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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Face à la manipulation par Israël de la définition de l’antisémitisme, la France marque officiellement un coup d’arrêt (AFPS)

20 Décembre 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antisémitisme et négationnisme, #Israël et le sionisme

Cela fait 15 ans que l’État d’Israël et le lobby pro-israélien agissent auprès de l’Union européenne pour promouvoir une définition manipulée de l’antisémitisme. Une définition banale mais assortie d’« exemples » qui entretiennent la confusion entre l’antisémitisme et la critique parfaitement légitime de l’État d’Israël et de sa politique. Avec un objectif simple : assurer l’impunité de l’État d’Israël et faire taire celles et ceux qui veulent s’opposer à ses crimes.

L’avant-dernier épisode a eu lieu le 6 décembre, lorsque le Conseil Justice et Affaires intérieures de l’Union européenne a adopté une déclaration sur la lutte contre l’antisémitisme, préparée et négociée dans le plus grand secret, qui inclut un article 2 invitant les États membres à adopter cette « définition ». Nous avons appris que les « exemples » avaient été explicitement écartés au cours de la négociation mais la propagande israélienne a agi comme si ces exemples avaient été adoptés.

Lors du Comité des Représentants permanents (Coreper 2) qui s’est tenu le 19 décembre à Bruxelles, le représentant de la France a tenu à rappeler que le Conseil Justice et Affaires intérieures a écarté les « exemples » qui lui avaient été initialement présentés. C’est une intervention que nous tenons à saluer, car elle marque un premier coup d’arrêt à la politique de manipulation mise en œuvre par le lobby israélien et ses alliés inconditionnels. Les autorités françaises, que nous avions alertées, et avec qui nous avons pu en parler, ont confirmé cette intervention.

La bataille n’est pas finie car le lobby pro-israélien va tout faire pour que les États membres de l’Union européenne adoptent la fameuse définition… assortie de ses exemples. Mais chacun saura maintenant qu’il s’appuie sur le mensonge et la manipulation.

Nous appelons toutes les personnes de conscience à ne pas laisser l’État d’Israël manipuler la lutte qui doit être menée de manière forte et sincère contre l’antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes. Nous appelons la France, et tous les États membres de l’Union européenne, à refuser explicitement et définitivement cette « définition », et à ne plus jamais laisser l’État d’Israël intervenir dans nos affaires intérieures.

Le Bureau national de l’AFPS
20 décembre 2018

>>Voir aussi : notre dossier sur la « définition IHRA » de l’antisémitisme

Association France Palestine Solidarité (AFPS),

21 ter rue Voltaire 75011 Paris

Tel : +33 (0)1 43 72 15 79-

Email : afps@france-palestine.org Site : www.france-palestine.org

LA « DÉFINITION IHRA » DE L’ANTISÉMITISME : AMALGAME ET MANIPULATIONS

L’HISTOIRE D’UNE MANIPULATION

Les origines

La promotion d’une définition israélo-centrée de l’antisémitisme trouve son origine, au début des années 2000, à travers les efforts d’un lobby de la droite colonialiste israélienne, le Jerusalem Center for Public Affairs (JCPA), qui souhaitait faire taire les critiques portées contre la politique israélienne, notamment en Europe.

Il a cherché à introduire sa définition, puis ses exemples, auprès d’un organisme européen chargé de mesurer l’évolution des phénomènes de racisme en Europe, l’EUMC. Les tentatives de faire adopter cette définition par l’EUMC ont fait l’objet de nombreuses controverses [1]. Puis le FRA (Agence européenne des droits fondamentaux), qui a pris la suite de l’EUMC, a retiré cette « définition » de son site internet.

L’adoption d’une définition par l’IHRA

Devant l’échec de leur tentative auprès des organismes européens en charge de la question de la lutte contre le racisme, les promoteurs de cette définition ont fait appel au lobbyiste pro-israélien Mark Weitzman qui présidait alors la commission sur l’antisémitisme et le négationnisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance, organisme intergouvernemental chargé de promouvoir la mémoire de l’holocauste). La décision a été proposée à deux Assemblées générales successives de l’IHRA, celle de Budapest (2015) puis celle de Bucarest (2016).

