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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Rapport de Caroline Fiat sur notamment l'aide médicale d'État (AME)

6 Novembre 2019 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Étrangers et immigrés

Extraits du rapport sur le PLF 2020.

b. L’AME, une prestation qui ne cesse d’être remise en cause

La rapporteure ne saurait contester le souci du Gouvernement d’une gestion maîtrisée des dépenses d’AME. Pour autant, elle ne peut manquer de relever que la stabilisation de la dépense proposée cette année intervient dans un contexte de contestation du dispositif dans son coût et dans son principe même. La discussion l’an dernier du projet de loi sur l’asile et l’immigration avait déjà été l’occasion d’entendre à ce sujet des amendements visant à la suppression de la prestation et à son remplacement par une aide restreinte aux seules urgences. Depuis plusieurs années, on ne compte plus les questions parlementaires, orales ou écrites, les propositions de loi, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, déposées dans le même but, visant à réduire le panier de soins ou à instaurer un ticket modérateur. Pour ne pas parler des multiples prises de position sans fondement qui ne contribuent qu’à hystériser dangereusement le débat public.

C’est dans ce contexte que le Président de la République, après avoir clairement indiqué en 2017 qu’il ne remettrait pas en cause l’AME, en a dernièrement demandé une évaluation, évoquant une refonte de cette prestation (13), et qu’une mission d’évaluation a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’Inspection générale des finances (IGF).

Le Président de la République a, par le fait même, suscité une très vive inquiétude de la part des associations de terrain (14), des professionnels de santé (15), plus largement de la communauté des chercheurs (16), comme d’une part non négligeable des parlementaires de sa propre majorité (17). Lors du débat parlementaire de l’an dernier, la ministre des solidarités et de la santé avait exprimé son opposition à la restriction de l’AME aux soins urgents qui n’aurait d’autres effets que « l’engorgement des urgences, augmenter le coût des soins et favoriser l’émergence de maladies contagieuses ». (18) Elle a de nouveau plaidé dans le même sens devant la représentation nationale lors du débat du 7 octobre dernier sur la politique migratoire, en soutenant qu’il s’agissait d’une procédure indispensable pour « des raisons humanitaires parce que, en France, on ne laisse pas des personnes périr parce qu’il leur manque le bon tampon sur le bon document », que c’est aussi « un impératif de santé publique que de ne pas laisser des maladies s’aggraver et potentiellement se propager » ainsi qu’une question d’humanité. La rapporteure tient à saluer cette parole forte.

Quand bien même le Gouvernement semble désormais temporiser sur la question, dans l’attente des conclusions de la mission d’évaluation dont le rapport devrait être rendu dans quelques semaines, la rapporteure considère important de discuter point par point les arguments présentés par ceux qui entendent limiter, voire supprimer l’AME.

Certes, le budget consacré à l’AME est conséquent. « Un milliard d’euros ! » entend-on souvent assené par ceux qui contestent cette dépense. Pour autant, il importe en premier lieu de remettre ces données en perspective : la consommation globale de soins et de biens médicaux s’est élevée à 203,5 milliards d’euros en 2018 (19) et l’AME, avec 0,9 milliard d’euros, n’en représente donc que 0,4 %. Ce rappel est d’autant plus important qu’il ne faut pas perdre de vue que le bilan de l’AME est positif en regard des objectifs humanitaire, sanitaire et économique qui lui sont assignés : c’est un dispositif qui permet la prise en charge de personnes en grande précarité sur notre territoire. En cela, il joue un rôle essentiel en termes de santé publique tout en maîtrisant la dépense publique en amont en évitant les surcoûts liés aux retards de soins.

2. Que d’idées reçues !

a. Une prestation sociale trop attractive ?

i. Le panier de soins de l’AME

En premier lieu, l’aide médicale de l’État serait une prestation sociale trop attractive, qui créerait un appel d’air, les candidatures à l’immigration étant favorisées par un système social trop généreux. En témoignerait l’augmentation régulière du nombre de bénéficiaires et des dépenses depuis la création du dispositif. Il importe d’examiner ce qu’il en est concrètement.

Aux termes de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles, la prise en charge au titre de l’aide médicale de l’État, assortie de la dispense d’avance de frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne la couverture :

● Des frais de médecine générale et spéciale, des frais de soins et de prothèses dentaires, des frais pharmaceutiques et d’appareils, des frais d’examens de biologie médicale, y compris la couverture des frais relatifs aux actes d’investigation individuels, des frais d’hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d’éducation professionnelle, ainsi que des frais d’interventions chirurgicales, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d’examens et de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives.

● Des frais de transport des personnes dans l’obligation de se déplacer pour recevoir des soins ou subir des examens justifiés par leur état ou se soumettre à un contrôle prescrit, dans des conditions précisées par décret.

● Des frais de soins et d’hospitalisation afférents à l’interruption volontaire de grossesse.

● Des frais relatifs aux actes et traitements à visée préventive – actes de dépistage, consultations de prévention, vaccination.

