbin de France, Gilles Bemheim, dans une synagogue parisienne, devant « 100 personnes captivées » par cette « belle affiche ».

Là, comme le relèvera ensuite, horrifié, le journaliste Claude Askolovitch, Zemmour, figé dans ses manies, « évoque » notamment les « prémices des lois antijuives de Pétain ». Il déclare :

À l’époque, on estime que les juifs ont pris trop de pouvoir, qu’ils ont trop de puissance, qu’ils dominent excessivement l’économie, les médias, la culture française comme d’ailleurs en Allemagne et en Europe. Et d’ailleurs c’est en partie vrai [...]. Il y avait des Français qui trouvaient que les juifs se comportaient avec une arrogance de colonisateur. Et arrive

encore l’immigration des juifs d’Europe de l’Est et de l’Allemagne. La France est le pays qui a reçu le plus de réfugiés. Et c’est la France qui a subi le plus de conséquences. Les médecins français se plaignaient que les médecins juifs leur volent leur clientèle. Il y avait des concurrences terribles. Il y avait des trafics. Il y avait l’affaire Stavisky. Tout ça n’a pas été inventé par les antisémites. Et les juifs français étaient les premiers à se plaindre des problèmes que causaient les juifs ashkénazes. »

Commentaire de Claude Askolovitch, qui consacrera à cette terrible prestation un long article dont le titre qualifie Zemmour de « prêcheur pétalniste » : « Tout est dans une phrase : "Et d’ailleurs c’est en partie vrai"... Vrai donc qu’en 1940, les juifs sont des colonisateurs ? Arrogants ? Voleurs de pratiques ? Tenant les médias ? Si c’est "en partie vrai", Zemmour est "en partie" fasciste. Il défend "en partie" ce que les feuilles antisémites assénaient, avant la guerre et après la défaite. [...]Il est "en partie" compréhensif pour les raisons de ceux qui hurlèrent au massacre. »

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