C’est donc lors de sa session de Bucarest en mai 2016, sous présidence roumaine, que l’IHRA a adopté une « définition de travail » (Working Definition) de l’antisémitisme [2]. Il s’agissait d’une pure opération de circonstance, l’IHRA n’ayant apporté aucune réflexion nouvelle sur cette question et reprenant, presque au mot près, la « définition » de l’EUMC.

Le communiqué de presse de l’IHRA (voir la traduction en annexe 1) publie à la fois la définition et les exemples associés, eux aussi largement issus de l’EUMC. Il faut lire de près ce communiqué de presse pour comprendre que ces exemples n’ont jamais été adoptés et ne sont cités que « pour guider le travail de l’IHRA ». Les promoteurs de cette définition ont constamment joué sur cette ambiguïté.

Une offensive vers l’Europe et ses États membres

Sur la base de l’adoption par l’IHRA, l’offensive des partisans de cette définition a pris deux directions : les États membres, et l’Union européenne.

L’offensive vers les États membres a notamment conduit, en décembre 2016, à l’« adoption » de la définition de l’IHRA par le gouvernement du Royaume Uni. Les circonstances de cette adoption, et les problèmes juridiques qu’elle pose, sont exposés dans l’avis juridique (« legal opinion ») d’un avocat renommé du Royaume-Uni, Hugh Tomlinson [3].

En ce qui concerne l’Union européenne, l’offensive a commencé par le Parlement Européen. Après avoir contourné la commission LIBE en charge de ces questions, le lobby pro-israélien a réussi à faire présenter directement, en séance plénière, une résolution pour la lutte contre le racisme et l’antisémitisme [4], dont l’article 2 « invite les États membres et les institutions et agences de l’Union à adopter et à appliquer la définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) ». Cette résolution ne fait pas mention des « exemples » liés à la définition mais, en appelant à « suivre l’exemple du Royaume-Uni et de l’Autriche », maintient l’ambiguïté.

Faute de préparation en commission, les députés qui ont voté ce texte, le 1er juin 2017, ne disposaient pas d’une appréciation détaillée sur la nature, l’origine, les limites de la définition proposée, ni des objectifs sous-jacents de ses promoteurs. L’offensive se poursuit au niveau du Conseil européen. Entre temps, plusieurs États membres ont « adopté » la définition, sans qu’il soit toujours clair si cette adoption comprend ou non les « exemples ».

LES DANGERS DE LA « DÉFINITION » DE L’IHRA

Une définition floue et sans grande valeur

La définition elle-même est particulièrement floue et qualifiée dans le communiqué de presse de l’IHRA comme « une définition de travail non contraignante sur le plan juridique ». Sa rédaction est très banale : « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des personnes juives ou non-juives et/ou leur propriété, contre les institutions de la communauté juive ou les lieux religieux. » C’est une définition sans grande valeur, on peut se demander si son but n’est pas simplement d’introduire les exemples.

Les dangers de toute « définition », en particulier celle de l’IHRA

Il est dangereux de prétendre définir un racisme particulier, alors que la loi française réprime de la même manière toute forme de racisme. Un groupe de personnalités françaises ont pris position à la suite du vote du Parlement Européen. Cette prise de position [5] est parue dans le journal Libération le 4 juillet 2017.

Beaucoup d’exemples très contestables

Rappelons que ces « exemples » n’ont en fait jamais été adoptés par l’IHRA, mais ils sont cités par le communiqué de presse « pour guider le travail de l’IHRA ».

Les premiers exemples sont relatifs à un antisémitisme que l’on peut qualifier de « classique » sur le plan historique. Viennent ensuite pas moins de 7 exemples qui font intervenir l’État d’Israël…

L’introduction à ces exemples affirme d’emblée que : « Les manifestations de l’antisémitisme peuvent inclure le ciblage de l’État d’Israël ». Certes, cette phrase est ensuite précisée, mais il y a des marges d’appréciation qui sont largement utilisées pour cibler les actions de contestation de la politique israélienne.