● Des risques et conséquences de la maternité : frais médicaux, pharmaceutiques, d’analyse et d’examens de laboratoires, d’appareils et d’hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l’accouchement et à ses suites.

● Le forfait journalier hospitalier, le forfait sur les actes coûteux, la participation forfaitaire de 1 euro ainsi que la franchise.

L’AME prend en charge les frais de santé à hauteur de 100 % du tarif sécurité sociale, excluant les dépassements d’honoraires. Elle inclut le ticket modérateur, à l’instar des bénéficiaires de la CMU-C, les populations à qui s’adressent ces deux dispositifs étant des personnes très démunies disposant de moins de 746 euros mensuels pour une personne seule.

Il ressort de ces dispositions que sont expressément exclues de ce panier de soins toutes les autres dépenses et notamment celles qui alimentent les fantasmes les plus délirants (20) : il n’a évidemment jamais été question de prendre en charge les prothèses mammaires non plus que « toute la palette de soins », comme on peut le lire ou l’entendre çà et là. Les bénéficiaires de l’AME ont un panier de soins plus réduit que celui des bénéficiaires de la CMU-C et une prise en charge beaucoup plus faible sur la part complémentaire que celle assurée par la CMU-C sur les prothèses dentaires et les lunettes. Ils n’ont pas non plus accès aux programmes de prévention de l’assurance maladie : prévention buccodentaire pour les enfants ; dépistage gratuit des cancers du côlon et du col de l’utérus. En outre, sont exclus du panier de soins de l’AME les frais de traitement et d’hébergement des personnes handicapées, y compris des enfants ; les frais d’examens de prévention bucco-dentaire pour les enfants ; les indemnités journalières ; les cures thermales ou encore tout type de frais relatifs à la procréation médicalement assistée (PMA).

Outre le fait que les bénéficiaires de l’AME ne jouissent pas de l’intégralité du panier de soins offert aux assurés sociaux, il faut également souligner qu’ils ne disposent pas de la carte Vitale, n’ont pas non plus accès aux fonds d’action sanitaire et sociale des caisses de sécurité sociale ni aux examens de santé périodiques et gratuits de la sécurité sociale. Ces aspects ne sont pas sans incidences en termes d’efficacité de la couverture, dans la mesure où le traitement de leurs dossiers est plus complexe et où les délais de remboursement des professionnels de santé sont allongés, ce qui peut induire des refus de soins.

ii. On n’immigre pas en France pour se soigner !

Cela étant, si le panier de soins était aussi attractif que le soutiennent les contempteurs de l’AME, les migrants en situation irrégulière attendraient-ils de longs mois pour faire jouer leurs droits ? Seraient-ils aussi nombreux à ne pas en bénéficier ?

Car telle est bien la réalité. Toutes les observations et enquêtes qui ont été menées sur le sujet depuis des années convergent et démontrent que ce n’est pas pour des raisons médicales ni pour bénéficier d’un système de santé exagérément généreux que les migrants viennent vers notre pays. La rapporteure souhaite sans plus tarder s’inscrire en faux contre ce présupposé et cette rumeur aussi pernicieuse qu’insistante.

Les témoignages qu’elle a recueillis des plus importantes associations de terrain – Médecins du monde, France Assos Santé, l’UNIOPSS (21) ou encore le Samu social de Paris – sont unanimes. Les études de Médecins du monde montrent que seuls 3 % des patients déclarent avoir quitté leur pays pour des raisons de santé : « Comme en 2013 et 2014, dans les pays européens, les raisons ayant motivé la migration les plus fréquemment citées sont économiques (53,1 %) et politiques (20,5 %), ainsi que le fait de fuir la guerre (13,7 %). [...] Comme chaque année, les raisons de santé sont extrêmement rares (Proportion moyenne brute : 3,0 % en Europe, taux similaire à ceux de 2008, 2012, 2013 et 2014, 0,6 % en Turquie). [...] Ces résultats contribuent à prouver que la migration pour soins est un mythe [...] ». (22)

Deux éléments indiscutables le confirment.

En premier lieu, le fait que la très grande majorité des migrants en situation précaire ayant droit à une couverture maladie n’en ont en fait aucune : 82 % de ces personnes selon Médecins du monde (23), confirmant les données d’autres sources (24). En d’autres termes, les migrants sont donc bien plus dans une situation de non-recours à leurs droits, qu’ils ignorent, que d’abus. En ce sens, les constats des associations continuent de corroborer, dix ans plus tard, ceux de l’IGAS et de l’IGF qui, dans leur dernier rapport sur le sujet avaient expressément indiqué en observation liminaire : « Plus qu’un risque d’abus de droit, la question qui se pose est celle du risque d’un renoncement aux soins faute d’insertion et d’inscription dans les démarches d’accès à une protection sociale. » (25) Selon les informations qui ont été données à la rapporteure, ces éléments devraient être confirmés par les résultats – qui restent à exploiter à la date de rédaction du présent avis – d’une étude que l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) a menée sur plus de 1 200 personnes sans-papiers en métropole bordelaise et à Paris intra-muros, pour évaluer l’accès réel aux soins et aux droits de santé des immigrants illégaux. Les données précises sont actuellement en phase d’exploitation et commenceront à être publiées dans les prochaines semaines, mais elles confirment en tout état de cause que, dans leur très grande majorité, les migrants arrivés en France depuis moins d’un an n’ont pas recours au dispositif et que leur taux d’ignorance est important (26).

