« La montée des populismes » et les mots-clichés Pierre Guerlain
9 Novembre 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Questions internationales, #Extrême-droite
Partout dans les médias dominants de qualité, on lit et on entend parler de la « montée des populismes », de la « haine » ou de « phobies » qui affectent l’espace public. Il est indéniable que les idées d’extrême droite ont le vent en poupe des États-Unis au Brésil mais aussi en Hongrie, Pologne, Japon, Israël, Argentine....
Il importe donc d’abord de formuler le meilleur diagnostic pour expliquer l’émergence de discours, pratiques et politiques qui tournent le dos au respect de la personne humaine et donc de la démocratie non définie par les seules élections.
L’expression « montée des populismes » met dans le même sac des mouvements dits de droite et des mouvements dits de gauche. Certains, aux États-Unis n’hésitent pas à mettre Sanders et Trump dans cette enveloppe très protéiforme. Sanders pourtant n’a jamais fait de déclaration raciste, sexiste ou homophobe mais son discours sur la justice sociale le fait classer parmi les populistes honnis.
Cette expression gomme les différences énormes qui existent entre régimes plus ou moins autoritaires et gomme aussi les choix économiques fort différents des « populistes ». Au Brésil, l’alliance entre les marchés, les néolibéraux et Bolsanaro qui tient des propos fascisants montre que néolibéralisme et tyrannie ne sont pas nécessairement opposés.
Les Chicago Boys autour de Pinochet avaient fait la démonstration que libéralisme économique et dictature meurtrière pouvaient marcher main dans la main. Hayek, le pape du libéralisme économique, l’avait déclaré : il disait préférer un dictateur libéral à un gouvernement démocratique non libéral. Personne ne disait en 1973 que Pinochet était un « populiste » mais on parlait de dictature, de fascisme ou de totalitarisme. Les innovations sémantiques récentes n’éclairent pas beaucoup.
On ne parlait pas de « populisme » pour Hitler, Staline ou Mao les grands criminels totalitaires du 20ème siècle. L’expression « montée des populismes » est employée par les partisans du centre social-libéral ou néolibéral, ceux que Tariq Ali évoque sous le terme « d’extrême centre ». Ainsi Macron n’est-il pas lui-même un populiste, ou plutôt un « plouto-populiste » ? Lorsque Macron évoque « le pognon de dingue » des aides sociales et enrichit les riches, il combine rhétorique populiste et ploutocratie.
La Chine est depuis longtemps un régime tyrannique qui met au pas ses dissidents mais l’expression « montée des populismes » ne s’applique pas à elle car elle n’est jamais passée par la case « démocratie libérale occidentale ». L’autoritarisme de la Russie a de longues racines historiques mais a aussi été grandement favorisé par les actions des États-Unis qui ont infligé une période de libéralisme exarcerbé avec Eltsine puis poussé pour étendre l’OTAN, contrairement aux promesses faites à Gorbatchev. En d’autres termes, « la montée des populismes » est souvent la résultante d’actions et décisions prises par ceux-là mêmes qui déplorent le populisme. Hayek est l’un de ceux qui ont créé le terreau du « populisme ».
Il n’y a pas de « montée des populismes » en Arabie saoudite ou en Egypte mais des régimes dictatoriaux soutenus par l’Occident, y compris lorsque ces régimes violent les droits humains ou soutiennent des terroristes. Jan-Werner Müller a consacré un livre à la définition du populisme, What is Populism?, dans lequel le rejet du pluralisme joue un rôle central. Dominique Vidal et Bertrand Badie ont, quant à eux, publié un Etat du monde 2019 qui s’intitule Le Retour des populismes dans lequel ils abordent la question de la diversité des populismes. Néanmoins, on peut être d’accord avec la déclaration d’Edgar Morin en 2013 : « Le mot “populisme” mis à toutes les sauces perd toute signification et empêche tout diagnostic pertinent ».
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