L’œuvre négative du colonialisme français à la Réunion. De l’île vierge à la tentative de chirurgie sociale (Saïd Bouamama)
13 Juillet 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Colonisation, #Outre-mers
S’il est une colonie présentée comme non concernée par la question de la décolonisation, c’est bien la Réunion. Dans le roman idéologique colonial français, la Réunion étant non habitée lors de l’occupation française, elle ne saurait être considérée comme une colonie. Ce qui est occulté ici c’est la nature du lien qui relie l’île africaine et la métropole sur les plans économique et politique. La seconde image du roman est celle d’une société ayant réussie un métissage idéal en raison justement du fait que tous ses habitants soient des immigrés de plus ou moins longue date. Ce qui est masqué dès lors c’est le caractère hiérarchisé de la colonie selon un critère de couleur. L’histoire comme le présent, la géographie comme la rationalité économique pose pourtant à la Réunion comme dans les autres colonies française, la question de la décolonisation. Penser le contraire c’est réduire la colonisation à une de ses formes c’est-à-dire avoir une approche essentialiste de la question. L’approche matérialiste pose au contraire d’une part que la colonisation comme rapport social d’exploitation a pris des formes spécifiques selon les contextes locaux et d’autre part que ces formes ont été et sont évolutives en fonction des besoins du dominants et des rapports de forces. Même consentie (pour des raisons diverses allant de l’aliénation, aux préoccupations de survie immédiates en passant par l’état du rapport des forces) la colonisation reste une colonisation.
Île vierge, esclavage et engagisme
Comme en témoigne des cartes de navigation de l’époque, l’île est connue des navigateurs arabes dès le 12ème siècle sous le nom de « Dina Margabim » (île de l’Ouest). Elle sera ensuite redécouverte par les portugais qui la nommeront du nom du saint du jour de sa découverte (Santa Apollonia) en 1512, puis par les Hollandais qui la baptiseront England’s forest (les forêts anglaises en 1613). Elle portera aussi les noms anglais de « Pearl Island » (Du nom du premier bateau anglais qui y accoste) et français de « Grande Mascareigne » et « d’Île Bourbon » avant d’hériter de son nom actuel en 1794 en référence à la réunion des États-généraux. L’Île est au moment de ces découvertes non habitées et pendant des décennies elle ne reste qu’une escale de ravitaillement pour les différentes puissances. Ce n’est qu’à partir de 1638, sous le ministère du Cardinal Richelieu qu’arrivent les premiers colons. Ceux-ci sont matelots, ouvriers ou soldats que les vaisseaux français laissent sur l’île pour y former une station de ravitaillement sur la route de l’Inde. L’immigration française ne fut jamais massive. Ce lien avec la route des Indes est confirmé par son statut : c’est en effet la Compagnie des Indes Orientales qui gère la colonie comme suit :
La Compagnie y organise une base de ravitaillement pour ses bateaux trafiquant avec Pondichéry : elle demande aux colons […] de fournir des vivres frais. Aidés d’esclaves malgaches, puis africains, les « habitants » élèvent de la volaille, des porcs, des bœufs […] ; ils cultivent le blé, les légumes d’Europe, le riz, les plantes tropicales : le riz, la canne à sucre, dont le jus fermenté, ou forangorin remplace le vin trop couteux[i].
La découverte d’un caféier sauvage puis le succès de l’acclimatation du moka vont ouvrir un nouvel âge de la colonisation. La compagnie développe la colonisation en offrant des terres contre une redevance en nature c’est-à-dire en café qu’elle commercialise ensuite. Elle multiplie dans le même temps l’importation d’esclaves pour l’économie de plantation qui s’installe durablement. La concurrence du café antillais poussa les colons à se reconvertir dans de nouvelles productions, toujours centrées sur les produits d’exportations : cannelier, cacaoyer, giroflier, muscadier puis vanillier. Cet âge des épices cède le pas à celui de la canne à sucre dès le début du 19ème siècle pour les mêmes raisons lucratives. La superficie consacrée à la canne passe ainsi de 27 000 hectares en 1851 à 56 000 ha en 1855 et 62 500 ha en 1860. A cette dernière date on compte déjà 116 usines fournissant 68 469 tonnes de sucre[ii].
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