La raison tient pour partie au fait que l’AME est une prestation qui doit être demandée et pour laquelle les potentiels bénéficiaires rencontrent dans la pratique de très nombreuses difficultés cumulatives – barrière de la langue, méconnaissance du système, notamment. S’y ajoutent les difficultés administratives et souvent non justifiées, voire illégales, dans l’instruction de leurs dossiers. Le Défenseur des droits a ainsi fait état lors de son audition de pratiques discriminatoires et arbitraires, « parfois ubuesques », de la part de l’administration, et des interventions réitérées qu’il a effectuées auprès de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) pour qu’elle rappelle à l’ensemble des caisses le respect strict des dispositions réglementaires auxquelles elles doivent se tenir (27). Ce que les associations traduisent en considérant pour leur part que tout est fait pour créer les conditions d’un renoncement à leurs droits par les titulaires. La rapporteure veut espérer que la centralisation de la procédure d’instruction des dossiers sur les trois caisses de Paris, Bobigny et Marseille, qui sera achevée à la fin de l’année, permettra une harmonisation des pratiques.

L’ignorance de leurs droits et de l’existence du dispositif se traduit, en second lieu, par le fait que dans leur très grande majorité, les migrants découvrent leur état de santé dégradé lorsqu’ils consultent enfin, tardivement, et le plus souvent à l’hôpital, bien longtemps après leur arrivée dans le pays. Selon les études de Médecins du monde, « deux tiers des patients (68,7 %) atteints d’une maladie chronique n’en avaient pas connaissance au moment de leur arrivée dans le pays d’accueil, ce qui montre une fois de plus que la migration pour raison de santé n’est pas une réalité pour les patients que nous rencontrons » (28). Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale, confirme (29) que les personnes bénéficiaires de l’AME présentent effectivement en moyenne un état de santé plus dégradé que celui de la population générale, comme en témoignent le fort taux de prise en charge des soins en établissements hospitaliers – les deux tiers de la prise en charge globale –, le taux de séjours hospitaliers présentant une sévérité particulière – près du quart des séjours étant des séjours longs du fait de complications ou comorbidités associées –, ou encore le recours accru aux médicaments prescrits pour le traitement de pathologies sévères. Le tableau ci-après met ainsi en évidence la part importante des hospitalisations – deux tiers – par rapport aux soins de ville.

RÉPARTITION ET ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’AME PAR CATÉGORIE

RÉPARTITION ET ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’AME PAR CATÉGORIE

Par ailleurs, le diagramme ci-après détaille pour l’année 2018 la répartition de la dépense hospitalière.

DÉCOMPOSITION DES DÉPENSES D’HOSPITALISATION (PUBLIC ET PRIVÉ), PAR CHAMP D’ACTIVITÉ Source : Direction de la sécurité sociale, données CNAM ; ATIH, DCIR-SNIIRAM + PMSI

DÉCOMPOSITION DES DÉPENSES D’HOSPITALISATION (PUBLIC ET PRIVÉ), PAR CHAMP D’ACTIVITÉ Source : Direction de la sécurité sociale, données CNAM ; ATIH, DCIR-SNIIRAM + PMSI

Pour les acteurs de terrain, tels les associations du collectif France Assos santé ou le Samu social de Paris (30), les personnes bénéficiant de l’AME sont « ultra-précaires » : Le quart est à la rue, hors des radars de la médecine, et c’est le travail bénévole qui leur permet d’accéder aux soins. Cette invisibilité sociale a une conséquence majeure : le fait que la moitié d’entre eux présentent des retards de soins importants, que 80 % vont nécessiter un suivi à moyen ou long termes et que près des deux-tiers relèveraient du régime de l’affection de longue durée (ALD) s’ils étaient assurés sociaux.

Ces éléments sont en cohérence avec le fait que les principales pathologies dont ils sont affectés sont en lien étroit avec la grande précarité : VIH – dont il a été largement démontré qu’il est très majoritairement contracté sur le territoire national (31) – tuberculose ou césarienne. Il ne s’agit donc en rien d’un dispositif dont les profiteurs usent et abusent.

iii. La France, plus généreuse que ses voisins ?

Reste la question importante de savoir si notre pays est, en matière d’offre de soins aux migrants en situation irrégulière, particulièrement généreux.

Il ressort en fait des données qui ont été communiquées à la rapporteure sur ce point que le niveau de prise en charge proposé par l’AME – dont le principe est de faciliter une prise en charge en amont des pathologies pour éviter une aggravation et un surcoût – n’est pas très éloigné de celui pratiqué par les pays voisins.