Deux exemples sont particulièrement dangereux :

· Nier au peuple juif le droit à l'autodétermination, en prétendant par exemple que l'existence de l'État d'Israël est une entreprise raciste. Outre le fait que la notion même de « peuple juif » est contestée par les historiens (qui préfèreront parler de « culture juive » ou de « fait juif »), le droit à l’autodétermination du peuple juif (et à lui seul, au détriment du peuple palestinien) est une notion très contestable, à la base de la très controversée « loi sur l’État-nation du peuple juif » ; va-t-il devenir impossible de contester cette loi ?

· Faire preuve d'un double standard en exigeant de sa part un comportement qui n'est attendu ni requis d'aucun autre pays démocratique. Sur quelles bases parlera-t-on de double standard, alors que chaque cas est particulier ? Et comment demander à une association de ne pas se spécialiser si tel est son statut ? Les « exemples » sont analysés en détail dans au moins deux publications auxquelles on pourra se rapporter :

- l’article du Professeur François Dubuisson [1] déjà cité : il analyse les « exemples » du rapport 2005 de l’EUMC, repris tels quels par l’IHRA,

- l’avis juridique de Hugh Tomlinson [3] qui les reprend un par un et démontre à la fois leur non-pertinence et leur flou, qui permet de justifier toute atteinte à la liberté d’expression.

La position de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme

On trouvera en [6] et en annexe 2 la position de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), organisme chargé de conseiller le gouvernement sur les droits de l’Homme. La CNCDH, dans son rapport annuel 2017 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, explique qu’elle n’est pas favorable à la transposition en France de cette définition pour deux raisons :

· la première est qu’il n’est pas dans la tradition juridique française d’opérer pareille distinction entre les racismes, (…) qui risquerait de fragiliser l’approche universelle et indivisible de la lutte contre le racisme qui doit prévaloir,

· la deuxième est qu’en multipliant les occurrences à l’État d’Israël, elle tend à s’écarter de son objet premier et propose une vision discutable de l’antisémitisme contemporain

CONCLUSION L’amalgame entre la contestation de la politique israélienne et l’antisémitisme est devenu un « classique » des dirigeants israéliens et de ses soutiens inconditionnels : la « note interprétative » de la Commission européenne sur l’étiquetage des produits des colonies a été qualifiée d’antisémite par Benyamin Netanyahou, et le CRIF a cru bon de déclarer que la tenue de la conférence internationale de Paris en janvier 2017 était « pire que l’affaire Dreyfus » !

Mais au-delà de ces outrances, c’est une politique que l’État d’Israël et ses soutiens cherchent à mettre en œuvre : une politique d’amalgame et d’intimidation, extrêmement dangereuse pour le débat public et la liberté d’expression. Un très grand nombre de conférences en milieu universitaire ont été annulées en Angleterre dès 2017 à la suite de « l’adoption » de cette définition par le gouvernement britannique.

La France et les autres pays européens doivent s’opposer fermement à ces manipulations, et à toute tentative de faire « adopter » une définition sans valeur juridique et qui ne peut qu’introduire la confusion.

La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ne se divise pas, elle ne peut pas devenir l’otage de groupes de pression qui veulent faire taire toute critique contre la politique de l’État d’Israël. Au-delà de notre liberté d’expression, c’est l’efficacité du combat anti-raciste et notre cohésion nationale qui sont en jeu.

ANNEXE 1 : TRADUCTION DE LA « DÉFINITION IHRA » DE L’ANTISÉMITISME

IHRA, présidence roumaine, 2016. Bucarest, le 26 mai 2016

Dans l’esprit de la déclaration de Stockholm qui précise : « Alors que l’humanité porte encore les cicatrices de… l’antisémitisme et de la xénophobie, la communauté internationale partage la responsabilité solennelle de combattre ces maux », le comité sur l’antisémitisme et le déni de l’holocauste a appelé l’assemblée plénière de l’IHRA qui s’est tenue à Budapest en 2015 à adopter la définition de travail suivante de l’antisémitisme. Le 26 mai 2016, l’assemblée plénière de Bucarest a décidé de :

Adopter la définition de travail suivante, non-contraignante sur le plan juridique, de l’antisémitisme : « L'antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut être exprimée comme de la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou leurs biens, contre les institutions communautaires et les institutions religieuses juives »

Pour guider l’IHRA dans son travail, les exemples suivants peuvent servir d’illustrations :

Les manifestations peuvent inclure le ciblage de l’État d’Israël, conçu comme une collectivité juive. Cependant, la critique d’Israël similaire à celle qui peut être faite contre tout autre pays ne peut pas être considérée comme antisémite. Il est fréquent que l’antisémitisme accuse les Juifs de conspiration pour nuire à l’Humanité, et souvent il est utilisé pour accuser les Juifs de « pourquoi les choses vont mal ». Il s’exprime par le biais de discours, d'écrits, de formes visuelles et d'actions, et fait appel à des stéréotypes sinistres et des traits de caractère négatifs.

