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Repères contre le racisme, pour la diversité et la solidarité internationale

Pour une défense de l’antiracisme politique et de la démocratie (Houria Bentouhami)

16 Janvier 2018 , Rédigé par Repères anti-racistes Publié dans #Antiracisme politique

On ne compte plus les articles ou tribunes publiées ces derniers temps contre l'antiracisme politique. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces attaques n’ont pas eu pour but de prendre part à un débat public de fond sur la question raciale en France, mais d’en disqualifier les termes. Or, ce n'est pas le silence des dissensus qui fait la démocratie mais plutôt l'expression plurielle des positionnements.

Qu'est-ce que l'antiracisme politique?

Nous ne pouvons mieux faire que citer Omar Slaouti qui dans un entretien à Contretemps[1] expliquait la différence entre antiracisme politique et antiracisme moral en la fondant non pas sur l’idée qu'il n'y aurait pas de morale dans le premier mais sur celle qu'il n'y a pas de politique dans le second. Nous ajouterions volontiers qu’il y a bien une politique dans l’antiracisme moral si l’on prend note des prises de position publiques des représentants de cette mouvance, mais il ne s’agit pas de politique antiraciste. C’est là où le bât blesse.

L'antiracisme moral considère que le racisme est un problème de morale individuelle : il serait le fait de personnes qui, par manque d'éducation, par « peur de l'Autre », par ignorance sont racistes. Le racisme serait ainsi la peur éternelle de l'Autre. Face à cela la solution est simple: répéter le principe universel de l'égalité des êtres humains, affirmer la disqualification scientifique du concept de race biologique, rappeler à l’envie qu’ « il n’y a qu’une seule race : la race humaine » ; en somme, éduquer les masses à l'acceptation de « l'Autre », au respect de la « différence ».

L'antiracisme politique consiste, quant à lui, à affirmer deux choses fondamentales. Premièrement le racisme a des conditions historiques et politiques ayant présidé à son émergence et déterminant sa forme, variable au cours de l'histoire (il y a eu un racisme envers les Italiens qui ne s'est pas perpétué auprès de la génération suivante, l'antisémitisme structurel du début du 20ème siècle a subi des mutations, le racisme anti-Arabes a pris progressivement la forme explicite d’un racisme anti-musulman, etc.). C'est pourquoi les antiracistes politiques se réclament de la pensée anti-colonialiste ou décoloniale : l'impérialisme et la colonisation ont instauré non pas seulement un ordre de domination politique de classe et de sexe mais une hiérarchie raciale dont sont largement héritières nos sociétés contemporaines. Nos institutions, nos imaginaires, nos arts, notre éducation, notre rapport au travail, nos désirs et nos pratiques érotiques portent ainsi la marque d’une « colonialité » reconfigurée. La « colonialité » désigne en situation postcoloniale le legs de la colonisation : la production d’une altérité menaçante, sauvage, subalternisée par rapport au sujet national « normal » (blanc, masculin, hétérosexuel). En l’occurrence les Autres sont assigné.es à être d’ « éternel.les étrangèr.e .s » (Rroms et juifs compris), que ce soit symboliquement ou matériellement par le statut social qu’ils et elles occupent.

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