En effet, ceux-ci couvrent généralement les soins considérés comme « essentiels », qu’ils soient dispensés en ville ou à l’hôpital, et cette acception excède largement le seul panier des « soins urgents ». Certains États membres offrent une prise en charge plus étendue que d’autres, comme l’Allemagne, l’Espagne et la Suède. En Belgique, le dispositif « d’aide médicale d’urgence » mis en place, dispensé par le centre public d’action sociale de rattachement, prévoit que la décision de prise en charge revient au professionnel de santé, en fonction du caractère d’urgence laissé à son appréciation, pour des soins préventifs, curatifs, en ambulatoire, hospitalisation ou ville. En Allemagne, les soins dits « urgents » sont pris en charge gratuitement, quand les autres soins sont soumis à autorisation préalable du centre d’hébergement ou du bureau d’aide sociale responsable. Cette procédure est toutefois variable d’un land à l’autre, certains délivrant des cartes électroniques dès le début de la prise en charge, quand d’autres l’octroient après douze mois de résidence. Au Royaume-Uni, les soins de premier recours, délivrés par un généraliste, sont gratuits pour tous, indépendamment de la régularité du séjour. Les soins de second recours, dispensés à hôpital, sont payants, hormis pour les soins dits « urgents ». En Suède, les soins de santé et dentaires urgents sont pris en charge gratuitement. Toutefois six comtés sur vingt et un offrent des soins complets, d’autres couvrent les citoyens de l’Union européenne vulnérables, et plusieurs ont des centres de soins dédiés.

En conclusion, la France fait surtout figure d’exception en matière de transparence et de lisibilité des dépenses allouées aux soins des personnes en situation irrégulière. Notre pays est en effet le seul pays à disposer de données consolidées au niveau national, faisant l’objet par ailleurs d’une ligne budgétaire dédiée.

b. Une prestation trop coûteuse ?

Parmi les griefs avancés par ceux qui cherchent à réduire les droits à la santé des migrants en situation irrégulière l’argument du coût occupe une place centrale. Cette question tout à fait légitime mérite que la rapporteure s’y attarde.

i. Un regard d’ensemble sur les dépenses

Nul ne saurait nier l’augmentation régulière et importante de la dépense au titre de l’AME depuis de nombreuses années, que le tableau présenté ci-après illustre. Il met en évidence que selon les années, dans le passé, la hausse a parfois été due à l’évolution importante des bénéficiaires d’une année sur l’autre, en 2013 par rapport à 2012 par exemple, et que dans d’autres cas, c’est l’évolution de la dépense moyenne par bénéficiaire qui a été dominante.

Cela étant, d’une manière générale, selon les informations communiquées par la direction de la sécurité sociale, entre 2009 et 2018, 87 % de la croissance de la dépense ont été dus à l’augmentation des effectifs des bénéficiaires, qui ont crû de 4,6 % par an en moyenne. Consécutivement, l’augmentation moyenne de la dépense elle-même apparaît modérée, + 0,5 % par an.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET DES EFFECTIFS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME Source : Direction de la sécurité sociale

ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET DES EFFECTIFS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME Source : Direction de la sécurité sociale

Depuis 2015, en sont notamment responsables la dépense en prestations hospitalières et en produits de santé, respectivement pour 59 % et 23 % de la croissance du coût moyen.

ÉVOLUTION DU COÛT ANNUEL DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT DEPUIS 2009 Source : Direction de la sécurité sociale

ÉVOLUTION DU COÛT ANNUEL DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT DEPUIS 2009 Source : Direction de la sécurité sociale

S’agissant de l’évolution du nombre des bénéficiaires, la direction de la sécurité sociale indique que, après avoir connu une forte dynamique, de + 1,6 % en moyenne par trimestre pendant sept ans, il est stabilisé depuis le premier trimestre 2016, prouvant l’efficacité des mesures gouvernementales de lutte contre l’immigration irrégulière et l’amélioration des contrôles. De fait, les prévisions pour 2020 s’établissent à 316 000 personnes.

ii. La consommation médicale par bénéficiaire

Il convient de relever que, loin d’être un puits sans fond, le dispositif de l’AME est utilisé par ses bénéficiaires, malgré leur état de santé dégradé, de manière relativement parcimonieuse et on ne saurait les accuser d’abus de ce point de vue. Selon les données de la direction de la sécurité sociale, la dépense moyenne par bénéficiaire, malgré l’importance de la part prise par les hospitalisations, reste inférieure à la dépense moyenne par assuré social.

