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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Qu’est-ce que le racisme d’État ? (Saïd Bouamama)

9 Mai 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antiracisme politique

Intervention au Bandung du Nord du 5 mai 2018 après-midi

Avant d’aborder la question du « racisme d’État » rappelons que cette expression fait partie du vocabulaire que certains voudraient interdire. D’autres termes subissent le même procès en sorcellerie comme « islamophobie », « blanc », « privilège », etc. En fait dès qu’un terme ou une expression semble investit par un groupe dominé pour rendre compte de son expérience et de sa situation, il est l’objet d’attaques visant à le délégitimer. Cette fois-ci cependant un seuil de gravité est franchi puisqu’un ministre de l’Éducation Nationale a tenté de porter plainte contre un syndicat pour usage de l’expression « racisme d’Etat ». Selon lui l’Etat français a été diffamé par l’utilisation de cette expression.

  1. Racisme d’État et État raciste :

Il n’est pas inutile de camper la scène du théâtre que nous avons connus à propos de cette expression. La ligue des droits de l’homme, la LICRA, le sociologue Michel Wieworka critique l’expression comme porteuse d’un réductionnisme dangereux. Utiliser l’expression « racisme d’État » prétendent-ils c’est affirmer que l’État nazi serait de même nature que l’État républicain français contemporain. Les partis s’en mêlent avec un large consensus dépassant le clivage « droite-gauche » pour dénoncer l’utilisation de cette expression pour caractériser la république française contemporaine. Écoutons la formulation de l’accusation par Wieworka :

« Parler de racisme d’État veut dire que l’État pratique et professe le racisme. C’est mettre la France sur le même plan que l’Afrique du Sud de l’apartheid. Il y a racisme d’État quand le phénomène se hisse au niveau de l’État. Ce qui n’est pas du tout la même chose que s’il s’agit de mécanismes inacceptables qui existent certes au sein de l’État – un État qui s’efforce de les faire reculer (…) il est vrai que si vous êtes issus de l’immigration maghrébine vous avez plus de peine à trouver un stage ou un emploi au sortir de l’école. Mais il n’y a pas de volonté explicite, ni même l’acceptation de telles logiques de la part de l’État. Au contraire, la République donne tous les signes d’une forte mobilisation contre le racisme »

Le président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme va dans le même sens : «Le racisme d’État, c’était en Afrique du Sud ou sous Pétain. On n’est pas dans une situation de ce type aujourd’hui, car l’État ne produit pas de lois ou de règlements racistes.» ( Libération 24 novembre 2017)

Outre que le débat reste ouvert pour nous à propos de certaines lois comme celle d’exception sur le foulard en 2004, il y a ici confusion, volontairement ou pas importe peu, entre les expressions « racisme d’État » et « État raciste ».   Plus avertit que d’autres il reconnait l’existence d’un racisme institutionnel (porter par telle ou telle institution) mais pour l’opposer au « racisme d’État » qui signifierait une « intentionnalité de l’État ». Quant au fait qu’il voit une « République (qui) donne tous les signes d’une forte mobilisation contre le racisme », nous ne devons pas vivre dans la même société ou du même côté de la ligne de couleur qui est aussi une partie de la ligne de pouvoir.

A notre connaissance aucun des nombreux militants et aucun des quelques chercheurs utilisant l’expression « Racisme d’État » ne considère l’État français comme similaire au nazisme ou au régime de l’apartheid. . Nous ne sommes pas inconscients dans le choix de nos mots et expressions. Nous avons lu l’historien états-uniens Georges Fredrickson (« Racisme, une histoire ») et sa mise en exergue des trois régimes politiques explicitement racistes au XXème siècle : les États du Sud des États-Unis à l’époque des lois « Jim Crow » (1865-1963) ; l’Afrique du Sud sous l’apartheid (1948-1991) et l’Allemagne nazie (1933-1945). Nous ajouterons simplement à la liste les États européens ayant suivis la logique raciste des nazis et entre autre le régime de Pétain. Ces exemples encore une fois concernent le concept « d’État raciste » que personne ne confond avec le « Racisme d’État ».

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