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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

La France Insoumise et l’Islamophobie : La « haute voltige » conceptuelle comme révélateur des ambiguïtés politiques (FUIQP)

1 Septembre 2019 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #FUIQP, #Islamophobie

La France Insoumise et l’Islamophobie : La « haute voltige » conceptuelle comme révélateur des ambiguïtés politiques (FUIQP)
Déclaration politique du 31 août 2019
La troisième édition des AMFiS d’été de la France insoumise a été une nouvelle fois un analyseur du rapport de la ligne dominante à la FI aux questions du racisme et de la « laïcité ». Nous disons une nouvelle fois car déjà l’édition 2018 avait été marquée par l’annulation à la dernière minute et sans explication de l’intervention de Saïd Bouamama, membre du FUIQP, entre autre pour ses analyses mettant en exergue que l’islamophobie était une des formes principales du racisme contemporain et qu’un certain discours sur la « laïcité » n’était qu’une modalité pour rendre « respectable » ce nouveau visage du racisme. Cette fois-ci c’est le philosophe Henri Pena Ruiz qui déclare dans son intervention qu’ « on a le droit d’être islamophobe » en expliquant que l’islamophobie étant la critique d’une religion et non des musulmans, elle ne pouvait pas être considérée comme du racisme. « On a le droit d’être athéophobe comme on le droit d’être islamophobe, en revanche on n’a pas le droit de rejeter des hommes et des femmes parce qu’ils sont musulmans » déclare le philosophe avec une posture d’autorité à prétention savante. Plus grave encore les réactions légitimes de colères que suscite cette provocation ne donnent pas lieu de la part de la FI à des explications. Au contraire, elles sont soit réduites à une opération consistant à « sortir une phrase de son contexte » (Danièle Simonnet), soit elles donnent lieu à des invectives comme celles de Sophia Chikirou dénonçant l’action de « petits caïds ». Le communiqué officiel du 29 août de la FI présentant la polémique comme un « malentendu » sur la signification du terme « islamophobie » ne doit masquer que nous sommes en présence d’un révélateur des ambiguïtés de la FI sur les questions liées de l’immigration, du racisme, de la laïcité, etc.
Ce n’est en effet pas la première fois que nous sommes confrontés à des prises de position publique inadmissibles de la FI sur ces questions : Dès 2014 Pena Ruiz se positionne pour l’interdiction d’accompagnement des enfants lors des sorties scolaires pour les mères portant le foulard : « Si l’on considère que les sorties scolaires font partie de l’enseignement, les accompagnateurs doivent être soumis aux mêmes règles déontologiques que les personnels de l’Éducation nationale. » ; En 2018 Adrien Quatennens s’exprime comme suit à propos de la campagne contre Maryam Pougetoux critiquée pour son port du foulard jugé incompatible avec sa responsabilité de dirigeante de l’UNEF : « Je considère que lorsque l’on est représentant politique ou syndical en fonction, on ne donne pas à voir ses convictions religieuses car on doit s’attacher à représenter tout le monde. » ; Le nouveau coordinateur de la FI récidive cette année à propos du Burkini en déclarant : « Il y a une provocation. Le burkini est aussi une caractéristique d'un intégrisme religieux. » Cela fait décidément beaucoup de « malentendus ».
Le débat sur la signification du terme « islamophobie » est à la fois ancien et significatif. Le terme est désormais utilisé dans la recherche universitaire, dans le vocabulaire des ONG, dans les rapports des Nations Unies, de l’Union Européenne et de nombreux autres organismes internationaux dans le sens que lui donne le dictionnaire Larousse « Hostilité à l’égard de l’islam et des musulmans ». Plus important encore, il est celui choisi par les « premiers concernés », c’est-à-dire par ceux qui sont
victimes de cette forme contemporaine du racisme. Il n’y a que dans les jongleries conceptuelles visant à minimiser et à euphémiser la réalité de ce visage du racisme, en invalidant le terme utilisé pour le désigner, que subsiste l’illusion de séparer la « haine de l’islam » et la « haine des musulmans ». Depuis que le racisme biologique (l’affirmation d’une hiérarchisation biologique des groupes humains) a cédé le pas au racisme culturaliste (l’affirmation d’une hiérarchisation des cultures et/ou religions), c’est toujours en s’attaquant à ces cultures que se légitime l’agression contre les porteurs de cette culture réels ou supposés. La réduction de l’islamophobie à la « critique de la religion musulmane » pour la rendre « légitime » et « respectable » se retrouve de manière significative chez Eric Zemmour qui déclare en avril 2019 : « L’islamophobie n’existe pas. Ce n’est pas un délit, c’est la volonté des minorités islamistes qui essayent de nous imposer ce délit d’islamophobie qui n’existe pas. […) On a le droit de critiquer l’Islam, on a le droit même de détester l’Islam, on a le droit d’avoir peur de l’Islam, comme on a le droit de détester, de critiquer le christianisme, le judaïsme, le protestantisme, etc. » On la retrouve également sous la plume d’un Bruckner : « le terme islamophobie a pour but de faire de l’islamun objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme. Cette création, digne des propagandes totalitaires, entretient une confusion délibérée entre une religion, système de piété spécifique, et les fidèles de toutes origines qui y adhèrent. » Elle est également présente chez Finkielkraut, Fourest, etc. On la retrouve enfin dans la prose des sites d’extrême-droite comme Français de souche. Cela fait quand même beaucoup pour un malentendu. Il ne s’agit pas d’un débat de vocabulaire mais d’une divergence politique et idéologique.
L’enjeu véritable de ce débat est selon nous la persistance d’une vision assimilationniste et civilisatrice au sein d’une partie non négligeable de la gauche. Au sein de celle-ci, les musulmans sont acceptables mais à condition d’être discrets, invisibles, silencieux, etc. L’enjeu est aussi celui de la tentation électoraliste conduisant à vouloir attirer une partie de l’électorat séduit par le racisme ambiant tout en espérant attirer l’électorat des quartiers populaires en évitant les clarifications qui fâchent. Cet exercice d’équilibriste peut marcher un certain temps mais se heurte inévitablement régulièrement aux débats, questions et choix qu’impose la vie concrète. Le FUIQP pour sa part considère que tous les discours sur la « convergence des luttes » sont vains, si des questions aussi cruciales dans la vie quotidienne des habitants des quartiers populaires telles que la lutte contre l’islamophobie, les violences policières ou les discriminations racistes systémiques sont occultées, silenciées ou euphémisées. Que ce soit à propos du Burkini, des sorties scolaires, du droit d’être islamophobe, etc. Il n’existe pas de position « modérée » qui se situerait au-dessus de la mêlée et permettant de marier la carpe et le lapin.
On ne peut pas être antiraciste et islamophobe.

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