Ainsi, en 2019, compte tenu de la prévision du nombre de bénéficiaires, le coût moyen par personne s’établit à 674 euros au premier trimestre, et 661 euros au second trimestre. Sur l’année entière, le coût moyen par bénéficiaire trimestriel est prévu à 685 euros en moyenne, soit en augmentation de 1,7 % par rapport à 2018. En rythme annuel, le coût de l’AME par bénéficiaire est en conséquence de 2 740 euros. Pour l’année 2020, la direction de la sécurité sociale prévoit un coût moyen par bénéficiaire trimestriel de 709 euros, soit 2 836 euros sur l’ensemble de l’année, étant entendu qu’il a été indiqué à la rapporteure que cette évolution de 24 euros par rapport à 2019 serait majoritairement due à la croissance du coût moyen hospitalier, mais également à la hausse du niveau des prix des médicaments pour les traitements lourds, ainsi que, dans une moindre mesure, à la hausse du niveau des prix des prestations des professionnels de santé du fait des revalorisations conventionnelles.

La rapporteure invite à une comparaison simple : selon les données de la direction de la sécurité sociale (32), l’an dernier, 198,3 milliards d’euros de prestations nettes ont été versées au titre de l’assurance maladie par le régime général. Dans la mesure où le régime général compte 62,4 millions d’assurés, la dépense annuelle moyenne par assuré social a donc été de 3 178 euros en 2018. Dans le même temps, à raison de 674 euros par trimestre, celle des bénéficiaires de l’AME s’est élevée à 2 696 euros.

c. Les fraudes à l’AME ? Parlons-en !

Enfin, l’AME serait une prestation sociale pour laquelle la fraude serait particulièrement importante. C’est en tout cas l’un des arguments les plus fréquemment avancés par ceux qui la contestent. Ici encore, cette accusation résiste mal à l’examen attentif de la réalité.

i. Un dispositif d’ores et déjà très contrôlé

En premier lieu, il n’est pas inutile de rappeler que l’AME fait l’objet de contrôles aussi nombreux que réguliers, au point que l’on peut se demander, à l’instar du Défenseur des droits lors de son audition (33), s’il est beaucoup de prestations sociales qui soient l’objet d’une telle attention. Le Parlement en vote chaque année le budget spécifique et il ne s’interdit pas d’effectuer les évaluations qu’il juge nécessaires. En témoignent par exemple les rapports de nos collègues Claude Goasguen et Christophe Sirugue en juin 2011, février 2012 et novembre 2015 pour le compte du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, comme le nombre de questions écrites ou orales posées dans les deux assemblées qui confirme, s’il en était besoin, la préoccupation des élus nationaux. La Cour des comptes y consacre également chaque année quelques développements dans son rapport annuel sur le budget de l’État.

Les inspections générales sont en outre, fréquemment saisies de ce sujet : l’IGAS a produit un premier rapport sur L’évolution de l’aide médicale d’État, commandé dès 2002 et rendu en février 2003. Ultérieurement, après un rapport commun concluant une mission d’audit de modernisation de La gestion de l’aide médicale d’État en mai 2007, l’IGAS et l’IGF, ont été chargées d’une deuxième étude sur L’analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale de l’État, publiée en novembre 2010, que la rapporteure a eu l’occasion de citer. Comme évoqué, le Gouvernement a de nouveau chargé les deux inspections générales au début de l’été d’une autre mission dont les conclusions devraient être connues au début du mois de novembre. Si les contours en sont encore flous, Agnès Buzyn a toutefois indiqué lors du débat sur l’immigration le 7 octobre dernier qu’il a été demandé aux inspections générales « d’apporter les éclairages utiles sur d’éventuelles fraudes ou abus, pour étudier les dispositifs en vigueur dans les autres pays européens et pour proposer des pistes de progression ».

Par ailleurs, des contrôles ciblés sont effectués a posteriori, au travers des programmes nationaux visant tant les assurés que les bénéficiaires de l’AME. Les bénéficiaires de l’AME sont ainsi englobés dans les programmes de contrôle de la Caisse nationale de l’assurance maladie.

Indépendamment de ces évaluations et contrôles de niveau « macro », l’AME est dans les faits très étroitement suivie.

ii. Des contrôles de terrain nombreux et sans cesse renforcés

En premier lieu, attribuée sous triple condition d’identité, de résidence stable en France et de ressources, l’AME fait l’objet, selon les informations communiquées à la rapporteure par la direction de la sécurité sociale, de contrôles renforcés aux étapes de demandes et de remise de la carte.

Les premiers contrôles sont réalisés au moment de l’instruction du dossier, et permettent de vérifier, sur la base des pièces justificatives devant être jointes au formulaire de demande, que les conditions d’attribution sont remplies, notamment la résidence stable en France depuis plus de trois mois et le montant des ressources, qui doit être inférieur aux plafonds de ressources de la CMU-C, soit 746 euros/mois au 1er avril 2019 pour une personne seule. À cet effet, des échanges d’informations ont lieu entre les caisses et les consulats, qui visent à détecter les fausses déclarations de résidence ou de ressources, et découlent des signalements internes et de ceux, externes, reçus des consulats, qui peuvent en effet s’assurer d’une éventuelle résidence à l’étranger à l’occasion d’une demande de visa ou d’une naturalisation par mariage, et sont à l’origine de nombreux signalements. Ceux-ci portent essentiellement sur la résidence et font l’objet d’un contrôle systématique. Concrètement, en 2018, les caisses d’assurance maladie ont ainsi interrogé les consulats sur 811 dossiers et obtenu 677 réponses. La même année, les caisses ont reçu 82 signalements de leur part. Ces interrogations et signalements concernent à la fois les assurés du régime général et les bénéficiaires de l’AME.

