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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

La guerre d’Algérie et nous (Olivier Le Cour Grandmaison)

31 Octobre 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes

« L’histoire nous a apporté l’idée que nous sommes en guerre, et nous nous faisons la guerre à travers l’histoire. »

Michel Foucault
 
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Parler de la guerre d’Algérie, faut-il le rappeler, c’est parler d’une guerre longtemps sans nom, sans autre nom du moins, que celui « d’événements d’Algérie » grâce auquel, pendant des décennies, de bonnes âmes politiques, soucieuses de ce qu’elles appelaient le prestige et l’honneur de la France, désignaient la période écoulée entre 1954 et 1962. Elles n’étaient pas les seules ; il y eut aussi des historiens, des universitaires et des journalistes pour user de cette langue délicate et euphémisée au service du mensonge et du déni d’État. Mensonge et déni d’État qui n’auraient jamais été aussi puissants s’il ne s’était pas trouvé, dans la société, des partis de droite et de gauche, des hommes et des femmes ordinaires aussi, pour adhérer aux représentations que cristallisait cette dénomination fallacieuse mais consensuelle et propre à occulter les responsabilités et les compromissions des uns et des autres. Les « événements » ont donc oblitéré les réalités atroces d’un conflit dont la réalité fut niée avec constance pendant trente-cinq ans jusqu’au vote, le 18 octobre 1999, d’une loi qui reconnaissait enfin officiellement l’existence de cette guerre. De cette période de négation et d’oubli, politiquement et juridiquement construite, nous sommes apparemment sortis grâce au travail obstiné d’historiens, d’intellectuels, d’avocats, de militants et d’associations qui n’ont cessé, inlassablement et pour certains d’entre eux depuis plus de quarante ans, de s’opposer avec courage aux mystifications d’une histoire officielle qui a, pendant longtemps, raconté l’histoire en racontant des histoires. Les témoignages de victimes [1][1] Cf. L. Ighilahriz. Algérienne, récit recueilli par... et les aveux d’un chef tortionnaire en service commandé, dont les supérieurs militaires et politiques connaissaient et couvraient les agissements criminels [2][2] Général Aussaresses. Services spéciaux. Algérie 1955-1957,..., ont également contribué à ruiner ce récit enchanté d’une France des droits de l’homme, toujours fidèle à elle-même en dépit de quelques écarts malheureux ici et là. La guerre d’Algérie est devenue enfin une question politique publiquement débattue sur laquelle doivent se prononcer ceux qui sont en charge des affaires de l’État et ceux qui ont des responsabilités partisanes. Aucun doute cependant, ils feront tout ce qu’ils pourront pour mettre un terme à cette situation et refuser de reconnaître publiquement les responsabilités de l’armée française et des deux Républiques impliquées dans ce conflit. En effet, à la veille de commémorations officielles où l’Algérie doit être mise à l’honneur – comme ils disent –, la confrontation à cette histoire, outre qu’elle oblige à des révisions déchirantes qui portent atteinte à la mythologie politique dont les uns et les autres se nourrissent (cela vaut également pour le Parti communiste qui se présente comme la seule force anticolonialiste de cette période pour mieux faire oublier son soutien à la politique mise en œuvre par Guy Mollet [3][3] Rappelons que les députés du Parti communiste ont voté,...), menace leurs desseins et leurs petits calculs politiques. Familiers et amis du pouvoir, dont ils jouissent ou qu’ils espèrent reconquérir, beaucoup plus que de la vérité historique, ils sont prêts à toutes les compromissions pour y demeurer et pour accéder à de nouvelles responsabilités. Nul ne peut plus cependant ignorer ce qui a été perpétré au cours de ces années, et l’opinion publique, à laquelle tous prétendent être si attentifs lorsqu’ils y flairent des thèmes susceptibles de servir leurs ambitions (qu’ils nomment grands projets pour la France), s’est rapidement modifiée, si l’on en croit certains sondages [4][4] « Une majorité de Français (59 %) se déclare favorable.... Ces évolutions ne font que souligner davantage la pusillanimité de l’écrasante majorité des responsables politiques de ce pays dès lors qu’il est question du conflit algérien.

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