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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Immigration : malaise à gauche (François Gemenne)

5 Avril 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Étrangers et immigrés, #"Gauche" décomplexée

Pour le politologue François Gemenne, une partie de la gauche a abandonné toute ambition universaliste et cosmopolite sur la question migratoire. Principalement par lâcheté politique et au profit d'intérêts électoraux immédiats.

La phrase est passée inaperçue, tant elle est courante à gauche depuis près de 30 ans, depuis la « misère du monde » de Rocard. Alors que le Parti socialiste vient d’élire Olivier Faure comme nouveau premier secrétaire, son principal rival, Stéphane Le Foll, assure dans sa déclaration de campagne que l’Europe est face à deux menaces la mettant « à l’épreuve » : le terrorisme et la « pression migratoire ». La juxtaposition des eux, l'utilisation du terme « menace », l’expression abjecte de « pression migratoire »... tout cela est passé aussi inaperçu que l’élection elle-même du nouveau premier secrétaire du Parti socialiste. Et si cela n’a guère fait tiquer ni les militants ni les observateurs de la vie politique, c’est parce qu’au fond c’est le discours que donne à entendre la gauche de gouvernement depuis plus de 30 ans.

Défaite sémantique

Depuis ce jour de 1984 où Laurent Fabius, alors premier ministre, déclara après un succès électoral du Front National que celui-ci « pos(ait) les bonnes questions, mais apport(ait) de mauvaises réponses », la gauche a confié les clés du débat sur l’immigration à l’extrême-droite. Depuis lors, c’est celle-ci qui pose les questions. A charge pour les autres, et la gauche à particulier, d’y répondre. Et peu à peu, presque sans s’en rendre compte, la gauche a adopté un vocabulaire qui lui était insidieusement imposé, sans même le remettre en question : ce sera d’abord l’infâme « misère de monde », de Michel Rocard, en 1991 ;  ce sera Manuel Valls en visite à Munich qui tance Angela Merkel sur sa politique d’asile en pleine « crise des réfugiés », et déclare que ni la France ni l’Europe ne peuvent accueillir davantage de réfugiés ; ce sera Gérard Collomb qui fait détruire les abris des migrants de Calais par hantise de l’ « appel d’air » ; c’est cette logique de tri entre réfugiés et migrants, qui faisait encore hurler il y a quelques mois à peine, et qui constitue désormais la pierre angulaire du projet de loi en cours d’examen sur l’asile et l’immigration.

Ce qui frappe notamment, c’est la facilité avec laquelle le vocabulaire de l’extrême-droite, y compris quand il renvoie à des concepts fumeux et sans fondement empirique, s’impose dans le débat public : l’immigration subie, les illégaux, l’Europe-passoire, la crise migratoire, l’appel d’air… on sent qu’il ne suffira que de quelques années avant que l’on ne parle aussi du « grand remplacement ». Ce sont toutes les digues que la gauche avait érigées qui, depuis 30 ans, sautent une à une. Sur les questions d’asile et d’immigration, l’extrême-droite n’a guère besoin d’une victime dans les urnes : comme ses leaders le reconnaissent à demi-mot, elle a déjà imposé son agenda sur la question, et la France n’est pas épargnée par le phénomène.

Tétanisée par l’extrême droite

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