Un second niveau de contrôle intervient dès l’acceptation de la demande, par le biais des services de l’agent comptable. Un échantillon de 10 % des dossiers fait ainsi l’objet d’une double instruction afin de s’assurer de la présence et de la conformité des pièces justificatives, de l’exactitude des ressources déclarées et prises en compte par l’ordonnateur, du respect des critères de résidence – stabilité et régularité – et de la qualité de l’enregistrement du droit dans le système d’information.

Une fois le droit accordé, le bénéficiaire doit se rendre à la caisse d’assurance maladie dont il dépend pour retirer son titre d’admission à l’AME. Celui-ci lui est remis en mains propres, permettant de confronter le titulaire du titre à la photo transmise.

Ces contrôles font aujourd’hui l’objet d’un renforcement conséquent. En premier lieu, comme la rapporteure l’a signalé, la centralisation de l’instruction des demandes d’AME en métropole dans les caisses de Paris, Bobigny et Marseille qui sera achevée à la fin de l’année. Elle permettra, entre autres, de faire passer le taux de dossiers contrôlés a priori de 10 % à 12 %. En 2018, 10,8 % des dossiers d’AME ont été contrôlés, révélant 254 dossiers comportant des anomalies ayant une incidence financière (soit 1,06 % des dossiers contrôlés) pour un montant d’indus de 27 610 euros.

Dans ces contrôles, la question de la régularité du séjour fait l’objet d’une attention particulière. D’ici à la fin de l’année 2019, les caisses primaires auront accès à la base VISABIO dont la consultation leur permettra de détecter en amont les fraudes aux soins urgents et à l’AME liées à la dissimulation de visas. Dans l’attente, un dispositif de vérification ponctuelle a d’ores et déjà été mis en place entre les trois pôles centralisateurs de l’instruction des demandes d’AME et la sous-direction des visas du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Un nouveau modèle de carte, qui contiendra un hologramme et dont la production sera centralisée, et donc plus contrôlée, sera par ailleurs mis en circulation à partir de l’année prochaine (34).

iii. Une fraude plus que marginale

La fraude à l’assurance maladie est intolérable et doit être combattue, ne serait-ce que parce qu’elle représente aujourd’hui des sommes considérables, chiffrées dans le rapport annuel de la Caisse nationale de l’assurance maladie à quelque 261,2 millions d’euros en 2018, comme le montre le tableau reproduit ci-après. Près de 23 000 enquêtes ont été effectuées et 8 500 actions contentieuses ont été engagées. L’assurance maladie faisait récemment état de quelque 2,4 milliards d’euros de préjudices détectés depuis 2005 (35).

MONTANT DES FRAUDES DÉTECTÉES CHAQUE ANNÉE (Source : CNAM : « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’assurance maladie pour 2020 », juillet 2019, page 87)

MONTANT DES FRAUDES DÉTECTÉES CHAQUE ANNÉE (Source : CNAM : « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’assurance maladie pour 2020 », juillet 2019, page 87)

Une part – 11 millions d’euros en 2018 et 10,9 millions d’euros en 2017 –de ces fraudes porte sur l’attribution des droits, et dans cet ensemble, s’agissant de l’AME, les caisses ont détecté et évité 0,5 million d’euros de préjudice en 2018 concernant 62 bénéficiaires (0,46 million d’euros en 2017), soit 4,2 % du total. Ces fraudes – essentiellement dissimulation de visas, fausses déclarations en matière de résidence et de domiciliation, fraudes à la consommation de soins –donnent lieu à des actions systématiques de récupération du préjudice subi. Le cas échéant, des actions pénales sont engagées – onze cas de plaintes et signalements conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, ainsi que des notifications de pénalités financières dans 34 cas, en application des dispositions de l’article L. 114-17-1 du code de sécurité sociale (36).

Ces éléments mettent en évidence que, sauf à être d’une particulière mauvaise foi, il est difficile de considérer que l’AME est une prestation sur laquelle la fraude est massive : représentant moins de 500 000 euros sur un montant global de plus de 261 millions d’euros de fraude à l’assurance maladie, et 62 dossiers sur un total de plus de 320 000 bénéficiaires, la fraude à l’AME semble, tout au contraire, très marginale si ce n’est quasiment inexistante. En proportion des dépenses engagées à ce titre, quelque 900 millions d’euros, elle est de 0,06 %. Par comparaison, le taux de fraude à l’assurance maladie oscille entre 0,15 % et 0,2 %, et celui de la fraude à la CMU-C est de 0,3 %.

d. Réduire le panier de soins ou augmenter les frais pour les bénéficiaires ?

