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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

L’œuvre négative du néocolonialisme français et Européen en Afrique. Le Franc CFA, une monnaie coloniale, servile et prédatrice

23 Juillet 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Colonisation, #Afrique

Saïd Bouamama

Pour la première fois depuis les indépendances des manifestations publiques dans plusieurs pays d’Afrique (Dakar, Cotonou, Libreville, Bamako, etc.) et en région parisienne ont exigées la disparition du Franc CFA, une monnaie imposée au moment des indépendances à 14 pays par le colonialisme français. Portées par des mouvements de jeunes ces mobilisations marquent l’entrée en scène d’une nouvelle génération militante africaine. Ce n’est pas un hasard que ce soit le Franc CFA qui soit pris comme cible dans l’arsenal de mise en dépendance qu’impose le colonisateur dans la décennie 60. Toutes les autres zones monétaires coloniales ont, en effet, pris fin avec la dissolution de la dernière, la Zone sterling, en 1979[i]. Cette monnaie présentée par l’État français comme un symbole de la coopération apparaît de plus en plus pour ce qu’elle est : un symbole provocateur d’une  dépendance coloniale qui outre le CFA possède d’autres outils : la dette, l’Accord de Partenariat Économiques (APE), les accords de défense, la francophonie. « Tandis que les autres monnaies africaines symbolisent la rupture avec la colonisation et l’indépendance acquise au début des années 1960 par leur nom (naira au Nigeria, cedi au Ghana, dinar en Afrique du Nord), la monnaie qui circule de Dakar à Yaoundé en passant par Abidjan, Lomé, Bamako et Malabo continue de faire référence au colonisateur[ii] » résume le juriste  Yann Bedzigui.

La zone Franc est officiellement créé en 1939 en période de guerre mondiale afin de « constituer un « trésor de guerre » et d’anticiper l’instabilité consécutive à toute situation conflictuelle mondiale[iii][iv] ». Auparavant dans les colonies françaises un « privilège d’exception » était confié à des banques privées leur permettant d’émettre des francs ayant la même parité que le franc métropolitain. La préoccupation première à l’aube de la guerre mondiale est d’éviter la fuite des capitaux ce qui conduit, explique un document de la banque de France « à un strict contrôle des changes et l’inconvertibilité du franc est alors imposé à l’extérieur d’un espace géographique qui inclut la France métropolitaine, ses départements d’outre-mer et ses colonies africaines et asiatiques[v] ».

Pendant l’occupation les Allemands imposent une monnaie d’occupation spécifique qui à bien des égards fonctionne selon des principes similaires à ceux qui présideront à la mise en place du Franc CFA en 1945 : Une monnaie locale dépendante du Deutschemark, un taux de change entre ces deux monnaies fixé à Berlin, le drainage des ressources au profit de la puissance occupante, un contrôle statutaire de la banque centrale par un commissaire allemand, etc.[vi] «La façon dont la monnaie a été transformée durant la seconde Guerre mondiale en France est exemplaire d’une subordination du monétaire au politique. […] le pouvoir d’achat de l’occupant était artificiellement plus que doublé et lui permettait d’acquérir des richesses à moindre  coût. Cela participait à la politique de drainage des ressources françaises au profit du Reich[vii] » résume l’économiste Jérôme Blancs.

Au sortir de la seconde guerre mondiale sont ainsi créés le Francs CFA (Franc des Colonies Françaises d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale) et le Franc CFP (franc des Colonies Françaises du Pacifique). De même qu’en mai 40 les nazis fixent arbitrairement la valeur du mark à 20 Francs français, le décret du 25 décembre 1945 portant création du Franc CFA et du franc CFP fixe la valeur du premier à 1. 7 franc métropolitain et celle du second à 2.4 Francs[viii]. Nous sommes bien en présence d’une monnaie d’occupation. Cette parenté conduit l’économiste ivoirien Nicolas Agbohou à parler de « nazisme monétaire » dans son livre « Le Franc CFA et l’Euro Contre l’Afrique[ix] » qui a joué un rôle important dans les prises de consciences conduisant aux mobilisations anti CFA contemporaines.

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