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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Ce que révèle l'«agression antisémite» de Sarcelles (Guillaume Weil-Raynal)

7 Février 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antisémitisme et négationnisme

L’emballement disproportionné des premières heures – aujourd'hui retombé - a suscité son lot habituel de commentaires tendancieux sur les «banlieues musulmanes». Mais pas seulement. Un nouveau palier vient d’être franchi dans la construction du discours sur le «nouvel antisémitisme». Dont on vient d’apprendre par ailleurs qu'il ne repose sur aucune statistique officielle !

Résumons. Le 31 janvier, un enfant juif de huit ans portant kippa dit avoir été agressé dans la rue par deux jeunes adolescents noirs qui l’auraient mis à terre et frappé. Ses parents portent plainte au commissariat de Sarcelles.  Deux jours après, c'est l’emballement. Tous les grands médias – presse écrite, radios, télés - évoquent cette affaire sans beaucoup de recul. Les faits allégués - et au premier chef, le mobile antisémite - sont tenus pour établis. On parle alors d’un « enfant roué de coups », d’un véritable « passage à tabac ». Sur son compte Twitter, Emmanuel Macron considère que c'est « toute la République qui est agressée » par ces « actes ignobles ».  A l’Assemblée nationale, lors des questions d’actualité, le premier ministre exprime le souhait que « la Justice passe avec sévérité ».  

Mais deux jours plus tard, l’affaire se dégonfle sérieusement. Sans que les médias s’en fassent aussi bruyamment l’écho.  Aucun témoin n’a assisté à la scène.  Aucune caméra de surveillance n’en a capté la moindre image. L’enfant était accompagné de son frère, âgé de 11 ans « qui marchait un peu en retrait », mais qui ne semble pas être en mesure de confirmer le récit des faits avec précision. Aucune lésion corporelle ni aucune ITT n’a pu être constatée, les parents n’ayant pas suivi l’invitation des policiers à se présenter au service des urgences médico-judiciaires.  Finalement réentendu le 2 février, l’enfant déclare aux policiers « ne pas avoir été blessé, car les coups n’étaient pas forts ». Aujourd'hui, des « sources proches de l’enquête » – entendez, les enquêteurs – reconnaissent que l’affaire « s’est emballée trop rapidement », sur le mobile antisémite retenu d’emblée par le parquet au motif que la kippa de l’enfant était visible, et aussi, peut-être, sur la matérialité des faits eux-mêmes.  Une nouvelle « affaire du RER D » ? On ne peut l’affirmer catégoriquement. Peut-être une bousculade ou un croche-pied. Mais mettant en cause des mineurs, sans la moindre insulte, trop imprécis pour qualifier juridiquement une infraction, et encore moins son caractère antisémite. En tout cas, rien qui justifiait une importance aussi disproportionnée accordée à cette affaire dans les médias et à la tête de l’Etat. Disproportionnée et inédite.   

Car aux commentaires habituels et nauséabonds que provoque, trop souvent hélas, ce type d’affaire (on citera, cette fois, Natacha Polony qui, le 1er février, sur Sud Radio, a rebondit sur les faits de Sarcelles pour déplorer que soit passée sous silence la « cuture musulmane » des auteurs d’actes antisémites « en banlieue » ; et l’inévitable Alain Finkielkraut, dimanche 4 février sur Radio Communauté Juive (RCJ), dénonçant dans l’antisémitisme d’aujourd'hui, « un sous-produit de l’immigration » et de la « société multiculturelle »), sont venus s’ajouter d’autres commentaires juridico-psychologiques peu entendus jusqu'à présent, qui pourraient bien marquer le passage d’un nouveau palier dans la construction du discours sur le « nouvel antisémitisme » qui empoisonne le débat français depuis plus de quinze ans.    

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