Enfin, les critiques de l’AME insistent sur la nécessité de réduire le panier de soins au strict minimum, ou d’instaurer une sorte de droit d’entrée ou de délai de carence pour les bénéficiaires. Ces questions méritent également d’être discutées et les propositions en ce sens doivent être rejetées.

i. Augmenter les coûts pour les bénéficiaires ? Une fausse bonne idée, déjà expérimentée

Plusieurs solutions sont avancées de manière récurrente pour réduire la dépense induite par l’AME, parmi lesquelles certaines ont d’ores et déjà été expérimentées et rapidement écartées.

C’est le cas par exemple de celles tendant à faire supporter un coût par les bénéficiaires.

En 2010, la mission conjointe IGAS-IGF avait vivement déconseillé l’introduction d’un droit d’entrée, argumentant qu’il s’agissait d’« une mesure qui présente des inconvénients majeurs, économiquement inefficace et dangereuse pour la santé publique » (37). Les deux inspections générales insistaient sur le fait que cela pourrait avoir pour effets d’une part un « accroissement des dépenses allant bien au-delà de l’économie escomptée, du fait d’un recours supplémentaire à l’hôpital, ou bien par des créances non recouvrées des hôpitaux », et d’autre part « des risques sanitaires sérieux du fait des retards induits sur le recours aux soins ambulatoires par la population concernée ». L’acquittement d’un droit de timbre forfaitaire de 30 euros pour l’ouverture du droit à l’AME, a néanmoins été introduit en 2011. Il a très vite été abandonné compte tenu de ses effets pervers, qui ont précisément été ceux annoncés par le rapport IGAS-IGF : En vigueur du 1er mars 2011 au 4 juillet 2012, la mesure a certes engendré des recettes fiscales – à hauteur de 7 millions d’euros – et entraîné une baisse des effectifs, le nombre des bénéficiaires diminuant de quelque 9 %. Cela étant, on a constaté dans le même temps que la dépense moyenne augmentait fortement du fait du report sur les urgences hospitalières des soins de ville devenus inaccessibles et d’une prise en charge de pathologies aggravées, cela étant corroboré par la diminution de 0,6 % des soins de ville et la hausse de 7 % des dépenses hospitalières entre 2010 et 2011. Le coût des dépenses pour soins urgents a ainsi crû de 18 % en 2011 (+ 14 millions d’euros) et de 33 % en 2012 (+ 30 millions d’euros). Consécutivement, comme l’a indiqué la direction de la sécurité sociale à la rapporteure, les dépenses d’AME ont au total, augmenté de 5 % en 2011 (+ 29 millions d’euros par rapport à 2010) et ce, en dépit de la baisse des effectifs. En outre, cette procédure s’est révélée complexe en gestion pour les caisses, entraînant un fort allongement du délai de traitement des dossiers.

Dans son discours lors du débat sur l’immigration, la ministre des solidarités et de la santé a expressément écarté le retour à un tel dispositif qui fait trop obstacle à un accès effectif aux soins des plus vulnérables, et la rapporteure se félicite de cette position de sagesse.

ii. Bien mesurer les conséquences de la réduction de l’offre de soins

Dans un passé récent, certains pays ont expérimenté la réduction de l’offre de soins dont peuvent bénéficier les migrants en situation irrégulière. Cela a notamment été le cas de l’Espagne.

L’un des volets de la réforme du système de santé introduite en 2012 par le gouvernement de Mariano Rajoy pour des raisons d’économies avait pour but de limiter le « tourisme sanitaire » et donc de réduire le panier de soins offert aux migrants en situation irrégulière qui, depuis 2002, bénéficiaient de droits rigoureusement égaux à ceux des nationaux, à la seule condition d’être enregistrés dans la municipalité de leur résidence. La réforme a restreint l’accès au système de santé aux seuls migrants titulaires d’un permis de résidence obtenu sous conditions de ressources ou d’emploi. Les sans-papiers ont vu leurs droits strictement réduits aux urgences pour maladies graves ou accidents, et aux soins en matière de maternité – grossesse, naissance et post-partum. Seuls les enfants jusqu’à 18 ans ont eu leurs droits maintenus dans des conditions identiques à celles des nationaux. Bien que certains gouvernements autonomes, qui disposent de très larges prérogatives en matière de santé, aient refusé d’appliquer cette législation, comme l’Andalousie ou la Catalogne, ou y aient introduit des exceptions, comme la Communauté valencienne ou Madrid, argumentant sur l’émergence possible d’une crise sanitaire, les effets en ont été considérables. Une étude comparative portant sur les trois années antérieures et les trois années postérieures au décret, a en effet montré un accroissement du taux de mortalité au sein de la population migrante de 15 %. Au total, l’application de cette réforme a induit le décès supplémentaire de quelque 70 personnes par an. Les auteurs concluent logiquement que l’étude suggère que la couverture maladie a un large impact sur la santé des populations vulnérables disposant de peu d’alternatives et qu’elle met clairement en évidence que des restrictions apportées à la couverture maladie spécifiquement ciblées sur les populations migrantes ont des conséquences fortement négatives sur leur santé (38). Le gouvernement espagnol est revenu sur cette mesure en septembre 2018 et a rétabli un système de santé universel.

