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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Vous avez dit nouvel antisémitisme ? (Simon Assoun)

23 Septembre 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antisémitisme et négationnisme

Par Simon Assoun, du Bureau national de l’UJFP.

Ce jeudi 20 septembre, c’est avec effroi que nous avons découvert cette inscription, sur la porte d’entrée d’un immeuble de la rue Ordener, dans le 18ème arrondissement de Paris : « Ici vivent des ordures juives, notamment au troisième. » Le sinistre message est accompagné d’un dessin de croix celtique, symbole utilisé notamment par les groupes néo-fascistes et l’extrême-droite nationaliste. Alors que le contexte politique national est notamment marqué par la constance de la progression électorale du Rassemblement national (ex-FN) et par la résurgence des groupes néo-fascistes, d’ultra-droite et identitaires (attaques contre le mouvement étudiant au printemps 2018, ouvertures de locaux et de salles dans plusieurs villes, démonstrations de force contre les réfugiés), cet acte violemment antisémite témoigne de la vitalité et de la dangerosité de l’antisémitisme de ces courants politiques, dont il porte le vocabulaire et la symbolique.

La simultanéité avec des événements survenus dans d’autres pays européens, notamment les émeutes anti-migrants de Chemnitz durant lesquelles de nombreux réfugiés ont été attaqués ainsi qu’un restaurant juif, n’est pas anecdotique. De la Suède à l’Italie, de l’Allemagne à la Hongrie, le retour de l’extrême-droite, au pouvoir comme dans la rue, est une réalité pour tout le continent européen. Si elle fait mine de changer de visage, il ne faut pas creuser trop profond pour que refasse surface la haine anti-juive. Pour ces courants et ces partis politiques, les Juifs restent des « parias » et ne sont tolérables qu’en tant que colons européens au Moyen-Orient, comme en témoigne l’enthousiasme pro-israéliens de nombre d’entre eux [1].

Pourtant, la lutte contre l’antisémitisme est aujourd’hui largement menée sous le prisme du « nouvel antisémitisme », lequel postule que l’antisémitisme est aujourd’hui essentiellement le fait des classes populaires issues de l’immigration post-coloniale et de l’extrême-gauche. Ce serait donc un antisémitisme de type nouveau, du fait des acteurs et du fait du registre, qui tendrait à remplacer l’antisémitisme traditionnel des sociétés modernes occidentales. Ce paradigme est aujourd’hui au coeur de la prise en charge du combat contre l’antisémitisme par le gouvernement Macron comme par les institutions officielles juives. Dans sa version la plus conservatrice, le combat contre l’antisémitisme se confond avec le combat pour la défense des « valeurs » et de « l’identité » de l’Occident, contre un ennemi commun incarné par les réfugiés venus du Sud et les descendants de l’immigration post-coloniale.

En 2002, le CRIF contribue largement à la diffusion, notamment dans le milieu politicien, du livre Les territoires perdus de la République, coordonné par l’historien Georges Bensoussan et dont la thèse centrale désigne l’antisémitisme contemporain comme une importation exclusivement venue de « l’univers culturel » arabo-musulman. Cette approche a été largement nuancée par d’autres chercheurs. Ainsi, dans un ouvrage collectif dirigé par le sociologue Michel Wierworka, Nonna Mayer, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), relativise, à partir d’une étude croisée de résultats de sondages, la thèse d’un antisémitisme associé à l’islam et à l’extrême-gauche en montrant la plus forte progression des opinions judéophobes dans les milieux d’extrême-droite [2]. Le journaliste Nicolas Weill pointait dans un livre qu’il publiait en 2004 les angles morts de la thèse d’un « nouvel antisémitisme » de nature extra-européenne [3]. Au lieu de se focaliser sur l’origine de certains auteurs d’actes antisémites, il invitait à s’interroger sur la circulation des préjugés et des idées antisémites, replaçant les nouvelles formes de judéophobies dans une généalogie franco-française.

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