Les exemples contemporains d’antisémitisme dans la vie publique, les médias, les écoles, au travail et dans la sphère religieuse peuvent, compte tenu du contexte global, inclure sans y être limités les points suivants :

· Appeler à tuer les Juifs ou à leur faire du mal, de même que soutenir ou justifier ces exhortations, au nom d'une idéologie radicale ou d'une vision religieuse extrémiste.

· Faire des allégations mensongères, déshumanisantes, diabolisantes ou stéréotypées sur les Juifs en tant que tels ou sur le pouvoir des Juifs en tant que collectivité - par exemple les mythes sur une conspiration mondiale juive ou sur les Juifs contrôlant les médias, l'économie, le gouvernement ou les autres institutions de la société.

· Accuser les Juifs en tant que peuple d'être responsables des méfaits réels ou imaginaires commis par une seule personne juive ou un seul groupe juif, ou même d'actes commis par des non-Juifs.

· Nier le fait, l'objectif, les mécanismes (par exemple les chambres à gaz) ou l'intentionnalité du génocide à l'encontre du peuple juif aux mains de l'Allemagne nationale-socialiste, de ses partisans et de ses complices au cours de la Seconde Guerre mondiale (l'Holocauste).

· Accuser les Juifs en tant que peuple, ou Israël en tant qu'État, d'inventer ou d'exagérer l'Holocauste.

· Accuser les citoyens juifs d'être plus loyaux à l'égard d'Israël, ou des priorités supposées des Juifs dans le monde, qu’aux intérêts de leurs propres nations.

· Nier au peuple juif le droit à l'autodétermination, en prétendant par exemple que l'existence de l'État d'Israël est une entreprise raciste.

· Faire preuve d'un double standard en exigeant de sa part un comportement qui n'est attendu ni requis d'aucun autre pays démocratique. ·

Utiliser des symboles et images associés à l'antisémitisme classique (par exemple l'affirmation que les Juifs ont tué Jésus ou les meurtres rituels) pour caractériser Israël et les Israéliens.

· Faire des comparaisons entre la politique actuelle israélienne et celle des nazis.

· Tenir les Juifs de manière collective pour responsables des actions de l'État d'Israël.

Les actes antisémites sont criminels lorsqu'ils sont définis comme tels par la loi (par exemple, la négation de l'Holocauste ou la diffusion de documents antisémites dans certains pays).

Les actes criminels sont antisémites quand les cibles des attaques, que ce soient des individus ou des biens - comme des bâtiments, des écoles, des lieux de culte ou des cimetières - sont choisis car ils sont juifs ou liés aux Juifs, ou perçus comme tels.

La discrimination antisémite est le fait de refuser aux Juifs les opportunités ou services disponibles aux autres. Elle est illégale dans de nombreux pays.

Traduction par AFPS Document original en anglais :

https://www.holocaustremembrance.com/sites/default/files/press_release_document_antisemitis m.pdf

ANNEXE 2 : POSITION DE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME

Extraits du rapport : Commission nationale consultative des droits de l’Homme. La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le xénophobie, année 2017.

https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/184000156.pdf pages 15-16

La CNCDH souhaite enfin soulever deux points importants, qui requièrent actuellement une vigilance particulière. Le premier concerne la résolution du Parlement européen adoptée le 1er juin 2017 sur la lutte contre l’antisémitisme (7) qui appelle « les États membres et les institutions et agences de l’Union à adopter et à appliquer la définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) »( 8)

La CNCDH n’est pas favorable à la transposition en France de cette définition (9), pour plusieurs raisons. La première est qu’il n’est pas dans la tradition juridique française d’opérer pareille distinction entre les racismes, le droit français retenant actuellement une définition globale du racisme (10). Une telle singularisation de l’antisémitisme vis-à-vis des autres formes de racisme pourrait ouvrir la boîte de Pandore, encourageant d’autres groupes victimes de racisme à revendiquer à leur tour pareille reconnaissance (islamophobie, négrophobie, romaphobie, etc.). Elle risquerait surtout de fragiliser l’approche universelle et indivisible du combat antiraciste qui doit prévaloir, d’autant plus dans un contexte d’exacerbation des revendications identitaires.