On peut raisonnablement supposer qu’une telle mesure appliquée dans notre pays aurait de semblables effets. Ce sont d’ailleurs les mêmes arguments que la communauté médicale de notre pays défend aujourd’hui pour alerter sur l’hérésie, en termes de santé publique, que représenterait la réduction du panier de soins. Comme le rappelait une tribune récente, « Restreindre l’accès aux soins pour les sans-papiers aurait pour conséquence d’augmenter le risque de morbidité et mortalité chez les migrants, mais également, pour les pathologies transmissibles, les risques liés à la diffusion de celles-ci. » (39) C’est également la position qu’exprimait le groupe d’experts en santé publique réuni par l’Organisation internationale des migrations (OIM) et la Commission européenne qui recommandait en octobre 2016 que les principes d’une couverture de santé universelle et équitable soient appliqués à toute personne résidant de facto dans un pays, quel que soit son statut légal. Le document (40) attirait également l’attention sur le fait que limiter l’assistance médicale des migrants illégaux à la grossesse ou au traitement des maladies infectieuses, comme cela se pratique dans certains pays, ou encore aux urgences, était à la fois inefficace si l’accès aux soins primaires dans une optique préventive n’est pas garanti, mais aussi en contradiction tant avec les traités des Nations Unies qu’avec les principes de base de la santé publique moderne. Or, l’état de santé dégradé et l’extrême précarité dans laquelle vivent les populations concernées dans notre pays a d’ores et déjà des effets majeurs : selon l’Organisation mondiale de la santé, en France, le taux de mortalité maternelle est 2,5 fois supérieur pour les femmes réfugiées ou migrantes que celui des femmes nées en France et même 3,5 fois supérieur s’agissant des femmes originaires d’Afrique subsaharienne (41).

Enfin, dans Le Journal du dimanche (42), 805 médecins ont récemment rappelé que, au-delà du respect du serment d’Hippocrate, « une limitation du dispositif serait une catastrophe en termes de santé publique et d’organisation de notre système sanitaire », dans la mesure où la restriction de l’accès aux médecins généralistes « entraînerait une nouvelle charge de travail intenable pour les urgences hospitalières vers qui les patients se reporteraient inévitablement mais plus tardivement. Or, on le sait, les urgences sont déjà saturées et le personnel hospitalier ne pourra pas assumer le surcroît d’activité engendré. ». L’un des principaux effets serait aussi de renchérir considérablement la prise en charge des pathologies traitées à un stade plus avancé et impliquant de plus fréquentes hospitalisations. Et loin de permettre des économies budgétaires, elle augmenterait la dépense et emboliserait plus encore s’il est possible les services d’urgence de notre pays.

Les acteurs de terrain et les professionnels de santé sont unanimes à considérer que tout type de restriction au dispositif aurait des effets aussi néfastes que cumulatifs. Il est donc impératif de ne pas restreindre le modeste accès aux soins dont bénéficient les migrants. À ce propos, parmi les idées fréquemment avancées ces derniers mois, la question de la légitimité de la prise en charge psychiatrique par l’AME a notamment été posée. Indépendamment du fait que, sauf à injurier les centaines de milliers de patients concernés, on ne saurait considérer les soins psychiatriques comme des soins de confort, cette proposition omet de prendre en compte le fait que la précarité est une source majeure de troubles psychiques.

Il convient tout au contraire d’équilibrer les plateaux de la balance entre tous les bénéficiaires du système de santé de notre pays. Pour cette raison, la rapporteure tient à exprimer son soutien à l’intégration de l’AME à l’assurance maladie que défendent des acteurs aussi divers que les associations de terrain, le Défenseur des droits ou l’Académie nationale de médecine qui a récemment pris une position sans ambiguïté en affirmant : « Des efforts particuliers doivent être développés pour préserver la santé des populations les plus vulnérables : chômeurs, personnes âgées, femmes enceintes et enfants, familles monoparentales et malades en situation de précarité, migrants, exclus sociaux, en facilitant l’accès aux mesures déjà existantes, en adaptant leur large panoplie à la mosaïque des situations qui existent, en les coordonnant de façon efficace, en développant de nouveaux moyens facilitant l’accès à la santé. En pratique : [...] 2) L’accès aux droits sanitaires et sociaux des personnes en situation de précarité doit être facilité par la simplification des procédures administratives allant jusqu’à la fusion des dispositifs existants (AME, CMUc, ACS) et l’automaticité de l’attribution des droits, par la création d’outils numériques spécifiquement adaptés [...] » (43).

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