La deuxième raison relève davantage du texte de l’IHRA en lui-même. Ce dernier assortit une courte définition de l’antisémitisme (11), de plusieurs exemples censés l’illustrer pour orienter les travaux. Ainsi est-il affirmé que « les manifestations de l’antisémitisme peuvent inclure le ciblage d’Israël, conçu comme une collectivité juive », tout en étant précisé qu’« une critique d’Israël similaire à celle menée contre n’importe quel autre pays ne peut être vue comme antisémite » ; vient ensuite une série de onze exemples contemporains d’antisémitisme, dont sept font directement référence à Israël.

En multipliant les occurrences à l’État d’Israël, il tend à s’écarter de son objet premier et propose une vision discutable de l’antisémitisme contemporain qui ne concorde pas avec celui qui s’exprime aujourd’hui en France. En effet, l’enquête CNCDH-SIG-IPSOS 2017, comme les vagues précédentes, montre plutôt la persistance de vieux préjugés antisémites (liant les juifs à l’argent, au pouvoir, leur reprochant leur communautarisme), et nuance la thèse d’un « nouvel antisémitisme » sui generis (polarisé autour d’Israël et du sionisme) chassant l’ancien. Si elle confirme l’existence d’une « nouvelle judéophobie » qui s’articule autour d’une image négative d’Israël et de son rôle dans le conflit, celle-ci apparaît très minoritaire (12).

S’il faut se montrer ferme et vigilant face aux dérives antisémites de certaines critiques à l’encontre d’Israël, il faut éviter toute instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme, et ne pas amalgamer à du racisme la critique légitime d’un État et de sa politique, droit fondamental en démocratie, mis en œuvre en Israël même par les opposants au gouvernement actuel.

1 La définition de l’antisémitisme par l’European Monitoring Centre on Racism and Xenophobia (EUMC) : vers une criminalisation de la critique de la politique d’Israël ? Article de François Dubuisson, Professeur au Centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles, Juillet 2005.

2 Communiqué de presse de l’IHRA. Romanian Chairmaship, 2016.

https://www.holocaustremembrance.com/sites/default/files/press_release_document_antise

3 In The Matter of the Adoption and Potential Application of the International Holocaust Remembrance Alliance Working Definition of Anti-Semitism - “Legal opinionpar Hugh Tomlinson http://freespeechonisrael.org.uk/wp-content/uploads/2017/03/TomlinsonGuidanceIHRA.pdf

4 Résolution du Parlement européen sur la lutte contre l’antisémitisme (2017/2692(RSP)), du 1er juin 2017

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA- 2017-0243+0+DOC+PDF+V0//FR

5 Non à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme Article signé dans Libération, le 4 juillet 2017, par un groupe d’intellectuels français.

http://www.liberation.fr/debats/2017/07/04/non-a-l-instrumentalisation-de-la-lutte-contre-lantisemitisme_ 1581545

6 Commission nationale consultative des droits de l’Homme. La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le xénophobie, année 2017.

https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/184000156.pdf

7 Résolution du Parlement européen du 1er juin 2017 sur la lutte contre l’antisémitisme (2017/2692(RSP)). http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1492264&t=d&l=fr

9 Cette définition a été adoptée par plusieurs États, dont le Royaume-Uni, l’Autriche et l’Allemagne.

10 Le droit français le définit comme une « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance, ou de leur nonappartenance, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» (loi Pleven du 1er juillet 1972) ».

11 « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut être exprimée comme une haine envers les juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées vers des individus juifs ou non juifs et/ou leurs biens, vers des institutions communautaires juives et des installations religieuses. »

12 Cf. partie 1, chapitre 1, section 5 « Vieil antisémitisme, nouvelle judéophobie »

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